Lesmers en GrĂšce. 20 novembre 2016. Quelles sont les mers qui bordent la GrĂšce ? Question utile sur la gĂ©ographie de la GrĂšce. Voici votre carte des mers avant de partir en Grece. Les mers qui entourent la Grece sont trois. Les mers qui entourent la GrĂšce sont trois. La mer ionienne. Elle s’étend entre l’Italie et la GrĂšce et sa Recherche - DĂ©finition Recherche - Solution La meilleure solution pour CIRCONSCRIPTION GRECQUE Solution DĂ©finition DEMECIRCONSCRIPTION GRECQUE EN 4 LETTRESD'autres solutions pour CIRCONSCRIPTION GRECQUE Solution DĂ©finition ACADEMIECIRCONSCRIPTION ADMINISTRATIVE GERANT L'EDUCATIONACHEEN ACROPOLEANCIENNE CITE GRECQUEAEDECHANTEUR D'ORIGINE GRECQUEAEIOUSONT TOUTES LA, SAUF LA GRECQUEAGORAPLACE GRECQUEPLACE PUBLIQUE GRECQUEALPHALETTRE GRECQUEPREMIERE GRECQUEAMPHOREJOLIE GRECQUE EN TERREANDROMEDEGALAXIE NOMMEE D'APRES UNE PRINCESSE GRECQUEANTEGRECQUE DANS CE SENS, SICILIEN DANS L'AUTREANTIGONEFILLE D'OEDIPE DANS LA MYTHOLOGIE GRECQUEAORISTETEMPS DE LA CONJUGAISON GRECQUEAPHRODITEDEESSE GRECQUE NOMMEE VENUS CHEZ LES ROMAINSLE NOM ROMAIN DE LA DEESSE GRECQUE VENUSARESDIVINITE GRECQUEARGOSCITE GRECQUEARTEMISDEESSE GRECQUE DE LA CHASSEDEESSE GRECQUE DE LA CHASSE ET DE LA LUNEDEESSE GRECQUE DE LA CHASSE, SOEUR D'APOLLONDEESSE GRECQUE ET SOEUR JUMELLE D'APOLLONDIVINITE GRECQUEATALANTEHEROINE DE LA MYTHOLOGIE GRECQUEATEDEESSE GRECQUE DE LA FAUTEATHENADEESSE GRECQUEDEESSE GRECQUE DE LA SAGESSEDEESSE GRECQUE DESIGNEE PAR LE TERME PALLASDEESSE GRECQUE JAILLIE DE LA TETE DE ZEUSDEESSE GRECQUE, FILLE DE ZEUSATHENESCAPITALE GRECQUECITE GRECQUE OU VIVAIT PLATONJe propose une nouvelle solution ! Compte-rendu de la recherche pour CIRCONSCRIPTION GRECQUE Lors de la rĂ©solution d'une grille de mots-flĂ©chĂ©s, la dĂ©finition CIRCONSCRIPTION GRECQUE a Ă©tĂ© rencontrĂ©e. Qu'elles peuvent ĂȘtre les solutions possibles ? Un total de 21 rĂ©sultats a Ă©tĂ© affichĂ©. Les rĂ©ponses sont rĂ©parties de la façon suivante 1 solutions exactes 0 synonymes 20 solutions partiellement exactes D'autres dĂ©finitions intĂ©ressantes Solution pour APAISER LA SOIFSolution pour POISSON DE LACSolution pour MERITE UNE CORRECTIONSolution pour LE SENS DE L ECOUTESolution pour MANQUER DE SERENITE Solution pour ELLE SORT DU SOTSolution pour PROFONDE VALLEESolution pour COUPER LA PAROLESolution pour METTANT A L ECARTSolution pour CHINOIS A LA CUISINE Siteagréé par les TĂ©moins de JĂ©hovah. Permet d’effectuer des recherches dans leurs publications. Nombreuses langues disponibles. BIBLIOTHÈQUE EN LIGNE Watchtower. Watchtower. BIBLIOTHÈQUE EN LIGNE. Français . BIBLE; PUBLICATIONS; RÉUNIONS; yb09 p. 142-255; Pays de l’ex-Yougoslavie Aucune vidĂ©o n'est disponible pour cette sĂ©lection. Il y a Edward M. Harris, Democracy and the Rule of Law in Classical Athens, Cambridge, Cambridge University Press, 2006, XXXII-486 p. 1Le recueil de certains de ses propres articles publiĂ© ici par Edward M. Harris s’avĂ©rera certainement d’une grande utilitĂ© pour quiconque aura Ă  traiter de l’histoire sociale ou judiciaire d’AthĂšnes Ă  l’époque classique. AprĂšs, notamment, un sommaire p. VII-VIII et une commode prĂ©sentation du travail par l’A. lui-mĂȘme p. XVII-XXXII, ce sont en tout 21 Ă©tudes qui sont regroupĂ©es en 4 rubriques. 2La premiĂšre rubrique est intitulĂ©e Loi et histoire constitutionnelle ». On y trouve des Ă©tudes telles que Solon et l’esprit de la loi en GrĂšce archaĂŻque et classique » p. 3-28 ; cf. J. Blok et A. Lardinois eds, Solon of Athens New Historical and Philological Approaches, Leyde, 2006, p. 290-320, L’éloge de la dĂ©mocratie athĂ©nienne par PĂ©riclĂšs » p. 29-39 ; cf. Harvard Studies in Classical Philology, 94, 1992, p. 57-67, Antigone le LĂ©gislateur, ou les ambiguĂŻtĂ©s du Nomos » p. 41-80 ; cf. E. M. Harris et L. Rubinstein eds, The Law and the Courts in Ancient Greece, Londres, 2004, p. 19-56, Selon quelle frĂ©quence l’AssemblĂ©e athĂ©nienne se rĂ©unissait-elle ? » p. 81-101 ; Classical Quarterly, 36, 1986, p. 363-377, Quand l’AssemblĂ©e athĂ©nienne se rĂ©unissait-elle ? Quelques donnĂ©es nouvelles » p. 103-120 ; cf. American Journal of Philology, 112, 1991, p. 329-345, DĂ©mosthĂšne et le fonds du thĂ©orique » p. 121-139 ; cf. R. Wallace et E. M. Harris eds, Transitions to Empire Essays in Greco-Roman History, 360-146 BC in Honor of E. Badian, Norman-Londres, 1996, p. 57-76. 3La deuxiĂšme section porte sur Loi et Ă©conomie ». Y sont rassemblĂ©s des articles tels que Loi et Ă©conomie dans l’AthĂšnes classique [DĂ©mosthĂšne], Contre Dionysodore » p. 143-162 ; cet article avait Ă©tĂ© originellement publiĂ© sur un site informatique, Quand une vente n’est-elle pas une vente ? RĂ©examen de l’énigme de la terminologie athĂ©nienne sur la garantie rĂ©elle » p. 163-206 ; cf. Classical Quarterly, 38, 1988, p. 351-381, ApotimĂšma la terminologie athĂ©nienne sur la garantie rĂ©elle dans les accords de baux et de dot » p. 207-239 ; cf. Classical Quarterly, 43, 1993, p. 73-95, La responsabilitĂ© des partenaires commerciaux dans la loi athĂ©nienne la dispute entre Lycon et MĂ©gacleidĂšs [DĂ©mosthĂšne], 52, 20-1 » p. 241-247 ; cf. Classical Quarterly, 39, 1989, p. 339-343, Solon a-t-il aboli la servitude pour dette ? » p. 249-269 ; cf. Classical Quarterly, 52, 2002, p. 415-430, Notes sur une lettre de plomb provenant de l’agora d’AthĂšnes » p. 271-279, paru depuis dans Harvard Studies in Classical Philology, 102, 2004, p. 157-170. 4La troisiĂšme division concerne La loi et la famille ». On y trouve des publications intitulĂ©es Les AthĂ©niens considĂ©raient-ils la sĂ©duction comme un crime pire que le viol ? » p. 283-295 ; cf. Classical Quarterly, 40, 1990, p. 370-377, Le viol existait-il dans l’AthĂšnes classique ? RĂ©flexions complĂ©mentaires sur les lois concernant la violence sexuelle » p. 297-332 ; cf. DikĂš, 7, 2004, p. 41-83, Les femmes et le prĂȘt dans la sociĂ©tĂ© athĂ©nienne rĂ©examen d’un horos » p. 333-346 ; cf. Phoenix, 4, 1992, p. 309-321, Notes sur un horos provenant de l’agora d’AthĂšnes » travail en collaboration avec Kenneth Tuite, p. 347-354 ; cf. Zeitschrift fĂŒr Papyrologie und Epigraphik, 131, 2000, p. 101-105, La date du discours d’Apollodore contre TimothĂ©e et ses implications pour l’histoire athĂ©nienne et la procĂ©dure lĂ©gale » p. 355-364 ; cf. American Journal of Philology, 109, 1988, p. 44-52, Une note sur l’adoption et l’enregistrement dans le dĂšme » p. 365-370 ; cf. Tyche, 11, 1996, p. 123-127. 5La quatriĂšme partie aborde des Aspects de procĂ©dure ». On y voit des travaux variĂ©s “En flagrant dĂ©lit” ou “ayant sur soi les preuves de sa culpabilitĂ©â€ ? ApagogĂš aux Onze et furtum manifestum » p. 373-390 ; cf. G. ThĂŒr Ă©d., Symposion 1993 VortrĂ€ge zur griechischen und hellenistischen Rechtsgeschichte, Cologne-Weimar- Vienne, 1994, p. 129-146, Comment tuer en grec attique les valeurs sĂ©mantiques du verbe 3Ï€ÎżÎșΔBΜΔÎčΜ et leurs implications pour la loi athĂ©nienne sur l’homicide » p. 391-404 ; cf. E. Cantarella et G. ThĂŒr Ă©d., Symposion, 1997 VortrĂ€ge zur griechischen und hellenistischen Rechtsgeschichte, Cologne-Weimar-Vienne, 2001, p. 75-88, La sanction pour poursuite injustifiĂ©e dans la loi athĂ©nienne » p. 405-422 ; cf. DikĂš, 2, 1999, p. 123-142. 6Le recueil s’achĂšve, sous l’intitulĂ© d’un envoi », par la reprise d’une note, Le lĂ©gislateur Phidippide une note sur Les NuĂ©es d’Aristophane » p. 425-430 ; cf. Zeitschrift fĂŒr Papyrologie und Epigraphik, 140, 2002, p. 3-5. 7Sous le titre de RĂ©flexions ultĂ©rieures » Afterthoughts » , les diffĂ©rents articles font souvent l’objet de complĂ©ments bibliographiques, qui contribuent Ă  accroĂźtre la valeur du volume indĂ©pendamment de quelques modifications de fond, ainsi dans l’article Ă©crit avec K. Tuite. 8À la fin, une bibliographie des travaux citĂ©s p. 431-450 ; une liste des travaux de l’auteur figure p. 438-440 est suivie d’un index locorum p. 451-476 et d’un index gĂ©nĂ©ral des sujets abordĂ©s noms propres et mots clĂ©s, p. 477-486. 9De façon gĂ©nĂ©rale, l’auteur a voulu examiner des dispositions lĂ©gales athĂ©niennes dans leur cadre politique, social et Ă©conomique. 10La premiĂšre rubrique met l’accent sur la rĂ©gulation de la vie politique par la loi, et en particulier la prĂ©vention de la tyrannie ; y sont notamment soulignĂ©s la pleine compatibilitĂ©, aux yeux des AthĂ©niens, entre la dĂ©mocratie et le rĂšgne de la loi, le fait aussi que malgrĂ© M. H. Hansen l’expression ekklesia synkletos devait bien dĂ©signer une rĂ©union exceptionnelle de l’assemblĂ©e en cas d’urgence, ou encore la possibilitĂ© de souligner la complĂ©mentaritĂ© et non l’opposition des politiques de DĂ©mosthĂšne et d’Eubule Ă  propos de l’usage des fonds du thĂ©orique. 11La deuxiĂšme section explique comment les AthĂ©niens mirent en place une lĂ©gislation permettant le dĂ©veloppement du crĂ©dit et, en consĂ©quence, le dĂ©veloppement d’une certaine Ă©conomie de marchĂ©. L’auteur entend montrer que Solon a interdit l’asservissement pour dette mais pas la servitude temporaire d’un dĂ©biteur devant rembourser ses dettes par son travail ; considĂ©rant le texte portĂ© par une plaque de plomb du IVe siĂšcle trouvĂ©e Ă  l’agora d’AthĂšnes, l’auteur estime qu’elle atteste la misĂ©rable condition qui Ă©tait alors celle des esclaves. 12La troisiĂšme division s’interroge sur l’action des femmes dans la sociĂ©tĂ© athĂ©nienne, la façon dont la violence Ă  l’égard des femmes Ă©tait considĂ©rĂ©e il est soulignĂ© que la sanction est fondĂ©e sur la nature de l’intention qui meut l’agresseur masculin et non sur la violence subie par la femme et aussi la maniĂšre dont les femmes pouvaient agir en matiĂšre Ă©conomique en s’appuyant sur un consentement masculin. ConsidĂ©rant le discours d’Apollodore, alias le Pseudo-DĂ©mosthĂšne, Contre TimothĂ©e, l’A. estime qu’il n’a pas Ă©tĂ© prononcĂ© en 362-361, mais avant 366-365, alors mĂȘme que PasiclĂšs, le frĂšre d’Apollodore, que l’on voit intervenir comme tĂ©moin, n’avait pas 18 ans. 13Dans la quatriĂšme partie, il est relevĂ© que le verbe apokteinein tuer » est utilisĂ©, en prose attique, pour dĂ©signer Ă  la fois la prĂ©paration d’un assassinat et l’acte mĂȘme de meurtre ; en consĂ©quence, les actes perpĂ©trĂ©s par le comploteur d’un assassinat et par un meurtrier relevaient de la mĂȘme procĂ©dure. Une autre procĂ©dure la dikĂš bouleuseĂŽs s’appliquait Ă  ceux qui avaient fomentĂ© un assassinat sans que celui-ci eĂ»t Ă©tĂ© effectuĂ©. Par ailleurs, l’A. met en question le point de vue selon lequel le systĂšme de lois athĂ©nien n’aurait pas visĂ© Ă  produire une norme positive mais plutĂŽt Ă  permettre aux citoyens – et en particulier aux plus aisĂ©s d’entre eux – de poursuivre leurs vengeances privĂ©es ; les plaignants auraient pu renoncer aux poursuites entreprises par eux, pourvu que le TrĂ©sor public ne fĂ»t pas privĂ© du revenu d’une amende. 14Quant Ă  l’ envoi », il souligne que la parodie de la terminologie lĂ©gislative effectuĂ©e par Aristophane doit montrer que leurs lois constituaient pleinement un bien commun des AthĂ©niens en opposition, par exemple, Ă  une apprĂ©ciation de M. H. Hansen estimant, dans La dĂ©mocratie athĂ©nienne Ă  l’époque de DĂ©mosthĂšne, Paris, 1993, p. 229, qu’ il devait ĂȘtre excessivement difficile pour l’AthĂ©nien moyen de se retrouver dans [le] maquis [des] procĂ©dures ». 15Un autre livre, complĂ©mentaire de celui-ci, est annoncĂ© p. IX il portera sur la maniĂšre dont les AthĂ©niens interprĂ©taient et appliquaient la loi dans leurs cours judiciaires ce livre sera en principe intitulĂ© The Rule of Law in Action The Nature of Litigation in Classical Athens. Le diptyque ainsi constituĂ© ne pourra que constituer un prĂ©cieux instrument de rĂ©fĂ©rence, et une base de bien des dĂ©bats. 16Nicolas RICHER. Christopher J. Smith, The Roman Clan. The gens from Ancient Ideology to Modern Anthropology, Cambridge, Cambridge University Press, 2006, 393 p. 17Ce livre est une enquĂȘte fouillĂ©e sur le concept de gens. La 1re partie p. 12-165 fait le point des interprĂ©tations modernes du mot ; la seconde est une tentative de dĂ©finition, anthropologique dans son approche, de la gens p. 169-346. L’ouvrage contient deux appendices l’un concerne les rapports entre curie romaine et religion d’aprĂšs le tĂ©moignage de Denys d’Halicarnasse ; l’autre, des curies disparues. La bibliographie de 21 pages 363-383 contient 559 rĂ©fĂ©rences, la plupart en anglais, de plus de 350 auteurs diffĂ©rents. On relĂšve trois indices gĂ©nĂ©ral, des noms antiques et des sources littĂ©raires discutĂ©es. On peut considĂ©rer que le livre est, dans son entier, une historiographie Ă  deux niveaux une historiographie moderne puis une historiographie des sources antiques elles-mĂȘmes. 18La difficultĂ© majeure de l’entreprise vient de l’absence de dĂ©finition englobante de la gens les sources littĂ©raires ne dĂ©finissent pas le mot mais donnent des exemples de gentes particuliĂšres et dĂ©crivent leurs singularitĂ©s extraordinaires ou fascinantes qu’elles mettent en relation avec des sacra. Jamais cependant il n’est possible de relier des familles aux dieux, Ă  la mythologie ou aux origines de Rome de maniĂšre convaincante et assurĂ©e. Les sources antiques ne permettent pas de relier gĂ©nĂ©riquement la gens Ă  l’organisation originelle des cadres civiques de l’État romain. Elles ne dĂ©crivent pas la gens comme une entitĂ© politique mais il est clair que les gentes participaient Ă  la vie politique. L’enquĂȘte passe donc par les lieux d’expression du terme gens, ceux oĂč elle intervient l’armĂ©e et la terre, donc la relation de clientĂšle, parce que la terre donne le pouvoir, hiĂ©rarchise socialement les hommes, et que la possession de terres ou d’hommes donne le pouvoir de lever des troupes ; la religion. Ce faisant, Ă  partir de l’époque rĂ©publicaine, ce sont les questions de dynastie » dans la dĂ©tention des sacerdoces et des magistratures qui apparaissent et doivent ĂȘtre analysĂ©es. D’oĂč aussi une enquĂȘte qui essaie de dĂ©crypter l’un des sujets majeurs de l’historiographie antique – Ă  savoir, la question de la lutte entre patriciens et plĂ©bĂ©iens. Chez CicĂ©ron, le terme est rarement utilisĂ© en relation avec les plĂ©bĂ©iens ; Ă  lire Tite-Live, la notion de gens ne pouvait pas ĂȘtre appliquĂ©e aux plĂ©bĂ©iens. Mais cela signifie-t-il autre chose que le fait qu’à son Ă©poque, consciemment ou non, le terme n’était guĂšre en usage que pour les patriciens ? Cela signifie-t-il autre chose que l’idĂ©e et la reprĂ©sentation que se faisaient d’eux les patriciens Ă  la fin de la RĂ©publique, pĂ©riode au cours de laquelle on sait qu’il y eut une tendance Ă  la construction ou Ă  la reconstruction de gĂ©nĂ©alogies ? 19La premiĂšre partie du livre passe en revue les interprĂ©tations modernes depuis la Renaissance de Carlo Sigonio, au milieu du XVIe siĂšcle, aux historiens du XXe siĂšcle – comme Arangio-Ruiz et Bonfante en passant par Vico, Niebuhr, Mommsen, Morgan, ce dernier d’une grande importance par son approche comparatiste et philologique, et M. Radin. Progressivement une ouverture ethnographique et anthropologique est apparue qui a permis d’envisager les sociĂ©tĂ©s antiques plus largement, en particulier dans le rapport entre famille et gens. Cette mise au point effectuĂ©e, C. J. Smith s’attache, dans la deuxiĂšme partie, non pas Ă  dĂ©finir la gens – ce qui, au terme de la lecture de l’ouvrage, se rĂ©vĂšle impossible – mais Ă  tenter d’approcher institutions, organes, circonstances – politiques, sociales, Ă©conomiques, militaires – qui pourraient mettre en Ă©vidence l’idĂ©e de gens, ou rĂ©vĂ©ler son existence. Car, dans les textes, le mot est associĂ© Ă  d’autres termes et rĂ©alitĂ©s clients, plĂ©bĂ©iens, curies, quirites, patriciens et patriciat, armĂ©e. Il confronte d’abord les sources et leurs interprĂ©tations Ă  l’archĂ©ologie et aux structures onomastiques. L’archĂ©ologie n’a pas entiĂšrement permis de retrouver la gens elle montre plutĂŽt le dĂ©veloppement rapide de centres urbains qu’une structure sociale qui dĂ©pendrait d’un groupe identifiĂ© et organisĂ©. Finalement, la gens est une notion loin d’ĂȘtre Ă©vidente, contrairement Ă  ce que les sources antiques pourraient laisser croire ; de l’AntiquitĂ© Ă  nos jours, elle a pris une place de plus en plus grande alors que les sources littĂ©raires antiques sont problĂ©matiques parce que la plupart sont de beaucoup postĂ©rieures aux temps qu’elles prĂ©tendent expliquer ; la rĂ©fĂ©rence au genos attique n’est pas prouvĂ©e et l’on ne peut pas Ă©tablir de comparaison lĂ©gitime et directe entre les deux concepts. Qualifier la sociĂ©tĂ© italienne de gentilice », c’est tirer une conclusion dangereuse en donnant plus de sens au mot qu’il n’en a. Au terme de cette sĂ©rie d’observations indirectes, C. J. Smith en vient Explaining the gens » Ă  la gens et montre que, pour comprendre ce qu’elle est, il faut en passer par la comprĂ©hension de l’histoire du patriciat et non rĂ©flĂ©chir en termes d’institution statique. Un arriĂšre-plan institutionnel avec, au cours du temps, un affrontement entre une Ă©lite et ses opposants a sans doute rendu nos explications trop simplistes. Nous sommes tributaires notamment de Tite-Live qui a tentĂ© de croire et de faire croire que les patriciens Ă©taient organisĂ©s en gentes et que la relation entre les patriciens et les auspices n’était pas morte Ă  la fin de la RĂ©publique. Or il est probable que l’histoire primitive du patriciat n’est pas celle d’un ordre aristocratique. Avant la RĂ©publique, c’est-Ă -dire avant que n’apparaisse la liste des magistrats de Rome, les patriciens sont invisibles ou silencieux dans les sources en tant qu’acteurs politiques. Ensuite, ils deviennent le groupe d’intĂ©rĂȘt le plus puissant. 20La gens, en tant qu’institution, n’a probablement jamais existĂ©. Elle dut ĂȘtre un principe d’organisation sociale, une aspiration, en particulier pour les anciens lignages plĂ©bĂ©iens. Le sujet du livre est d’une grande complexitĂ©. La quantitĂ© accumulĂ©e des indices minutieux en fait la densitĂ©, mais le cheminement sinueux fait parfois oublier les buts de la dĂ©monstration. À force de dĂ©tails et exposĂ©s des thĂšses des chercheurs modernes dans la premiĂšre partie, on en finit par ne plus voir l’objectif et qu’il ne s’agit que d’analyses et d’interprĂ©tations autres que celles de Smith. La gens disparaĂźt mĂȘme parfois. Dans la deuxiĂšme partie, pendant des pages, il n’est plus question que du patriciat en tant que groupe. Dans l’index gĂ©nĂ©ral, il est rĂ©vĂ©lateur que tout ce qui tourne autour du mot gens ne renvoie qu’à 10 % des pages du livre, contre 20 % pour le patriciat, avec trĂšs peu de contacts entre les deux sĂ©ries d’occurrences. Bref, s’il est riche, sa lecture en est ardue et des lecteurs qui n’ont pas une bonne maĂźtrise des sources de la pĂ©riode et de son historiographie s’y perdront. Mais ce n’est pas une raison pour ne pas s’y plonger. 21Nicolas MATHIEU. GĂ©rard Minaud, La comptabilitĂ© Ă  Rome. Essai d’histoire Ă©conomique sur la pensĂ©e comptable commerciale et privĂ©e dans le monde romain antique, Lausanne, Presses polytechniques et universitaires romandes, 2005, 383 p. 22Cet ouvrage est issu d’une thĂšse de doctorat soutenue par l’A. en 2002. Il est prĂ©facĂ© par A. Tchernia. Son objet est de reconstituer les mĂ©thodes de la comptabilitĂ© romaine. Il s’agit de dresser l’inventaire des outils comptables des Romains, en dĂ©signant ceux qu’ils possĂ©daient et ceux dont ils Ă©taient dĂ©pourvus, volontairement ou non » p. 24. En Ă©tudiant quel usage les Romains font des moyens Ă  leur disposition, l’auteur espĂšre approcher ce qu’il appelle leur rationalitĂ© ». Il s’agit donc de partir des pratiques pour tenter une histoire des mentalitĂ©s Ă©conomiques. L’argumentation, si elle peut paraĂźtre parfois complexe, est originale et stimulante. Elle est servie par une prĂ©sentation claire, proposant systĂ©matiquement textes latins et traductions. 23L’ouvrage s’ouvre sur le constat du manque de sources. Aucun livre de comptes n’est parvenu jusqu’à nous, ni aucun traitĂ© de comptabilitĂ©. Les archĂ©ologues ont bien mis au jour quelques ensembles de tablettes ou papyri, mais ces textes sont bien allusifs. À cĂŽtĂ© des tĂ©moignages souvent faussement prĂ©cis d’un CicĂ©ron ou d’un Pline le Jeune, seul subsiste le vocabulaire ces mots, dispersĂ©s dans les textes littĂ©raires de toutes Ă©poques et de toutes natures, utilisĂ©s par les Romains lorsqu’ils parlent de la gestion de leur patrimoine. Mais les traducteurs peinent Ă  trouver leur sens prĂ©cis. Or, tant que ces termes techniques ne sont pas compris, les pratiques qu’ils recouvrent ne peuvent l’ĂȘtre. 24Pour briser ce cercle vicieux, G. Minaud propose une dĂ©marche comparative tenter de comprendre la comptabilitĂ© romaine Ă  la lumiĂšre du systĂšme utilisĂ© de nos jours. L’A. tire profit d’une histoire personnelle originale issu d’une Ă©cole de commerce, il a Ă©tĂ© chef d’entreprise avant d’entreprendre des Ă©tudes d’histoire. Il est donc tout qualifiĂ© pour expĂ©rimenter une dĂ©marche dont la recherche actuelle souligne de plus en plus l’intĂ©rĂȘt l’étude des sources anciennes Ă  l’aide d’outils importĂ©s d’autres disciplines. Le danger d’une telle mĂ©thode pourrait ĂȘtre de plaquer sur les tĂ©moignages antiques des concepts artificiellement empruntĂ©s Ă  la comptabilitĂ© moderne. Le grand intĂ©rĂȘt de l’ouvrage est que l’auteur, loin de tomber dans ce travers, ne cesse de revenir Ă  l’étude des sources antiques, qu’il cite et analyse abondamment. Sa connaissance de la comptabilitĂ© moderne est donc rĂ©ellement mise au service de l’étude historique. Elle permet de proposer de nouvelles interprĂ©tations de certains textes, mais aussi de rĂ©viser ou prĂ©ciser les traductions de nombreux termes latins. 25L’ouvrage se divise en deux parties la premiĂšre tente de dĂ©terminer quels sont les outils comptables dont disposent les Romains ; la seconde, quels usages ils en font. 26La premiĂšre partie regroupe 4 chapitres. Le premier propose une initiation aux principes de comptabilitĂ©. Le lecteur peu familier de cette discipline pourra trouver l’exercice austĂšre, mais ses efforts sont indispensables pour comprendre la suite du raisonnement. Les chapitres suivants dĂ©crivent les outils comptables des Romains. Le paterfamilias tenait un compte au nom de chacun de ses correspondants, ce que l’on appelle aujourd’hui compte de tiers chap. 2. CentralisĂ©s et juridiquement reconnus chap. 3, ces comptes appliquent le principe de l’équilibre mĂ©canique un dĂ©bit pour un crĂ©dit, premier pas vers la comptabilitĂ© en partie double. Le vocabulaire est prĂ©cis, les connaissances arithmĂ©tiques Ă©galement, la numĂ©rotation en chiffres romains ne constituant nullement un handicap Ă  la tenue de comptes efficaces chap. 4. L’auteur conclut que les Romains disposaient d’instruments dĂ©passant les simples besoins d’une gestion domestique. Ils manipulaient diffĂ©rents documents comptables dont chacun remplissait une fonction bien prĂ©cise les aduersaria enregistraient les opĂ©rations courantes, centralisĂ©es ensuite dans le codex accepti et expensi. 27La deuxiĂšme partie s’attache Ă  dĂ©terminer quel usage les Romains faisaient de ce systĂšme complexe et prĂ©cis. Il leur permettait d’apprĂ©cier les flux financiers chap. 5, ou l’accroissement d’un patrimoine entre deux pĂ©riodes de rĂ©fĂ©rence chap. 6. Il servait Ă©galement Ă  maĂźtriser et contrĂŽler les comptes chap. 7, mais rarement comme outil de prise de dĂ©cision Ă©conomique chap. 8. Le nƓud de l’argumentation est que cet usage limitĂ© de la comptabilitĂ© romaine est intimement liĂ© Ă  la structure mĂȘme de l’économie, marquĂ©e par l’esclavage. La valeur d’un esclave est trop fluctuante pour faire l’objet d’un traitement comptable sa fuite ou son dĂ©cĂšs rĂ©duisent de maniĂšre imprĂ©visible le patrimoine de son propriĂ©taire, qu’il peut, Ă  l’inverse, augmenter, en se reproduisant ou en transmettant son savoir-faire. Les variations de valeur de cet outil de production si particulier sont impossibles Ă  prĂ©voir et formaliser dans des calculs d’amortissement Ă©valuant la dĂ©prĂ©ciation d’un patrimoine. Or cette notion d’amortissement est centrale dans la comptabilitĂ© moderne, notamment pour le calcul du coĂ»t de revient, du profit, et les dĂ©cisions d’investissement. C’est donc l’importance de l’esclavage qui explique l’usage spĂ©cifique que font les Romains de leur comptabilitĂ©, rĂ©duite Ă  un rĂŽle de mĂ©morisation et de contrĂŽle, mais rarement utilisĂ©e pour prendre des dĂ©cisions Ă©conomiques quel que soit son degrĂ© de prĂ©cision, elle ne peut servir Ă  Ă©valuer la rentabilitĂ© d’un domaine dont le personnel servile est irrĂ©ductible Ă  une prise en compte purement comptable. 28La comparaison avec les pratiques modernes trouve ainsi sa limite, non dans un caractĂšre primitif » de la comptabilitĂ© romaine, mais dans le fait qu’elle est, comme toute activitĂ© Ă©conomique, trĂšs dĂ©pendante de la sociĂ©tĂ© dans laquelle elle s’inscrit. Ce raisonnement devrait sĂ©duire tant les historiens soucieux d’éclairer les mentalitĂ©s Ă©conomiques antiques que les gestionnaires curieux de mise en perspective historique de leurs mĂ©thodes. 29Laetitia GRASLIN-THOMĂ©. Ezio Buchi dir., Storia del Trentino, II. L’EtĂ  romana, Bologne, Il Mulino, 2000, 645 p. avec illustrations. 30Ce gros ouvrage, publiĂ© sous la direction d’E. Buchi, professeur d’histoire romaine Ă  l’UniversitĂ© de VĂ©rone, correspond au deuxiĂšme volume de l’histoire du Trentin qui en comptera six ; il regroupe plusieurs contributions importantes sinon fondamentales pour l’histoire de cette rĂ©gion septentrionale de l’Italie. 31La premiĂšre contribution signĂ©e de Stefania Pesavento Mattioli est consacrĂ©e Ă  l’étude du rĂ©seau routier intĂ©grĂ©, dans une vision plus globale de la circulation en Italie nord-orientale rĂ©gion X. Cette Ă©tude est complĂ©tĂ©e de cartes situant les stations citĂ©es dans les sources. 32La contribution suivante, que l’on doit Ă  Ezio Buchi, est particuliĂšrement importante, centrĂ©e sur la colonisation de la Cisalpine jusqu’à la dĂ©duction de la colonie de Tridentum. Reprenant toute l’histoire de la conquĂȘte depuis la dĂ©duction en 268 avant notre Ăšre de la colonie latine d’Ariminum dans le territoire des Gaulois SĂ©nons, l’auteur s’attache Ă  retracer toute l’histoire de la conquĂȘte romaine victoire contre les Gaulois BoĂŻens, dĂ©ductions coloniales dans la plaine du PĂŽ, construction de la via Flaminia, guerre contre Hannibal, dĂ©duction de la colonie latine d’AquilĂ©e en 181, lutte contre les Cimbres et les Teutons et leur dĂ©faite en 101, pour en arriver Ă  l’octroi du ius Latii aux communautĂ©s transpadanes, puis de la citoyennetĂ© romaine sous CĂ©sar. Il s’intĂ©resse ensuite au municipium de Tridentum et aux limites de son territoire. Il rappelle l’édit de Claude de 46 connu sous le nom de tabula Clesiana, qui fait rĂ©fĂ©rence Ă  certaine pratique illĂ©gale de militaires usurpant la citoyennetĂ© romaine, mais que Claude, afin d’éviter tout trouble, rendit lĂ©gale par cet Ă©dit. Le passage au statut de colonie se situe entre 46 et 165-166, sans qu’il soit possible de prĂ©ciser ; cependant, l’auteur pencherait pour une dĂ©cision de Marc AurĂšle. Enfin, un long discours est consacrĂ© Ă  l’étude du culte impĂ©rial dont on relĂšve les premiĂšres traces dĂšs Auguste. 33La contribution d’Alfredo Buonopane est tout aussi importante, consacrĂ©e Ă  la sociĂ©tĂ©, l’économie et la religion. Si les sources Ă©pigraphiques sont peu abondantes concernant les magistrats, elles sont beaucoup plus nombreuses concernant les militaires ; les habitants du Trentin semblent avoir eu une propension certaine pour la carriĂšre militaire. Le chapitre consacrĂ© Ă  l’économie est particuliĂšrement intĂ©ressant et rĂ©vĂšle une trĂšs grande variĂ©tĂ© d’activitĂ©s agriculture intensive dans les vallĂ©es, de subsistance en hauteur et pastoralisme, culture de la vigne, exploitation de la forĂȘt prĂ©sentant une grande diversitĂ© d’espĂšces selon l’altitude, recours Ă  la chasse et Ă  la pĂȘche, Ă©levage diversifiĂ© ovins, porcins, bovins, chevaux, extraction et travail de la pierre, travail du bois, production textile, travail des mĂ©taux et du verre, production de cĂ©ramique, de matĂ©riaux de construction, d’amphores... De ce panorama, il ressort une trĂšs grande vitalitĂ© Ă©conomique se traduisant par des Ă©changes diversifiĂ©s avec l’Afrique, l’ÉgĂ©e et le Proche-Orient. Dans toute la rĂ©gion, on observe un grand dynamisme Ă©conomique. Les connaissances sur la religion reposent sur les sources Ă©pigraphiques et les trouvailles archĂ©ologiques divinitĂ©s indigĂšnes romanisĂ©es ou assimilĂ©es, cultes salutaires, Ă©gyptiens et orientaux, cultes italiques et romains... ensemble d’une grande variĂ©tĂ©. 34À l’étude des trouvailles monĂ©taires, qu’elles soient erratiques ou en dĂ©pĂŽts, s’est attachĂ© Giovanni Gorini. 35Gianni Ciurletti dresse un inventaire des trouvailles archĂ©ologiques de la ville de Trente en s’intĂ©ressant plus particuliĂšrement au schĂ©ma urbain enceinte, voirie, Ă©gouts, constructions publiques et privĂ©es, dĂ©couvertes extra-urbaines, avec notamment l’amphithéùtre et les cimetiĂšres. En complĂ©ment, Elisabetta Baggio Bernardoni prĂ©sente une Ă©tude de la porte Veronensis, l’unique porte de l’enceinte identifiĂ©e, Ă  l’extrĂ©mitĂ© mĂ©ridionale du cardo maximus. 36Enrico Cavada s’est intĂ©ressĂ© au territoire, Ă  son peuplement, aux habitats et aux nĂ©cropoles. La documentation archĂ©ologique est particuliĂšrement importante depuis le XIXe siĂšcle. L’A. divise son Ă©tude en secteurs gĂ©ographiques qui semblent tous avoir leurs caractĂ©ristiques propres. Ainsi, dans le Trentin mĂ©ridional, on relĂšve la prĂ©sence de praedia et de villas rustiques ; dans le secteur de l’Adige central, la prĂ©sence d’entreprises agraires ; dans les vallĂ©es internes, on retrouve des agglomĂ©rations de type vicus, pagus et des activitĂ©s liĂ©es Ă  la forĂȘt et au pastoralisme ; le territoire du Trentin oriental et Feltre, tournĂ©s vers le bassin du Brenta, ne semblent pas avoir connu une occupation intensive et apparaissent plutĂŽt comme zone de passage. 37Gianfranco Paci centre son enquĂȘte sur le secteur sud-ouest du Trentin l’alto Garda e le Giudicarie » , davantage tournĂ© vers Brixia et la plaine padane ; il nous en donne une histoire politico-administrative et une analyse de la sociĂ©tĂ© et de l’économie. 38Enfin, Iginio Rogger s’interroge sur les dĂ©buts chrĂ©tiens de la rĂ©gion ; il insiste sur le retard de la christianisation de la rĂ©gion par rapport Ă  l’espace mĂ©diterranĂ©en. Peu de sources Ă©crites sur les origines demeurent, si ce n’est une sĂ©rie de documents relatifs Ă  l’évĂȘque Vigile de la fin du IVe siĂšcle, Ă  qui fut dĂ©diĂ© un culte au VIe siĂšcle. 39L’ouvrage se termine sur une importante bibliographie et sur des indices de noms de personnes, de lieux, et de choses remarquables, que l’on doit Ă  Anna Zamparini. 40Ce livre consacrĂ© Ă  l’époque romaine du Trentin est remarquable par la qualitĂ© des articles rĂ©unis, qui constituent une somme des connaissances de cette rĂ©gion, si importante par son dynamisme Ă©conomique et pour les relations commerciales entre l’Italie et les rĂ©gions septentrionales. 41Christiane DELPLACE. Anouar Louca, L’autre Égypte, de Bonaparte Ă  Taha Hussein, Le Caire, IFAO, Cahier des Annales islamologiques, 26, 2006, 223 p., 14 ill., index. 42Cet ouvrage est un recueil de 15 articles I Ă  XV, dont trois inĂ©dits, Ă©crits par le regrettĂ© Anouar Louca 1927-2003. C’est, en quelque sorte, un ultime hommage rendu Ă  ce chercheur Ă©gyptien, ami de la France et d’expĂ©rience internationale. Il avait Ă©tĂ© dĂ©jĂ  honorĂ© de son vivant dans une publication de l’IFPO J. Dichy, H. HamzĂ© Ă©d., Le voyage et la langue. MĂ©langes en l’honneur d’Anouar Louca et d’AndrĂ© Roman colloque de Lyon II, 28-29 mars 1997, 2004. Au fur et Ă  mesure de la lecture, on perçoit une quĂȘte des liens subtils nouĂ©s entre culture française et culture Ă©gyptienne, depuis l’évĂ©nement fondateur de l’expĂ©dition de Bonaparte dans la vallĂ©e du Nil. La construction de l’ensemble suit la chronologie, armature des faits », tout en tissant finement la trame des Ă©changes. De plus, la parfaite maĂźtrise des deux langues et des deux cultures permet d’analyser le dialogue d’une rive Ă  l’autre et de mettre au jour la chaĂźne des interlocuteurs. En contrepoint des figures bien connues de Bonaparte, de Jomard, de Champollion, des saint-simoniens et de J. Berque, on dĂ©couvre des intermĂ©diaires culturels » moins connus ; ainsi, Moallem Yacoub 1745-1801, l’intendant copte du gĂ©nĂ©ral Desaix, est rĂ©habilitĂ© d’une accusation de collaboration avec la France par son projet d’indĂ©pendance de l’Égypte II. D’EdmĂ©e François Jomard, jeune gĂ©ographe de l’ExpĂ©dition, maĂźtre d’Ɠuvre infatigable de la Description de l’Égypte, on connaĂźt moins les projets pĂ©dagogiques soumis Ă  MĂ©hĂ©met Ali. Ainsi va naĂźtre l’École Ă©gyptienne de Paris 1826-1835, boursiers musulmans et chrĂ©tiens dont la formation est Ă  dominante scientifique et technique I ; on peut aussi lire sur la diversitĂ© de leurs origines l’article de Jomard, Les Ă©tudiants armĂ©niens dans la premiĂšre mission Ă©gyptienne Ă  Paris envoyĂ©e par MĂ©hĂ©met Ali en 1826 », dans Nouveau Journal asiatique, 1828, II, p. 16-116. Ils sont accompagnĂ©s de leur guide spirituel, le remarquable imam Ă©clairĂ© Rifaca al-Tahtawi 1801-1873 dont les Ɠuvres complĂštes ont Ă©tĂ© traduites par A. Louca et dont la figure est rĂ©currente dans plusieurs articles I, p. 9-15 ; IX ; X, p. 142-145 ; XV, p. 192-193 ; on signalera, en complĂ©ment, l’édition rĂ©cente du journal de l’imam, L’Or de Paris, traduite par notre auteur et publiĂ©e aux Éditions Sindbad en 1988. Al-Tahtawi reste encore une des meilleures rĂ©fĂ©rences d’ouverture au monde moderne et d’islam des LumiĂšres, si l’on en juge par des parutions rĂ©centes comme l’ouvrage de Guy Sorman, Les enfants de Rifaa musulmans et modernes, Paris, Le Livre de poche, 2005. 43À cette glorieuse pĂ©piniĂšre de cadres pour l’Égypte des KhĂ©dives, une autre sĂ©rie d’articles oppose la malheureuse communautĂ© des rĂ©fugiĂ©s de Marseille IV, en particulier les mamelouks » V dont la silhouette pittoresque a inspirĂ© l’orientalisme romantique dans sa double tradition littĂ©raire, mais surtout picturale III. Exotisme meurtrier, VI. Clandestins du romantisme. Quelques figures peu connues d’hommes de lettres et surtout de linguistes le poĂšte Joseph Agoub, les interprĂštes Ellious Bocthor, Michel Sabbagh, le Suisse Jean Humbert nous introduisent dans l’univers de Champollion VII-VIII, sous le signe du dĂ©chiffrement des hiĂ©roglyphes 1822. Une enquĂȘte dans les archives porte sur le mystĂ©rieux prĂȘtre copte dont le PĂšre de l’égyptologie suivait les offices Ă  l’église Saint-Roch et les conseils le nom est correctement restituĂ© comme Hanna Chiftigi, et non Cheftidchy H. Hartleben, 1906 ou Shephtichi A. Faure, 2004 ; une biographie lacunaire » p. 97-98 peut, ainsi, ĂȘtre proposĂ©e. 44Passant sur la rive Ă©gyptienne, le Pr Louca s’intĂ©resse aux saint-simoniens X dont le projet initial est de creuser l’isthme de Suez. Il nous prĂ©sente, ce qui est moins connu, leurs interlocuteurs Ă©gyptiens les ministres turcs Edhem Pacha et Mustafa Mukhtar Instruction publique ainsi que trois ingĂ©nieurs de l’École Ă©gyptienne de Paris, Mahzar ministre des Travaux publics, Baghat et Bayyumi, animateur de l’École polytechnique du Caire et ses disciples. À cĂŽtĂ© des rĂ©serves au sujet d’Enfantin, il est fait grand cas de l’exemplaire Charles Lambert ». L’article suivant XI est consacrĂ© au fellah suisse », l’agronome socialisant John Ninet dont Louca a publiĂ© les Lettres d’Égypte 1871-1882, CNRS, 1979, et qui est l’auteur du premier Manifeste du Parti national Ă©gyptien en novembre 1879. 45La deuxiĂšme grande figure de l’islam Ă©clairĂ©, au XXe siĂšcle, cette fois, est la grande figure de Taha Hussein dont l’extraordinaire carriĂšre et le portrait sont esquissĂ©s dans deux confĂ©rences sans notes Un enfant aveugle devient le guide d’une nation » XII et l’inclassable Taha Hussein » XIII, mais il manque peut-ĂȘtre une bibliographie de son Ɠuvre en annexe. Suit un hommage au maĂźtre et ami, Jacques Berque XIV ; en Ă©cho, un autre savant, auteur du livre de rĂ©fĂ©rence sur l’ExpĂ©dition d’Égypte 1989, Henry Laurens, a dĂ©diĂ© son livre Orientales I. Autour de l’expĂ©dition d’Égypte, CNRS, 2004, Ă  la mĂ©moire d’Anouar Louca, ce maĂźtre de plusieurs gĂ©nĂ©rations d’historiens de l’Égypte au XIXe siĂšcle et le vĂ©ritable rĂ©novateur de l’histoire de l’expĂ©dition d’Égypte et des relations entre la France et l’Égypte ». L’autre Égypte se termine en boucle sur une rĂ©flexion utile d’historien, face aux controverses qui ont suivi le bicentenaire de l’expĂ©dition d’Égypte, Repenser l’expĂ©dition de Bonaparte » XV, oĂč il souligne que le binarisme colonisateur/colonisĂ© occulte, rĂ©trospectivement, la complexitĂ© du contexte » et le salut d’un autre chercheur, spĂ©cialisĂ© dans l’étude de cette pĂ©riode, Patrice Bret. L’expĂ©dition militaire est, aussi, une exploration », source d’horizons partagĂ©s. La vie et l’Ɠuvre d’Anouar Louca en sont une parfaite illustration. 46Marie-Christine BUDISCHOVSKY. Paul Freedman, Bourin Monique eds, Forms of Servitude in Northern and Central Europe. Decline, Resistance and Expansion, Turnhout, Brepols, 449 p., coll. Medieval Texts and Cultures of Northern Europe », 2005. 47Cet ouvrage constitue les actes du colloque sur le nouveau servage en Europe mĂ©diane qui s’est tenu en fĂ©vrier 2003 Ă  Göttingen sous la direction des deux Ă©diteurs ainsi que celles de Ludolf Kuchenbuch et Pierre Monnet, avec l’appui du Max-Planck-Institut. Il s’agissait d’étendre Ă  l’Europe centrale et septentrionale une analyse du phĂ©nomĂšne dans l’espace mĂ©diterranĂ©en qui avait Ă©tĂ© abordĂ©e Ă  Rome en 1999. Les communications prĂ©sentĂ©es Ă  cette occasion traitent de la question entre le XIIIe et le XVIe siĂšcle, mis Ă  part un article de Michel Parisse qui pose la question de façon gĂ©nĂ©rale depuis le haut Moyen Âge et une contribution de Heide Wunder qui pousse la problĂ©matique jusqu’au XVIIIe siĂšcle Ă  partir d’un exemple pris dans la Hesse. 48L’ouvrage commence par une longue introduction des deux Ă©diteurs qui font le point sur l’historiographie et se demandent s’il y a lieu d’introduire un nouveau ou un second servage qui naĂźtrait sous la pression du pouvoir nobiliaire ou sous la contrainte de la crise des XIVe et XVe siĂšcles. Les A. s’attachent Ă  une gageure, donner une tentative de dĂ©finition commune des traits du servage sans pour autant la diluer dans un cadre purement formel gĂ©ographique et chronologique, en mettant en avant l’existence de serfs, hommes de corps ou dĂ©pendants dans la terminologie, qui renvoie Ă  une double perception ; d’une part, l’existence d’une catĂ©gorie pensĂ©e ou perçue par les seigneurs et sur laquelle ils exercent leurs droits ; d’autre part, la conscience, qu’en ont les intĂ©ressĂ©s eux-mĂȘmes, des formes de la macule qui se traduit par des signes visibles comme la mainmorte ou le formariage qui ne sont pas vĂ©cus de gaietĂ© de cƓur. L’enquĂȘte dĂ©bouche ensuite sur une sĂ©rie d’études rĂ©gionales, avec des contributions sur la France 3 Vincent Corriol pour le Jura, Ghislain Brunel en Laonnois, Denise Angers en Normandie, sur l’espace germanophone 7 Julien Demade et Joseph Morsel pour la Franconie, Tom Scott aux confins sud-ouest du monde germanique, Kurt Andermann en Pays de Bade, Roger Sablonier en terre helvĂ©tique, Heide Wunder en Hesse, Werner Rösener en Allemagne mĂ©ridionale, Heinz Dopsch dans les Alpes autrichiennes, le Danemark 2 avec Michael H. Gelting pour le XIIIe siĂšcle et Jeppe BĂŒchert NetterstrĂžm pour les XVe-XVIe, avant de se conclure par un article sur la Hongrie J. M. Bak, un autre sur la Pologne Marian Dygo et un dernier sur l’Angleterre Christopher Dyer. Par contre, la complexitĂ© de la question, la dispersion gĂ©ographique et temporelle des contributions n’a pas permis de synthĂšse et l’ouvrage n’offre pas de conclusion, ce qu’on peut regretter, car, s’il est Ă©videmment impossible de tirer toutes les consĂ©quences Ă  chaud », lors des prestations orales, on peut espĂ©rer le faire Ă  tĂȘte reposĂ©e pour l’édition ; seulement la multitude des champs d’observation rendait ici l’exercice alĂ©atoire et explique la longue introduction problĂ©matique qui est d’autant plus prĂ©cieuse. 49Il est hors de question de rendre compte de la teneur des propos de chaque article dans un compte rendu qui doit ĂȘtre bref et c’est d’ailleurs inutile, tant il est vrai que transparaissent Ă  travers les dĂ©monstrations des divers auteurs quelques thĂšmes rĂ©currents qui soulignent les lignes de force de toute rĂ©flexion actuelle sur la question du servage. Pour faire court, disons que trois domaines sont Ă  privilĂ©gier. D’abord, la question de l’origine et de l’évolution de ce servage, dont on peut faire un hĂ©ritage des Ă©poques antĂ©rieures ou, au contraire, une nouveautĂ© qualifiĂ©e de second servage ; ensuite, l’étude des formes infiniment variĂ©es de la dĂ©pendance qui sont loin de se laisser rĂ©duire Ă  un modĂšle unique et se dĂ©finissent toujours par rapport Ă  l’exigence seigneuriale ; enfin, la rĂ©action des populations soumises Ă  ces contraintes, qui oscillent entre contestation sourde, tentatives d’échapper Ă  la marque du mĂ©pris social par le rachat, et rejet violent comme Ă  l’occasion de la guerre des paysans qui a tant marquĂ© dans le monde germanique. 50Sur le premier point, les divers auteurs semblent plutĂŽt considĂ©rer que le servage a toujours existĂ©, mĂȘme si parfois la nature des documents a pu l’occulter, mais que la forme de cette servitude a pu fort bien Ă©voluer en un statut souvent moins contraignant que la servitude fĂ©odale ou domaniale qui sont elles aussi, et il est bon de s’en souvenir, des catĂ©gories formelles de l’historien plus que des cadres intangibles. La servitude connaĂźt des variations infinies avec des pulsations tantĂŽt vers une certaine forme de libertĂ© relative cas le plus gĂ©nĂ©ral, tantĂŽt vers une contrainte nouvelle par exemple dans la Pologne du XVe siĂšcle, et il est bien dĂ©licat de thĂ©oriser ce qui est par contre une coutume socio-Ă©conomique bien ancrĂ©e, celle d’un prĂ©lĂšvement sur un monde paysan par une Ă©lite seigneuriale qui se poursuit Ă  l’époque moderne. 51En second lieu, ces articles attirent attention sur l’extraordinaire Ă©miettement des statuts qui est une constante de ce monde ; qu’on soit Eigenleute, Leibeigene, homme de corps, servus, villein, bondsman, on est toujours soumis Ă  des obligations, qui, si elles paraissent fixes a priori, peuvent toujours Ă©voluer dans des enjeux de pouvoirs, des conflits, des processus de nĂ©gociations plus ou moins feutrĂ©s ou carrĂ©ment violents. Mais, quelle que soit l’évolution, le seigneur percepteur ne renonce pas facilement Ă  sa quote-part, peut-ĂȘtre parce qu’elle est rentable, encore qu’une estimation tardive XVIIIe siĂšcle en Pays de Bade montre des rĂ©serves, mais aussi parce qu’elle est un marqueur de la contrainte qui traduit la supĂ©rioritĂ© sociale de celui qui l’impose. 52Dans un troisiĂšme temps, il faut aussi retrouver les manifestations usuelles de cette servitude qui s’appuie sur le trio acadĂ©mique du chevage, de la mainmorte et du formariage, mais se concentre de plus en plus souvent sur la perception d’une rente monĂ©taire, sauf en Pologne encore une fois, accordant plus d’intĂ©rĂȘt aux prĂ©lĂšvements exceptionnels sur les noces ou l’hĂ©ritage, occasions plus rĂ©munĂ©ratrices que la perception d’usage d’un cens rapidement recognitif pour peu que les monnaies varient. Ces contraintes sont aussi vĂ©cues de façon ambiguĂ« par ceux qui y sont soumis, apparemment plus vite et plus souvent dĂ©barrassĂ©s du chevage que des taxes d’hĂ©ritage ou des contraintes limitant les mariages extĂ©rieurs. Pour faire sauter ce qui est parfois ressenti comme un verrou, on connaĂźt des affranchissements collectifs, notamment dans le cas de serfs dĂ©pendant d’une ville, mais c’est loin d’ĂȘtre le cas dominant, car, Ă  moins d’y ĂȘtre poussĂ© par la nĂ©cessitĂ© Ă©conomique, le maĂźtre y est rarement favorable et prĂ©fĂšre la remise d’une libertĂ© individuelle et d’ailleurs rarement plĂ©niĂšre, l’ex-dĂ©pendant restant souvent enserrĂ© dans un rĂ©seau d’obligations envers son seigneur. 53Au total, cet ouvrage trĂšs riche souffre de l’impossibilitĂ© d’une synthĂšse gĂ©nĂ©rale de la question d’autant moins Ă©vidente qu’il englobe largement le dĂ©but des Temps modernes en Europe centrale, mais il est d’un apport prĂ©cieux pour la connaissance de la servitude ou du servage – les mots eux-mĂȘmes sont des piĂšges –, notamment dans l’espace de l’empire. L’existence du phĂ©nomĂšne est ainsi envisagĂ©e dans une longue pĂ©riode et le chercheur Ă  l’affĂ»t de prĂ©cisions plus ciblĂ©es trouvera son bonheur dans les contributions plus particuliĂšrement consacrĂ©es aux temps ou aux contrĂ©es oĂč il a choisi d’exercer sa sagacitĂ©. 54Olivier BRUAND. Massimo Vallerani, La giustizia pubblica medievale, Bologne, Il Mulino, coll. Ricerca », 2005, 304 p. 55Le livre que signe ici M. Vallerani reprĂ©sente le bilan d’une quinzaine d’annĂ©es de recherches consacrĂ©es Ă  l’histoire du droit et de la procĂ©dure, initiĂ©es par la publication de son ouvrage sur le fonctionnement de la justice Ă  PĂ©rouse Il sistema giudiziario del comune di Perugia conflitti, reati e processi nella seconda metĂ  del XIII secolo, PĂ©rouse, 1991. Dans cet essai composĂ© de six chapitres pour la plupart repris de prĂ©cĂ©dents articles, il propose une rĂ©flexion sur l’évolution des systĂšmes judiciaires au sein du monde communal italien, s’attachant plus particuliĂšrement Ă  la question complexe des rapports entre procĂ©dures accusatoire et inquisitoire. Pour le Moyen Âge, cette Ă©volution fut marquĂ©e par des jalons importants le concile de Latran IV, le Tractatus de Maleficiis d’Alberto Gandino, les grands procĂšs politiques du dĂ©but du XIVe siĂšcle, comme ceux de Boniface VIII ou des Templiers. L’A. pose comme postulat que les modĂšles procĂ©duraux sont intimement liĂ©s aux diverses phases d’évolution du pouvoir politique et il souligne Ă  quel point les communes italiennes mĂ©diĂ©vales constituent en ce sens un cadre d’étude particuliĂšrement riche en matiĂšre de pratiques judiciaires. La documentation mobilisĂ©e pour cette enquĂȘte est vaste, constituĂ©e principalement de la production thĂ©orique des juristes mĂ©diĂ©vaux, des statuts communaux, des consilia et bien, entendu, des registres judiciaires des diffĂ©rents tribunaux. 56Dans un premier chapitre de synthĂšse inĂ©dit Procedura e giustizia nelle cittĂ  italiane del basso medioevo, il met l’accent sur un processus culturel majeur du XIIe siĂšcle la diffusion des ordines iudiciarii, c’est-Ă -dire des manuels de procĂ©dure, dont la fonction est notamment d’établir une dĂ©finition rigoureuse de l’organisation du procĂšs. Tous ces ordines mettent en avant le fait que le procĂšs, le jugement sont l’expression de la potestas publique ; Ă  travers cette volontĂ© de maĂźtrise des instruments de pacification de la part des premiers gouvernements consulaires et podestataux, c’est bien la pax qui est en jeu, c’est-Ă -dire la constitution de la communautĂ© comme dĂ©limitation d’un espace pacifiĂ© ». AprĂšs avoir dressĂ© ce tableau Ă©volutif gĂ©nĂ©ral, faisant Ă©galement une grande place Ă  l’Ɠuvre d’Alberto Gandino, l’A. poursuit par une rĂ©flexion sur la procĂ©dure Come pensano le procedure. I fatti e il processo. Partant d’une dĂ©finition du procĂšs comme systĂšme de connaissance des faits qui doivent ĂȘtre dĂ©finis et prouvĂ©s », il insiste sur la complexitĂ© de cette notion de fait, qui devient particuliĂšrement sensible Ă  partir du XIIe siĂšcle et de la redĂ©couverte du droit romain. Il s’attache Ă  montrer les diffĂ©rences entre l’organisation triadique du systĂšme accusatoire accusateur, accusĂ© et juge, modĂšle dans lequel la reconstruction du fait Ă©choit aux parties, et le modĂšle inquisitoire qui suit une logique opposĂ©e, et dans lequel le juge peut recourir Ă  tous les types de preuves qu’il jugera utiles. Dans ce dernier modĂšle, la fama joue alors un rĂŽle moteur comme agent denunciante. Tout le chapitre s’attache donc Ă  cerner ces diffĂ©rences de fond autour du dĂ©clenchement du procĂšs, de la reconstruction du fait, de l’établissement de la preuve, et de l’émergence de la vĂ©ritĂ©. Une fois les bases thĂ©oriques et techniques posĂ©es, M. Vallerani analyse l’application de ces modĂšles procĂ©duraux Ă  l’échelle de deux villes dont il a dĂ©pouillĂ© les registres judiciaires Bologne et PĂ©rouse. Il commence dans un troisiĂšme chapitre par l’étude du systĂšme accusatoire Ă  Bologne Il sistema accusatorio in azione Bologna tra XIIIe XIV secolo, rĂ©alisant un examen dĂ©taillĂ© de son application par le tribunal du Podestat. Ses dĂ©pouillements prouvent la trĂšs grande diffusion du procĂšs accusatoire – environ 1 300-1 400 procĂšs par an dans les annĂ©es 1286-1291 et jusqu’à 3 118 au cours de l’annĂ©e 1294, et montrent la trĂšs nette prĂ©pondĂ©rance de l’absolution comme issue des procĂšs 83 % des issues en moyenne, devant les condamnations et exclusions. Il poursuit par l’étude de la valeur et de la fonction des actes de paix auprĂšs des tribunaux communaux Pace e processo nel sistema giudiziario. L’esempio di Perugia, insistant sur l’importance de la concordia dans la sociĂ©tĂ© communale et sur l’impact des accords privĂ©s » sur la justice publique, et rejette ainsi l’idĂ©e trop longtemps vĂ©hiculĂ©e selon lui que l’acceptation de la paix soit le signe d’une faiblesse des systĂšmes judiciaires mĂ©diĂ©vaux. Dans le cinquiĂšme chapitre Come si costruisce l’inquisizione arbitrium » e potere a Perugia sont mis en avant les dĂ©veloppements, les adaptations et les dĂ©formations de la procĂ©dure ex officio Ă  PĂ©rouse dans la seconde moitiĂ© du XIIIe siĂšcle la procĂ©dure inquisitoire s’y construit en effet au grĂ© des conflits doctrinaux et des dĂ©cisions politiques. Enfin, dans une ultime partie Il processo inquisitorio nella lotta politica a Bologna fra Due e Trecento, il donne un autre exemple d’évolution de la procĂ©dure inquisitoire et revient sur le cas de Bologne Ă  une Ă©poque de fortes tensions politiques, le dĂ©but du XIVe siĂšcle, oĂč l’on observe une intervention trĂšs forte des organes de gouvernement sur le cours de la justice et une tendance de plus en plus marquĂ©e Ă  rĂ©gir l’arbitrium du podestat ; autant de tensions qui eurent des consĂ©quences sur le dĂ©roulement mĂȘme des procĂšs. 57L’ouvrage de M. Vallerani, qui se concentre donc Ă  la fois sur les cadres thĂ©oriques d’élaboration de ces procĂ©dures et sur leur mise Ă  l’épreuve dans le contexte urbain italien, met en dĂ©finitive bien en lumiĂšre le fait que cette construction, loin d’ĂȘtre linĂ©aire, est une opĂ©ration complexe, polyphonique, trĂšs tourmentĂ©e » ; et l’histoire du passage de l’accusatoire Ă  l’inquisitoire, rappelle l’A., ne peut ĂȘtre apprĂ©hendĂ©e que sur une pĂ©riode trĂšs longue, qui dĂ©passe largement le cadre du Moyen Âge. 58Sylvain PARENT. Jean de Roquetaillade, Liber ostensor quod adesse festinant tempora, Ă©dition critique sous la direction d’AndrĂ© Vauchez, par ClĂ©mence ThĂ©venaz-Modestin et Christine Morerod-Fattebert, Rome, École française de Rome Sources et documents d’histoire du Moyen Âge », 8, 2005, XIII-1 041 p. 59À quoi servent les prophĂštes ? Le titre mĂȘme du grand livre du Franciscain Jean de Roquetaillade, le Liber ostensor quod adesse festinant tempora, rĂ©digĂ© en quelques mois dans une prison d’Avignon, entre le 20 mai et le 1er septembre 1356, semble fournir la rĂ©ponse. Le Livre rĂ©vĂ©lateur », c’est celui qui dit ce qui est cachĂ©, ce qui doit ĂȘtre livrĂ© Ă  l’interprĂ©tation – celui qui annonce les temps futurs, et l’approche de la fin des temps. Figure Ă©trange et singuliĂšre, Jean de Roquetaillade, pourtant, ne se considĂ©rait pas comme un prophĂšte, mais plutĂŽt comme un visionnaire, transportĂ© sur les rivages de Chine pour y rencontrer l’AntĂ©christ enfant, ou visitĂ© dans son cachot par la Vierge Marie. Ses contemporains, qu’il inquiĂ©tait, le tenaient, quant Ă  eux, plutĂŽt pour un fantasticus, un homme se prĂ©tendant certes inspirĂ© par Dieu, mais sans que la part de l’inspiration authentique et celle de l’imagination ne soient clairement Ă©tablies. L’itinĂ©raire biographique de Jean de Roquetaillade n’est guĂšre banal. AprĂšs avoir Ă©tudiĂ© Ă  Toulouse, il entre dans l’ordre des frĂšres mineurs, en 1332, Ă  Aurillac. Dans les annĂ©es 1340, ses visions, ses propos dĂ©nonçant les vices du clergĂ©, potentiellement subversifs, lui valent d’ĂȘtre incarcĂ©rĂ©. Pendant une vingtaine d’annĂ©es, jusqu’à sa mort ou presque – survenue entre 1365 et 1370, – il est transfĂ©rĂ© de prison en prison et connaĂźt, Ă  ses propres dires, des conditions de dĂ©tention extrĂȘmement pĂ©nibles. À l’étĂ© 1349, Jean se trouve Ă  Avignon, enfermĂ© dans la prison du Soudan. Suspect, il est lavĂ© de l’accusation d’hĂ©rĂ©sie – il a toujours proclamĂ© son orthodoxie. Il reste nĂ©anmoins assignĂ© Ă  rĂ©sidence Ă  la curie pontificale. La rĂ©putation de ce prisonnier peu ordinaire est colportĂ©e Ă  travers l’Europe, comme en tĂ©moignent les chroniqueurs nombreux sont ceux qui lui consacrent quelques mots, ou parfois tout un dĂ©veloppement ainsi Jean de Venette, Jean le Bel ou Froissart. RĂ©putation pour partie posthume cependant Jean de Roquetaillade passait pour avoir annoncĂ©, outre la dĂ©faite de Jean le Bon Ă  Poitiers en 1356, l’ouverture du Grand Schisme en 1378, punition d’une Église corrompue annoncĂ©e par l’effondrement du pont d’Avignon en 1345. Au fond de sa prison, Jean dispose de matĂ©riel d’écriture, se fait prĂȘter des livres, reçoit des visites. Dans un contexte avignonnais marquĂ© par les intrigues et le jeu des factions, les cardinaux n’hĂ©sitent pas Ă  le consulter – le Liber ostensor est dĂ©diĂ© au cardinal Élie Talleyrand de PĂ©rigord, protecteur des Franciscains. C’est ainsi que l’on a pu dĂ©crire Jean de Roquetaillade en prophĂšte de cour », sous surveillance, mais en un lieu oĂč s’affirmaient stratĂ©gies, clivages et conflits au plus haut niveau, et oĂč convergeaient les informations venues de toute la chrĂ©tientĂ©. Le paradoxe d’une privation de libertĂ© couplĂ©e Ă  une connaissance du siĂšcle hors du commun trouve Ă  s’exprimer dans une production Ă©crite abondante, rĂ©pĂ©titive, et pour partie disparue, au sein de laquelle le Liber ostensor apparaĂźt comme l’ un des derniers chefs-d’Ɠuvre de la prose latine mĂ©diĂ©vale », selon les mots d’AndrĂ© Vauchez. L’édition qui paraĂźt aujourd’hui sous la direction de ce dernier est le fruit d’un long travail associant une vingtaine de collaborateurs et s’inscrivant dans la filiation des recherches de Jeanne Bignami-Odier. Le texte lui-mĂȘme p. 105-855 est encadrĂ© par des notes et des commentaires abondants sur la vie et l’Ɠuvre de Jean de Roquetaillade, sur le Liber ostensor lui-mĂȘme, sur les sources prophĂ©tiques utilisĂ©es, ainsi que par une longue analyse p. 63-97 et un triple index autant de clefs d’entrĂ©e dans une Ɠuvre complexe. De celle-ci, il n’existe qu’un seul manuscrit le ms. Rossiano 753 de la BibliothĂšque Apostolique Vaticane, provenant de la bibliothĂšque du cardinal Domenico Capranica p. 1458, et dĂ©couvert dans les annĂ©es 1920. Il se compose de 149 folios de papier, oĂč court une Ă©criture de la seconde moitiĂ© du XIVe siĂšcle probablement. La structure du Livre rĂ©vĂ©lateur » est labyrinthique, mais l’auteur n’en a pas perdu la maĂźtrise. L’ouvrage est constituĂ© de 12 traitĂ©s ou chapitres, de longueur variable la matiĂšre du onziĂšme traitĂ© occupe le tiers du volume total de l’Ɠuvre, et rĂ©partis en 2 livres l’un correspondant aux dix premiers traitĂ©s, l’autre aux onziĂšme et douziĂšme traitĂ©s. Le foisonnement des thĂšmes laisse apparaĂźtre quelques motifs caractĂ©ristiques les pĂ©chĂ©s et la crise de l’Église, l’éloge de la pauvretĂ© Ă©vangĂ©lique, les guerres et la ruine des pouvoirs princiers, la conversion des Juifs et la dĂ©faite des Sarrasins, l’avĂšnement de l’AntĂ©christ. La pensĂ©e de Jean de Roquetaillade est marquĂ©e par une conviction centrale l’Église et le monde doivent ĂȘtre sauvĂ©s par la venue d’un rĂ©parateur », issu du petit groupe des Franciscains restĂ©s fidĂšles Ă  l’idĂ©al de pauvretĂ©, et d’un pape angĂ©lique ». Jean utilise et commente de nombreux textes prophĂ©tiques, et les cite parfois abondamment le Liber ostensor est un bon tĂ©moin de la circulation de la littĂ©rature prophĂ©tique, et prend valeur d’anthologie. Figurent ainsi parmi ces rĂ©fĂ©rences Joachim de Flore dont Jean cite cependant surtout des Ɠuvres apocryphes, la Sibylle Tiburtine, ou encore Hildegarde de Bingen le dixiĂšme traitĂ© dans son entier est un commentaire des Ă©crits d’Hildegarde, connus Ă  travers la compilation Ă©tablie par le moine Gebeno au dĂ©but du XIIIe siĂšcle la liste ne saurait ĂȘtre exhaustive. Soucieux de son orthodoxie, Jean de Roquetaillade adopte Ă  l’égard de Pierre de Jean Olivi une attitude mĂȘlĂ©e de respect et de prudence ; il en va de mĂȘme envers Arnaud de Villeneuve, admirĂ© et influent, considĂ©rĂ© comme un maĂźtre », mais peu explicitement citĂ©. Autre trait caractĂ©ristique du Livre rĂ©vĂ©lateur » les rĂ©fĂ©rences, nombreuses et informĂ©es, aux Ă©vĂ©nements rĂ©cents, qu’il s’agisse de l’Italie ou de l’Espagne, du conflit franco-anglais, de la situation de Chypre ou de celle de l’Orient. Ces Ă©vĂ©nements sont donnĂ©s pour annonciateurs de la crise majeure Ă  venir Jean se prĂ©occupe d’établir avec prĂ©cision des correspondances entre les troubles du temps prĂ©sent et le temps eschatologique, dĂ©veloppant ce que l’on a pu dĂ©signer comme une conception historicisante du prophĂ©tisme ». La postĂ©ritĂ© n’a parfois retenu de Jean de Roquetaillade que la critique de l’institution ecclĂ©siale et de la corruption du clergĂ©. Contestataire, il le fut, mais la lecture est un peu univoque. Cette belle Ă©dition de son Ɠuvre majeure livre de lui un portrait riche et complexe, ambigu sans doute, sous les traits d’un prophĂšte de transition », selon la formule d’AndrĂ© Vauchez. Dire ainsi les inquiĂ©tudes et les contradictions de la sociĂ©tĂ© de son temps, leur donner forme, s’en saisir et les porter en soi telle est peut-ĂȘtre la premiĂšre fonction du prophĂšte. 60Alain PROVOST. Jean-Paul Hervieu, Emmanuel Poulle, Philippe Manneville Ă©d., La place de la Normandie dans la diffusion des savoirs du livre manuscrit Ă  la bibliothĂšque virtuelle. Actes du XLe CongrĂšs organisĂ© par la FĂ©dĂ©ration des sociĂ©tĂ©s historiques et archĂ©ologiques de Normandie Avranches, 20-23 octobre 2005, Rouen, FĂ©dĂ©ration des sociĂ©tĂ©s historiques et archĂ©ologiques de Normandie CongrĂšs des sociĂ©tĂ©s historiques et archĂ©ologiques de Normandie », 11, 2006, 332 p. 61Rassemblant 28 contributions, le XLe CongrĂšs de la FĂ©dĂ©ration des sociĂ©tĂ©s historiques et archĂ©ologiques de Normandie aborde de maniĂšre simultanĂ©e les trois pĂ©riodes de la diffusion des savoirs, passant de l’ùre de la production manuscrite des origines au XVe siĂšcle Ă  la prĂ©dominance de l’imprimerie, puis au rĂšgne de la communication Ă©lectronique. Le questionnement se fonde sur la place de la Normandie dans cette histoire. Les interventions sont regroupĂ©es autour de trois thĂšmes distincts la mise en Ɠuvre des savoirs, puis leur diffusion et, enfin, leur conservation. Dans ce canevas novateur, chacune des pĂ©riodes historiques est bien reprĂ©sentĂ©e, puisque 7 communications concernent le Moyen Âge, 7 l’époque moderne et 11 l’époque contemporaine. Toutes les formes de communication et de conservation sont Ă©tudiĂ©es, mĂȘme si le mode de diffusion le plus souvent envisagĂ© est le livre. À travers ces articles, apparaĂźt une spĂ©cificitĂ© normande – Ă  savoir, l’accent mis sur la connaissance historique de la mise en place de la SociĂ©tĂ© de l’histoire de Normandie et de ses hĂ©ritiĂšres Philippe Manneville Ă  l’étude d’un historien amĂ©ricain, Charles Homer Haskins Jean-Claude Martin, en passant par le Roman de Rou de Wace Françoise Vielliard et par la galerie des portraits du chĂąteau d’Eu voulue par Louis-Philippe et Jean Vatout Martine Bailleux-Delbecq. Outre l’histoire, d’autres savoirs ont Ă©tĂ© Ă©voquĂ©s la thĂ©ologie, Ă  travers l’examen par CĂ©dric Giraud d’un manuscrit produit dans un Ă©tablissement monastique normand au dĂ©but du XIIe siĂšcle attestant la rĂ©ception prĂ©coce de l’enseignement de l’école de Laon dans l’espace normand ; l’hagiographie, avec l’étude de la réécriture de vies de saints aprĂšs la fin des invasions scandinaves Jacques Le Maho ; la palĂ©ographie, avec une interrogation sur le rĂŽle jouĂ© par la Normandie dans la naissance de l’écriture gothique Marc Smith. Tous ces textes s’adressaient Ă  un large public, des nobles courtisans des PlantagenĂȘt du XIIe siĂšcle, passionnĂ©s par les paroles des troubadours HĂ©lĂšne Biu, aux Ă©lĂšves de l’École centrale de l’Eure entre 1795 et 1803 AndrĂ© Goudeau, en passant par les curĂ©s de campagne du dĂ©but du XVIe siĂšcle Marc Venard. Pour faciliter la diffusion de leurs Ă©crits, les diffĂ©rents auteurs ont fait des choix, en particulier Émile-Louis-Joseph Lechanteur de Pontaumont qui dĂ©cida de faire connaĂźtre une petite page d’histoire de Normandie en Ă©crivant un roman historique fondĂ© sur le voyage fictif dans cette province de Raoul de Rayneval en 1380 Nicolas Lecervoisier. Le rĂŽle des Ă©ditions a Ă©tĂ© longuement Ă©tudiĂ© Ă  travers les exemples des imprimeurs d’Avranches Anne Morvan et David Nicolas-MĂ©ry, du Centre havrais de recherche historique Philippe Manneville. L’accent a Ă©galement Ă©tĂ© portĂ© sur l’intĂ©rĂȘt que reprĂ©sente l’utilisation d’Internet dans la diffusion des savoirs Georges-Robert Bottin. Le congrĂšs s’est terminĂ© sur les moyens de conserver les textes, Ă  travers l’étude des diffĂ©rentes archives et bibliothĂšques normandes. 62L’ensemble de cet ouvrage est un bel exemple d’interdisciplinaritĂ© rĂ©ussie et revigorante. 63MarlĂšne HĂ©LIAS-BARON. AndrĂ© Bazzana, Nicole BĂ©riou, Pierre Guichard Ă©d., AverroĂšs et l’averroĂŻsme. Un itinĂ©raire historique du Haut Atlas Ă  Paris et Ă  Padoue, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 2005, 348 p. 64Parce qu’il est mot Ă  mot celui d’Ernest Renan, le titre du prĂ©sent recueil eĂ»t Ă©tĂ© peu signifiant si un sous-titre n’était venu en Ă©clairer la visĂ©e principale aborder historiquement l’homme et l’Ɠuvre du grand philosophe arabe. Il s’agissait en effet, pour les auteurs, de resituer AverroĂšs dans le temps long de la sociĂ©tĂ© qui l’a engendrĂ© et, en aval, de mesurer la portĂ©e et la diffusion de sa pensĂ©e dans les diffĂ©rentes cultures musulmane, juive et chrĂ©tienne. C’est donc Ă  une contextualisation trĂšs serrĂ©e que s’emploient des mĂ©diĂ©vistes, de formation diverse – archĂ©ologues, historiens, historiens de l’art, spĂ©cialistes d’histoire politique, militaire et culturelle – pour tenter d’approcher au mieux les conditions socioculturelles de l’émergence d’une pensĂ©e, celle d’AverroĂšs. 65Ce sont d’abord les donnĂ©es sociopolitiques de la dynastie almohade, dans la seconde moitiĂ© du XIIe siĂšcle, qui sont retracĂ©es, de leur description matĂ©rielle Ă  leur fonctionnement diplomatique. La reconstitution d’une ville almohade au temps du grand penseur, grĂące aux fouilles du site de SaltĂšs, ou les analyses esthĂ©tiques et architecturales de la mosquĂ©e de Tinmal montrent le dynamisme Ă©conomique et culturel de la puissance almohade. Les analyses plus Ă©vĂ©nementielles sur la victoire d’Alarcos 1195 ou sur la dĂ©faite de Las Navas de Tolosa 1212 rendent compte des tensions que doit affronter le rĂ©gime almohade dans un contexte de politique internationale tendu, dĂ» Ă  la progression des royaumes chrĂ©tiens dans la PĂ©ninsule ou aux rĂ©sistances internes Ă  l’espace andalous comme celle du rĂ©gime anti-almohade de Murcie. 66Dans ce contexte gĂ©nĂ©ral, Ibn Rushd est repĂ©rĂ©, dĂšs 1153, parmi les Ă©lites andalouses de la cour almohade, au sein de laquelle il accĂšde aux plus hautes fonctions. Cadi de Cordoue, puis de Grand Cadi de SĂ©ville, il est Ă©galement mĂ©decin personnel du calife et son penseur attitrĂ©, s’inscrivant dans une propagande pro-almohade dĂšs ses premiers Ă©crits ou rĂ©pondant au souhait du calife dans son entreprise quasi exhaustive de commenter Aristote. Favori et personnage brillant, AverroĂšs n’est pas Ă©pargnĂ© par les jeux de factions, notamment celui du parti traditionaliste qui combat son rationalisme philosophique lorsqu’il s’applique Ă  la sphĂšre religieuse. L’étude de cette disgrĂące, dite mihna, permet de mieux saisir les consĂ©quences de ses positions conceptuelles au sein d’une actualitĂ© de tensions sociales et d’enjeux politico-religieux. À titre d’exemple, lorsqu’il traite la question du tĂ©moignage dans son AbrĂ©gĂ© de la RhĂ©torique d’Aristote, AverroĂšs conceptualise en termes philosophiques et universels la querelle qui l’oppose circonstanciellement aux mutakallims, adversaires de tout rationalisme en matiĂšre de foi. 67Enfin, la pensĂ©e d’AverroĂšs elle-mĂȘme est rĂ©inscrite dans le mouvement long de la production du savoir au Moyen Âge central. L’AbrĂ©gĂ© de l’Almageste, texte inĂ©dit qui ne nous est parvenu que dans sa version hĂ©braĂŻque, permet de replacer le philosophe dans un mouvement de pensĂ©e qui le dĂ©passe et l’englobe celui de la critique de l’astronomie ptolĂ©maĂŻque. Quant Ă  l’averroĂŻsme, cette appropriation de la pensĂ©e rushdienne avec son cortĂšge de mĂ©prises propres Ă  tout transfert culturel, il s’opĂšre par le biais d’échanges culturels complexes. Les textes d’AverroĂšs ne sont pas transmis par le fait d’un dialogue arabo-chrĂ©tien, mais par ces passeurs que sont les intellectuels juifs, notamment MoĂŻse de Narbonne, en qui la symbiose judĂ©o-arabe trouve son expression la plus haute. Au XVe siĂšcle, l’averroĂŻsme est attestĂ© de maniĂšre plus cryptĂ©e chez des humanistes, comme Lauro Quirini, qui, sans l’avouer, puise au fonds doctrinal averroĂŻste en une Ă©lĂ©gance formelle Ă  l’allure cicĂ©ronienne. 68Le sujet, on l’aura compris, sĂ©duit par la pertinence de sa mise en Ɠuvre historique. Pour autant, on ne peut que regretter l’absence de quelques grands spĂ©cialistes actuels d’AverroĂšs, tel Marc Geoffroy, qui, pour ĂȘtre philosophes, n’ont pas trouvĂ© leur place dans ce volume. La rencontre interdisciplinaire n’a pas encore convaincu de ses vertus, au moins aussi grandes que celle de l’échange interculturel. 69BĂ©nĂ©dicte SĂšRE. Jeffrey S. Hamilton ed, Fourteenth-Century England IV, Woodbridge, The Boydell Press, 2006, XII-191 p. 70Le XIVe siĂšcle anglais fut riche en rebondissements politiques et la figure du grand noble immolĂ© sur l’autel de la tyrannie demeure un thĂšme favori des historiens, ce dont tĂ©moigne le dernier volume de la collection Fourteenth-Century England ». Sans doute produit Ă  Saint-Omer, le livre d’heures dit Heures Sellers, aujourd’hui conservĂ© Ă  la Bridwell Library, s’ouvre sur une priĂšre Ă  Thomas de Lancastre, laquelle est accompagnĂ©e d’une image qui montre Thomas sur le point d’ĂȘtre exĂ©cutĂ©, et qui devait servir de support Ă  la contemplation. Il ne s’agit pas lĂ  d’un exemple isolĂ© – on peut citer la reprĂ©sentation du martyre de Thomas de Lancastre dans le Psautier Luttrell – mais les Heures Sellers tĂ©moignent de la diffusion inattendue, sur le continent, du culte de ce martyr politique et royal John T. McQuillen. La deuxiĂšme figure politique Ă©voquĂ©e ici est celle de Thomas Despenser, un favori de Richard II, qui fut exĂ©cutĂ© sommairement Ă  Bristol en janvier 1400, un destin qui rappelle, bien sĂ»r, celui de son ancĂȘtre, Hugh Despenser, exĂ©cutĂ© lors de la prise de pouvoir par Isabelle et Mortimer. Au-delĂ  de l’incapacitĂ© politique ou de l’extravagance personnelle, c’est l’absence d’une culture et d’une emprise politiques locales dignes de ce nom qui explique, en dernier ressort, les destinĂ©es de cette famille Martyn Lawrence. Finalement, la belle Ă©tude d’Helen Lacy sur l’usage du pardon par Richard II en 1397 et 1398, que vient complĂ©ter celle de John L. Leland sur les Ă©trangers dans les pardons de Richard II, met en exergue un usage dĂ©tournĂ©, au profit d’une politique factieuse, de la prĂ©rogative royale de la grĂące en manipulant un concept profondĂ©ment ancrĂ© dans le systĂšme judiciaire, et garant du bon fonctionnement de celui-ci, le roi obligeait les opposants Ă  son rĂ©gime Ă  reconnaĂźtre publiquement leur culpabilitĂ©. 71D’autres facettes de la vie politique anglaise au XIVe siĂšcle sont abordĂ©es dans le volume, parfois sous un angle particuliĂšrement original. Amanda Richardson dĂ©montre le rĂŽle que jouaient les parcs royaux, notamment Ă  Clarendon et Ă  Windsor, dans la vie de la cour, mais aussi comme cadre de l’étalage du pouvoir royal, un rĂŽle qui s’accentua au cours de la pĂ©riode, parallĂšlement Ă  des transformations dans l’art de la chasse. Et c’est sans doute l’hostilitĂ© des contemporains Ă  la politique royale d’élargissement des parcs qui explique la rĂ©putation faite Ă  un roi comme Édouard II de cultiver des goĂ»ts Ă©loignĂ©s des canons aristocratiques. Deux contributions portent sur les rapports entre la Couronne et l’Église. La stratĂ©gie du gouvernement royal pour obtenir une contribution financiĂšre de communautĂ©s religieuses rĂ©ticentes est bien mise en lumiĂšre par A. K. McHardy au sujet de la demande d’une aide pour le mariage de la sƓur du roi en 1332. La question des relations avec Rome dans la seconde moitiĂ© du XIVe siĂšcle fait l’objet d’une Ă©tude par Diane Martin, qui lĂ  aussi s’intĂ©resse Ă  la stratĂ©gie de harcĂšlement dĂ©veloppĂ©e par le gouvernement royal pour dĂ©courager les clercs d’en appeler au pape afin d’obtenir des bĂ©nĂ©fices en Angleterre. 72La question de l’étendue et du poids des grandes franchises dans la vie politique du royaume d’Angleterre est l’un des aspects les plus controversĂ©s de l’historiographie les deux contributions qui portent sur le comtĂ© palatin de Durham viennent partiellement renouveler la discussion. Au-delĂ  de la question dĂ©jĂ  trĂšs travaillĂ©e de l’équilibre des rapports entre la Couronne et le comtĂ©, Christian D. Liddy dĂ©montre l’existence d’une troisiĂšme force politique, reprĂ©sentĂ©e par une communautĂ© locale indĂ©pendante du pouvoir de l’évĂȘque, le Haliwerfolk, qui s’avĂ©ra capable de refuser une aide militaire ou financiĂšre au roi ou de nĂ©gocier directement avec les Écossais. La contribution de Mark Arvanigian sur l’exploitation des mines de charbon dans le palatinat renforce le sentiment que les Ă©lites locales, urbaines ou rurales, pouvaient se montrer capables de tirer le meilleur parti Ă©conomique et politique d’une ressource majeure. 73La place des femmes dans la sociĂ©tĂ© anglaise du XIVe siĂšcle fait l’objet de deux contributions. J. S. Bothwell montre comment John Maltravers, compromis dans le gouvernement d’Isabelle et Mortimer, et qui dut fuir l’Angleterre aprĂšs le coup de Nottingham, put rentrer graduellement en grĂące et protĂ©ger son patrimoine grĂące Ă  l’action de son Ă©pouse, Agnes, fille du juge William de Bereford. Beth Allison Barr se penche sur la vision des femmes dans le manuel d’instruction pour les prĂȘtres de John Mirk. Les femmes n’occupent qu’une place trĂšs secondaire dans l’ouvrage, et semblent Ă  la fois moins actives et moins pĂ©cheresses que les hommes ; un manuscrit de l’ouvrage toutefois prĂ©sente des variantes destinĂ©es Ă  renforcer l’arsenal du confesseur face Ă  un sexe considĂ©rĂ© comme rĂ©tif. 74On pourra dĂ©plorer l’absence d’un fil directeur ferme pour l’ensemble du volume mais, devant la richesse, la nouveautĂ© et la qualitĂ© des contributions, on ne peut que se rallier Ă  la formule d’un pĂ©riodique cernant une chronologie restreinte, et qui pourrait faire, dans le cadre francophone, des Ă©mules. 75FrĂ©dĂ©rique LACHAUD. GeneviĂšve Ribordy, Faire les nopces ». Le mariage de la noblesse française 1375-1475, Toronto, 2004 Pontifical Institute of Mediaeval Studies. Studies and Texts », 146, XXVI-207 p. 76Cet ouvrage est tirĂ© d’une thĂšse soutenue en 1999 Ă  l’UniversitĂ© de MontrĂ©al. L’A. se propose d’examiner, pour la fin du Moyen Âge, la validitĂ© des conclusions tirĂ©es en 1981 par Georges Duby dans Le chevalier, la femme et le prĂȘtre. Le mariage dans la France fĂ©odale. G. Duby avait mis en Ă©vidence la divergence entre les deux modĂšles matrimoniaux en vigueur aux XIVe-XVe siĂšcles le modĂšle aristocratique et le modĂšle ecclĂ©siastique. Dans son excellente introduction, l’A. retrace de façon trĂšs claire la construction de la doctrine ecclĂ©siastique du mariage, qu’élaborent avec une force particuliĂšre des thĂ©ologiens comme Yves de Chartres ou Pierre Lombard. C’est dans le courant du XIIe siĂšcle que l’Église impose l’idĂ©e que le consentement libre des Ă©poux joue le rĂŽle central dans une union par nature indissoluble. Dans ce schĂ©ma, les relations sexuelles sont relĂ©guĂ©es au second plan, mĂȘme si elles ne peuvent ĂȘtre refusĂ©es par les conjoints. Face Ă  cet idĂ©al Ă©laborĂ© par les clercs, quelle est la rĂ©alitĂ© du mariage noble Ă  la fin du Moyen Âge ? Les sources utilisĂ©es sont de deux natures. Ce sont d’abord les sources judiciaires, plaidoiries criminelles du Parlement et lettres de rĂ©mission, dont les rĂ©cits dĂ©taillĂ©s et savoureux n’avaient que peu Ă©tĂ© mis Ă  contribution pour l’étude du mariage. Les chroniques fournissent un autre point de vue sur le mariage dans la noblesse, plutĂŽt, il est vrai, dans les couches supĂ©rieures. Le corps de l’ouvrage suit un plan habile, des Ă©tapes prĂ©alables au mariage jusqu’à sa consommation. Le lecteur sortira de ce livre avec une meilleure apprĂ©hension du mariage tel qu’il Ă©tait pratiquĂ© par la noblesse française Ă  la fin du Moyen Âge. La signification du rapt et du mariage clandestin, la place des fiançailles et des rites ecclĂ©siastiques s’en trouvent souvent Ă©clairĂ©es d’une vive lumiĂšre ; les conclusions de l’auteur montrent la souplesse de l’Église dans l’application des rĂšgles qu’elle avait dĂ©finies particuliĂšrement la consanguinitĂ©, et l’intĂ©rĂȘt que les clercs tirent de cette souplesse. Dans l’ensemble, les prescriptions ecclĂ©siastiques sont d’ailleurs respectĂ©es, et la bigamie assumĂ©e de Jacqueline de BaviĂšre ou le mariage incestueux de Jean d’Armagnac suscitent une forte dĂ©sapprobation, sociale autant qu’ecclĂ©siastique. Cela ne signifie pas pour autant que la noblesse suive aveuglĂ©ment les recommandations de l’Église, notamment pour ce qui touche au consentement libre des Ă©poux et surtout de la femme, qui semble rarement respectĂ©. Le mariage est une affaire trop importante pour la plier Ă  la libertĂ© des Ă©poux, contrairement Ă  ce que voudrait la doctrine de l’Église mais lĂ  non plus, celle-ci ne paraĂźt pas s’ĂȘtre montrĂ©e intransigeante. Si ces conclusions n’appellent pas la critique, une rĂ©serve doit ĂȘtre faite Ă  propos des sources utilisĂ©es par l’ouvrage. Sauf exception, les chroniques ne s’intĂ©ressent qu’à la trĂšs haute noblesse et les seuls passages dĂ©taillĂ©s, au demeurant assez rares, concernent les familles royales. Il aurait mieux valu se passer des chroniques pour se tourner vers les sources proprement littĂ©raires, qui auraient sans doute donnĂ© plus d’élĂ©ments sur la noblesse petite et moyenne tout laisse penser en effet qu’on ne s’y mariait pas comme Ă  la cour de France. Or mariages royaux et mariages dans des sphĂšres beaucoup moins huppĂ©es sont mis sur le mĂȘme plan. C’est frappant dans le premier chapitre, consacrĂ© Ă  la dĂ©marche familiale » pour prĂ©parer un mariage, oĂč il n’est question que de la trĂšs haute noblesse et des rois. Quant aux sources judiciaires, elles sont par nature fondĂ©es sur des Ă©pisodes conflictuels et ne donnent qu’une vision biaisĂ©e de la rĂ©alitĂ©. L’A. ne l’ignore pas, du reste, et, quand il le faut, dĂ©monte avec finesse les stratĂ©gies d’énonciation des parties en prĂ©sence particuliĂšrement dans le dernier chapitre Ă  propos des relations sexuelles, qui peuvent ĂȘtre assimilĂ©es dans certains cas Ă  un viol, et qu’il vaut parfois mieux, du coup, taire. L’auteur a certainement vu la difficultĂ© que posaient les sources choisies. Une bonne partie de l’ouvrage s’appuie de fait sur la bibliographie, comme le montre l’examen des notes les historiens y sont au moins aussi frĂ©quemment citĂ©s que les sources. On peut penser que la consultation de documents plus variĂ©s et citĂ©s plus longuement aurait permis de resserrer le sujet sur la masse de la noblesse et de pousser davantage les conclusions. La bibliographie, impressionnante 40 pages, est trĂšs complĂšte, mais elle est rĂ©partie de façon assez incommode dans plusieurs sections ; un index des auteurs citĂ©s permet cependant de s’y retrouver. L’auteur pourrait ĂȘtre prise en dĂ©faut sur des dĂ©tails particuliĂšrement pour les chroniques, la date d’édition est souvent en rĂ©alitĂ© celle de la rĂ©impression ; l’éditeur des chroniques de Thomas Basin est un certain S. Samaran », dans lequel il faut reconnaĂźtre Charles Samaran ; la Chronique d’un bourgeois de Vernueil est en rĂ©alitĂ© celle d’un bourgeois de Verneuil ; Robert Blondel est classĂ© Ă  Robert, alors que Jean Raoulet l’est Ă  Raoulet ; on relĂšve parfois des points plus embarrassants il manque par exemple la synthĂšse de Philippe Contamine, parue en 1997, intitulĂ©e La noblesse au royaume de France, de Philippe le Bel Ă  Louis XII, tandis que le beau volume de mĂ©langes qui lui a Ă©tĂ© dĂ©diĂ© en 2000, bien que citĂ© p. 153, n’est pas clairement identifiĂ© comme tel. Mais des lacunes sont inĂ©vitables sur un sujet aussi vaste, et ce livre synthĂ©tique, bien Ă©crit et bien construit, est sans conteste une contribution importante Ă  l’étude du mariage dans la noblesse française de la fin du Moyen Âge. 77Xavier HĂ©LARY. James Hogg, Alain Girard, Daniel Le BlĂ©vec Ă©d., L’ordre des Chartreux au XIIIe siĂšcle. Actes du Colloque international d’histoire et de spiritualitĂ© cartusienne. VIIIe centenaire de la chartreuse de Valbonne, 11-13 juin 2004, Salzburg, 2006, 145 p. Analecta cartusiana, 234. 78À l’occasion du VIIIe centenaire de la fondation de la chartreuse de Valbonne a Ă©tĂ© rĂ©uni en 2004 un colloque international consacrĂ© Ă  l’ordre des Chartreux au XIIIe siĂšcle. DĂšs l’introduction, Daniel Le BlĂ©vec constate pour ce siĂšcle non seulement une expansion continue de l’ordre avec 35 fondations, contre 37 ou 38 avant 1200, mais aussi une Ă©volution concernant les implantations. Les chartreuses sont certes de plus en plus prĂ©sentes dans le vieux pays cartusien », mais aussi en Italie et en Provence. C’est Ă©galement l’époque des premiĂšres fondations urbaines ou pĂ©riurbaines. 79GrĂące Ă  12 interventions, est dressĂ© un panorama relativement complet de la vie cartusienne au XIIIe siĂšcle. Les A. s’intĂ©ressent d’abord aux institutions en cours de normalisation CĂ©cile Caby, James Hogg, Florent Cygler et John Clark, puis Ă  la sortie des Chartreux hors de leurs dĂ©serts originels Sylvain Excoffon, Michel Carlat, Michel Wullschleger, Alain Saint-Denis et Silvio Chiaberto et enfin Ă  la spiritualitĂ© de l’ordre Fabrice Wendling et Nathalie Nabert. Ces articles ont tous un point commun celui de montrer la vitalitĂ© des Chartreux en cette pĂ©riode peu Ă©tudiĂ©e. Les institutions de l’ordre Ă©voluent rapidement comme le montre CĂ©cile Caby L’érĂ©mitisme au XIIIe siĂšcle, entre solitude du cƓur et contraintes du droit » . Elle s’y intĂ©resse Ă  une pĂ©riode de l’érĂ©mitisme encore peu Ă©tudiĂ©e en dehors de la place hĂ©gĂ©monique occupĂ©e par le phĂ©nomĂšne mendiant. Au cours de ce siĂšcle, l’Église, se mĂ©fiant de plus en plus des mouvements Ă©rĂ©mitiques susceptibles de tomber dans l’hĂ©rĂ©sie, engage un processus de rĂ©gularisation de la vie religieuse auquel n’échappent pas les Chartreux. Ces derniers mettent alors au point une lĂ©gislation plus rigoureuse, venant complĂ©ter leurs premiers statuts. 80Autre changement crucial la sortie des Chartreux hors de leurs dĂ©serts. L’article d’Alain Saint-Denis, Saint Louis et la fondation de la chartreuse de Vauvert », montre une rupture radicale avec les choix originels de saint Bruno. La chartreuse de Vauvert a, en effet, Ă©tĂ© fondĂ©e en 1259 par Louis IX sous les murs de Paris. À cette Ă©poque, le roi cherche Ă  attirer dans sa ville tous les ordres monastiques pour la transformer en une vĂ©ritable capitale religieuse. Quant aux Chartreux, ils veulent profiter de la fĂ©conditĂ© intellectuelle de Paris et surtout de son universitĂ©. 81Enfin, deux interventions viennent illustrer les mutations de la spiritualitĂ© cartusienne. Dans la premiĂšre La spiritualitĂ© d’un chartreux provençal », Fabrice Wendling dĂ©crit la spiritualitĂ© d’Hugues de Miramar, entrĂ© Ă  Montrieux vers 1236-1238, Ă  travers l’étude du Liber de miseria hominis. S’y cĂŽtoient des thĂšmes traditionnels, tel le contemptus mundi, des thĂšmes uniquement cartusiens glorifiant le mode de vie des Chartreux et des thĂšmes nouveaux, tels le rĂ©alisme macabre et la personnification de la mort. La seconde porte sur la vie de BĂ©atrice d’Ornacieux, Ă©crite en langue vernaculaire par Marguerite d’Oingt avant 1310. Pour Nathalie Nabert, BĂ©atrice est un modĂšle de vie cartusienne, malgrĂ© quelques excĂšs de mortification. Comme de nombreuses mystiques, elle brĂ»le d’amour pour le Christ de la Passion et a une dĂ©votion ardente pour l’eucharistie, au point de vivre un vĂ©ritable miracle de la transsubstantiation lors de la manducation. 82Tout ce travail de recherche exposĂ© ici est soulignĂ© par Pierrette Paravy, qui rappelle la vitalitĂ© de l’ordre au XIIIe siĂšcle et sa propension Ă  sortir de ses habitudes. Surtout, elle ouvre des perspectives de recherches sur une histoire comparĂ©e des diffĂ©rents ordres ». Finalement, cette publication a le mĂ©rite de sortir les Chartreux du XIIe siĂšcle oĂč ils ont Ă©tĂ© gĂ©nĂ©ralement cantonnĂ©s. 83MarlĂšne HĂ©LIAS-BARON. Monique Maillard-Luypaert, Les suppliques de la PĂ©nitencerie apostolique pour les diocĂšses de Cambrai, LiĂšge, ThĂ©rouanne et Tournai 1410-1411 A. S. V., Penitenzieria Ap., Reg. Matrim. et Div., 1, Bruxelles-Rome, Institut historique belge de Rome Analecta vaticano-belgica, 1re sĂ©r., 34, 2003, 201 p. 84Cela fait dĂ©jĂ  plus de vingt ans que Monique Maillard-Luypaert consacre ses recherches Ă  l’édition et Ă  l’exploitation des archives mĂ©diĂ©vales de la papautĂ©. Auteur d’une volumineuse Ă©tude sur les relations entre le diocĂšse de Cambrai et les papes du Grand Schisme 1996, elle Ă©ditait, dĂšs 1987, les lettres du pape urbaniste Innocent VII 1404-1406. La prĂ©sente Ă©dition des suppliques de la PĂ©nitencerie apostolique est, comme Mme Maillard-Luypaert le dit elle-mĂȘme, une premiĂšre Ă  plus d’un titre. C’est en effet la premiĂšre fois que les Analecta vaticano-belgica, la cĂ©lĂšbre collection de l’Institut historique belge de Rome, publient les archives d’un tribunal romain. Mais c’est aussi la premiĂšre fois que les archives de la PĂ©nitencerie sont rendues accessibles pour un domaine gĂ©ographique qui couvre une partie du royaume de France Ă  la fin du Moyen Âge, essentiellement les diocĂšses de ThĂ©rouanne et de Tournai. C’est dire tout l’intĂ©rĂȘt que reprĂ©sente cet ouvrage pour les mĂ©diĂ©vistes français. Cette publication Ă©tait d’autant plus attendue qu’elle s’inscrit dans un mouvement qui dĂ©buta en 1969, date Ă  laquelle Filippo Tamburini 1999 attira l’attention de la communautĂ© scientifique sur l’extraordinaire richesse des archives de la PĂ©nitencerie apostolique. Ces travaux pionniers ont ouvert la voie Ă  la vaste publication du Deutsches Historisches Institut in Rom, qui Ă©dite, depuis 1996, le Repertorium Poenitentiariae Germanicum, sous la direction de Ludwig Schmugge. Le fonds de la PĂ©nitencerie, qui contient les copies des suppliques adressĂ©es au pape et des lettres expĂ©diĂ©es par le cardinal pĂ©nitencier jusqu’en 1890, se compose en fait de 746 volumes, dont une cinquantaine seulement couvrent le XVe siĂšcle. Le premier de ces registres est l’unique reprĂ©sentant de la pĂ©riode du Grand Schisme, puisque la sĂ©rie ne reprend qu’en 1438, sous le pape EugĂšne IV 1431-1447. On ne peut donc que louer l’initiative d’éditer cette source contenant des fragments d’archives des deux papes pisans, Alexandre V 1409-1410 et Jean XXIII 1410-1415, que le Repertorium Poenitentiariae Germanicum avait par ailleurs nĂ©gligĂ©s. Pour respecter les principes de la collection belge, l’éditeur a ainsi extrait les 156 suppliques concernant les diocĂšses de Cambrai, LiĂšge, ThĂ©rouanne et Tournai, parmi les quelque 800 que renfermait le volume. 85AprĂšs un avant-propos p. 5-12, qui Ă©voque le contexte dans lequel s’est inscrite cette publication, et une bibliographie sĂ©lective p. 15-25 d’une centaine de rĂ©fĂ©rences, l’introduction p. 27-53 commence par un bref rappel historique sur la naissance, le dĂ©veloppement et les compĂ©tences de la PĂ©nitencerie apostolique, tribunal du for interne par opposition Ă  la Rote, qui Ă©tait celui du for externe. Surtout, l’éditeur consacre de trĂšs belles pages Ă  la description de la source, dont les 110 feuillets se divisent en six cahiers contenant chacun un type particulier de suppliques le premier fascicule de officio procurationis comprend les suppliques prĂ©sentĂ©es en vue d’obtenir une charge de procurator litterarum penitentiarie ; le suivant super defectu natalium in forma ampliori, celles prĂ©sentĂ©es par des enfants illĂ©gitimes qui souhaitent obtenir ou conserver plusieurs bĂ©nĂ©fices ecclĂ©siastiques ; le troisiĂšme de matrimonialibus, celles relatives aux empĂȘchements au mariage ; le quatriĂšme de Sancto Sepulcro, Sancto Jacobo et commutatione votorum, celles destinĂ©es Ă  commuer un vƓu solennel de pĂšlerinage en une autre Ɠuvre pie ; quant aux deux derniers fascicules in diversis formis, ils rassemblent les demandes d’absolution, les lettres de confession, ainsi que les autres dispenses canoniques et licences spĂ©ciales. Ce premier survol permet d’ores et dĂ©jĂ  de constater que les trois quarts des suppliques Ă©ditĂ©es 120 sur 156 concernent des grĂąces pour dĂ©faut de naissance, et que les clercs des anciens diocĂšses belges constituent presque la moitiĂ© des suppliants de ce groupe 120 sur 287, ce qui est largement supĂ©rieur Ă  leur proportion globale sur l’ensemble du registre 20 %. L’analyse de la source se termine par l’ébauche d’une Ă©tude diplomatique des suppliques de la PĂ©nitencerie. Elles se composent ordinairement, Ă  l’instar de celles de la Daterie, d’une expositio dĂ©clinaison d’identitĂ© de l’impĂ©trant, d’une narratio exposĂ© des faits qui ont provoquĂ© le recours Ă  la grĂące, d’une supplicatio ou petitio nature de la grĂące impĂ©trĂ©e, de clauses de dĂ©rogation, d’une signatura, d’une datatio et d’éventuelles mentions hors teneur. La principale particularitĂ© diplomatique de ces suppliques rĂ©side, en fait, dans l’identitĂ© du signataire, qui se trouve ĂȘtre le grand pĂ©nitencier ou un simple dĂ©lĂ©guĂ© et non le pape lui-mĂȘme, comme c’est le cas Ă  la Daterie. Si cette Ă©tude ne dispense pas de lire les pages que Filippo Tamburini, Ludwig Schmugge et Kirsi Salonen ont consacrĂ©es aux suppliques de la PĂ©nitencerie, elle n’en reste pas moins l’une des meilleures prĂ©sentations en français pour ce type de sources. 86L’essentiel du volume consiste, bien sĂ»r, en l’édition des 156 suppliques qui concernent les diocĂšses de Cambrai, LiĂšge, ThĂ©rouanne et Tournai p. 55-161. ClassĂ©es dans l’ordre chronologique, entre le 5 avril 1410 et le 16 mai 1411, elles ont le grand avantage d’ĂȘtre publiĂ©es en texte intĂ©gral avec un apparat critique comprenant les variantes et les notations du registrator. Certes, l’absence, dans ce registre, de litterae declaratoriae, oĂč la narratio sert Ă  prouver l’innocence de l’impĂ©trant, exclut les riches tĂ©moignages comparables Ă  ceux des fameuses lettres de rĂ©mission de la Chancellerie du roi de France. Mais, Ă  dĂ©faut d’ĂȘtre variĂ©s, ces documents apportent cependant une foule de renseignements biographiques sur un grand nombre de clercs flamands, hainuyers, luxembourgeois et brabançons, pendant l’une des pĂ©riodes les plus troublĂ©es du Grand Schisme. On peut mĂȘme lire, au dĂ©tour d’une lettre, quelques rĂ©cits hauts en couleurs, comme celui que relate la supplique no 142 aprĂšs un Ă©change d’injures avec Jacobus de Motta, chapelain Ă  Saint-Pierre de Lille, Johannes de Rosmel, chanoine dans la mĂȘme Ă©glise, avait battu et blessĂ© son confrĂšre, au moyen d’un marteau, usque ad magnam sanguinis effusionem, si bien que le chapelain ne pouvait plus dire la messe. Les deux protagonistes s’étant finalement mis d’accord contre une compensation financiĂšre, le chanoine demanda naturellement la levĂ©e de son excommunication, ce qui lui fut accordĂ©, le 30 avril 1411, de gratia speciali. Enfin, cette publication aurait perdu beaucoup de sa valeur, si elle n’avait pas Ă©tĂ© accompagnĂ©e d’un substantiel index. Or, il n’y en a pas un, mais six Ă  la fin du volume p. 163-201. En plus de l’index des noms de personnes et de lieux, l’éditeur a indexĂ© les signataires, les lieux de signature, les patronages d’églises, les ordres religieux et plus de 600 matiĂšres. La multiplication des index est une bonne chose, mĂȘme si certains d’entre eux ne paraissent pas indispensables celui des congrĂ©gations et celui des patronages font pratiquement double emploi avec celui des noms ou celui des matiĂšres, sauf pour l’ordre des Clarisses, qui figure dans les deux derniers, mais pas dans le premier. De mĂȘme, l’index rerum est encombrĂ© de plusieurs termes usuels, tels que deinde, invicem, usque et videlicet, dont l’indexation ne s’imposait pas. Mais ces quelques remarques n’enlĂšvent rien au trĂšs grand profit qu’il y aura Ă  consulter cette Ă©dition de sources, en espĂ©rant qu’elle soit suivie d’autres volumes dans la mĂȘme collection, ce qui pourrait peut-ĂȘtre inspirer un travail similaire pour l’ensemble des diocĂšses français. 87Thierry KOUAMĂ©. HĂ©lĂšne Millet dir., Suppliques et requĂȘtes. Le gouvernement par la grĂące en Occident XIIe-XVe siĂšcle, Rome, École française de Rome Collection de l’École française de Rome », 310 2003, 434 p. 88Les 20 contributions rĂ©unies dans ce volume forment les actes du colloque qui s’est tenu Ă  Rome les 9, 10 et 11 novembre 1998, sous l’égide de l’École française de Rome et du GDR Gerson, avec la collaboration de l’UMR 8589 de l’UniversitĂ© de Paris I LAMOP. Le but de cette rencontre Ă©tant de comparer les suppliques prĂ©sentĂ©es aux papes et les requĂȘtes soumises Ă  d’autres souverains, le colloque Ă©tait donc consacrĂ© Ă  ce modĂšle particulier de pouvoir qu’est le gouvernement pontifical par la grĂące et Ă  son adaptabilitĂ© aux divers rĂ©gimes politiques mĂ©diĂ©vaux, ce qui nĂ©cessitait une approche dĂ©libĂ©rĂ©ment internationale et comparatiste. Pour ce faire, les organisateurs avaient rĂ©uni 19 chercheurs confirmĂ©s venus de 7 pays diffĂ©rents. Les onze Français, qui formaient la majoritĂ© des intervenants, cĂŽtoyaient ainsi trois Espagnols, trois Anglo-Saxons, un Italien et un Allemand. À l’image de la diversitĂ© des participants, les actes couvrent un grand nombre de domaines gĂ©ographiques et thĂ©matiques si la papautĂ© et le royaume de France sont trĂšs largement reprĂ©sentĂ©s, on trouve aussi des Ă©tudes sur l’Angleterre, la Castille, les villes italiennes et l’Empire, qui reste cependant, comme le remarque d’ailleurs HĂ©lĂšne Millet, le parent pauvre de ce tour d’horizon europĂ©en du gouvernement par la grĂące. AprĂšs l’introduction et la bibliographie sĂ©lective d’HĂ©lĂšne Millet p. 1-18, les communications se rĂ©partissent en 5 ensembles plus ou moins homogĂšnes Formes et prĂ©mices de la supplication » p. 19-102, PrĂ©senter une supplique » p. 103-173, La grĂące pratiques et principes de gestion » p. 175-262, Les requĂȘtes prĂ©sentation et gestion » p. 263-317 et Gouverner par la grĂące » p. 319-404. MĂȘme si l’on comprend parfaitement les prĂ©occupations comparatistes qui ont prĂ©sidĂ© Ă  certains de ces rapprochements, il nous sera nĂ©anmoins permis de prĂ©senter toute la richesse de ces contributions dans un ordre lĂ©gĂšrement diffĂ©rent. 89La genĂšse de la pĂ©tition mĂ©diĂ©vale est Ă©voquĂ©e dans les quatre premiĂšres communications. Geoffrey Koziol The early history of rites of supplication », p. 21-36, qui reprend les conclusions de son ouvrage Begging Pardon and Favor Ritual and Political Order in Early Medieval France 1992, montre que toutes les formes de requĂȘtes Ă©crites de la fin du Moyen Âge descendent en fait du rituel de la supplication carolingienne, dans lequel le demandeur adoptait le vocabulaire et l’attitude de l’orant pour s’adresser au roi, qui rĂ©pondait avec le vocabulaire de la grĂące et de la bienveillance. Jean-Marie Moeglin Pandolf la corde au cou Ottoboni lat. 74, f. 193 v quelques rĂ©flexions au sujet d’un rituel de supplication XIe-XVe siĂšcle », p. 37-76 retrouve d’ailleurs cette posture, poussĂ©e Ă  l’extrĂȘme, dans le rituel de la corde au cou, qui permettait aux princes de gracier des coupables dont le crime de lĂšse-majestĂ© aurait mĂ©ritĂ© la mort. Quelques pages plus loin, Charles Vulliez L’ars dictaminis et sa place dans la “prĂ©histoire” mĂ©diĂ©vale de la requĂȘte Ă©crite », p. 89-102 rappelle le rĂŽle fondamental de l’ars dictaminis dans la genĂšse de la pĂ©tition. C’est en effet au XIIe siĂšcle que les maĂźtres en dictamen placĂšrent la petitio au centre de l’epistola, faisant ainsi de la lettre le support privilĂ©giĂ© de la requĂȘte. Cet Ă©crit devient mĂȘme, dans l’iconographie, le signe distinctif de la supplique au pape, comme le constate Jean-Claude Schmitt Les suppliques dans les images », p. 77-87 dans les manuscrits enluminĂ©s du DĂ©cret de Gratien Causae 7 et 25. La formalisation Ă©crite de la supplication rendant dĂ©sormais possible son utilisation administrative, il restait cependant Ă  la justifier thĂ©oriquement et Ă  la mettre en Ɠuvre pratiquement entre le XIIe et le XVe siĂšcle. La justification thĂ©orique du gouvernement par la grĂące est abordĂ©e dans deux contributions Antonio GarcĂ­a y GarcĂ­a El poder por la gracia de Dios aspectos canĂłnicos », p. 233-249 prĂ©sente les principes juridiques de ce gouvernement, tant Ă  l’intĂ©rieur de l’Église que dans les relations de celle-ci avec les pouvoirs sĂ©culiers, tandis que Christian Trottmann Gouvernement divin et gouvernement humain par la grĂące », p. 251-262 s’attache aux raisonnements thĂ©ologiques qui justifient la supĂ©rioritĂ© du pouvoir de la grĂące sur celui de la nature. La mise en Ɠuvre de ce type de gouvernement est, quant Ă  elle, illustrĂ©e par les 14 communications restantes, qui se partagent entre la grĂące pratiquĂ©e par la papautĂ© et celle pratiquĂ©e par les États modernes en construction. 90Le fonctionnement administratif de la Curie est au cƓur du sujet les 5 Ă©tudes qui lui sont consacrĂ©es renouvellent, en partie, nos connaissances sur la question. PrĂ©sentant les moyens nouveaux mis en Ɠuvre par l’administration pontificale pour traiter le nombre croissant des demandes de grĂąces, Pascal Montaubin L’administration pontificale de la grĂące au XIIIe siĂšcle l’exemple de la politique bĂ©nĂ©ficiale », p. 321-342 montre que la relation directe et personnelle entre le souverain pontife et le bĂ©nĂ©ficiaire de la grĂące Ă©tait strictement encadrĂ©e et mĂ©diatisĂ©e par une lĂ©gislation canonique prĂ©cise et des pratiques administratives standardisĂ©es, dĂšs le XIIIe siĂšcle. Nathalie Gorochov Le recours aux intercesseurs l’exemple des universitaires parisiens en quĂȘte de bĂ©nĂ©fices ecclĂ©siastiques vers 1340 - vers 1420 », p. 151-164 constate, quant Ă  elle, que l’inflation des expectatives dĂ©livrĂ©es pendant le Grand Schisme provoqua la multiplication des intercessions parallĂšles et transforma le lien entre le suppliant et son intercesseur en une relation moins personnelle et plus administrative. Mais la principale limite du systĂšme rĂ©sidait dans l’impossibilitĂ© de conserver la mĂ©moire de toutes les suppliques et grĂąces dĂ©livrĂ©es. C’est justement Ă  cette question que s’est intĂ©ressĂ© Patrick Zutshi The origins of the registration of petitions in the papal chancery in the first half of the fourteenth-century », p. 177-191 en Ă©tudiant les circonstances qui ont motivĂ©, dans la premiĂšre moitiĂ© du XIVe siĂšcle, la dĂ©cision d’enregistrer les suppliques adressĂ©es au pape. Avec beaucoup de prĂ©cautions et une grande rigueur, l’A. suggĂšre que l’organisation plus systĂ©matique de l’enregistrement aurait Ă©tĂ© provoquĂ©e par la constitution Pater familias de Jean XXII 1331, qui distingua, au sein de la Chancellerie, les abbreviatores des lettres signĂ©es par le pape et ceux des lettres signĂ©es par le vice-chancelier. Les notaires pontificaux perdant tout contrĂŽle sur la rĂ©daction des lettres de grĂące au profit des abbreviatores du pape, il leur serait devenu difficile de se charger, en outre, de l’enregistrement des suppliques qui Ă©taient Ă  l’origine de ces lettres, ce qui nĂ©cessita, sans doute sous BenoĂźt XII 1334-1342, la mise en place d’un corps spĂ©cifique de registratores. Javier Serra EstellĂ©s Acerca de las sĂșplicas dirigidas a Clemente VII de Aviñón », p. 193-205 prĂ©sente, quant Ă  lui, les conclusions de son article, paru dans l’Archivum historiae pontificiae, 33 1995, p. 7-39. Cette Ă©tude se fonde sur l’analyse du manuscrit Barberini lat. 2101 de la BibliothĂšque vaticane, qui contient un certain nombre de suppliques prĂ©sentĂ©es dans la dixiĂšme annĂ©e du pontificat de ClĂ©ment VII 1387-1388 et expĂ©diĂ©es par le secrĂ©taire pontifical Gilles Le Jeune. Tout porte Ă  croire que ce document, dĂ©jĂ  dĂ©crit par Paul Kehr et Emil Göller, est l’unique tĂ©moignage d’un registre particulier de secrĂ©taire pontifical contenant la copie des suppliques avant leur expĂ©dition en lettres. Mais, pour l’A., il s’agirait en fait du vestige d’une sĂ©rie de registres parallĂšle aux Registra Supplicationum de la Daterie selon lui, la copie de certaines suppliques dans ces registres de secrĂ©taires devait permettre de rĂ©aliser les minutes des lettres correspondantes, mĂȘme pour celles qui n’étaient finalement pas expĂ©diĂ©es par la Chancellerie pontificale, ce qui supposerait, au temps de ClĂ©ment VII du moins, l’existence d’une expeditio litterarum per viam secretarii, plus rapide, plus sĂ»re, mais aussi plus chĂšre que la voie ordinaire. Toutefois, devant le caractĂšre unique et incomplet de ce document, on ne peut s’empĂȘcher de penser qu’il pouvait tout simplement s’agir d’une initiative individuelle de Gilles Le Jeune, qui se serait constituĂ© un instrument de travail Ă  partir des suppliques qu’on lui assignait, Ă  l’instar des formulaires composĂ©s par les procureurs en Curie Heinrich Bucgland et Andreas Sapiti, au milieu du XIVe siĂšcle. Or la dĂ©monstration de l’A., qui se fonde essentiellement sur l’inadĂ©quation des documents enregistrĂ©s dans les sĂ©ries principales de suppliques et de lettres, n’est guĂšre convaincante face Ă  une telle objection. Enfin, Ludwig Schmugge Suppliche e diritto canonico il caso della Penitenziera, p. 207-231 prĂ©sente l’administration de la grĂące Ă  travers le fonctionnement de la PĂ©nitencerie apostolique, qui dĂ©livre, depuis le XIIIe siĂšcle, absolutions, dispenses, indults et licences aux fidĂšles qui s’écartent des rĂšgles strictes du droit canonique. Au-delĂ  du fonctionnement de ce gouvernement par la grĂące, trois contributions illustrent, plus classiquement, le profit que l’on peut tirer de l’exploitation des suppliques pontificales. Élisabeth Lalou Les suppliques des gens de l’HĂŽtel de Philippe VI de Valois d’aprĂšs le dossier de Louis Carolus-BarrĂ© », p. 105-120 analyse les suppliques des membres de l’HĂŽtel et de la Chancellerie de France prĂ©sentĂ©es par le roi aux papes d’Avignon entre 1342 et 1366, Ă  partir des papiers de Louis Carolus-BarrĂ© 1993, conservĂ©s Ă  l’IRHT. Anne-Marie Hayez Les demandes de bĂ©nĂ©fices prĂ©sentĂ©es Ă  Urbain V une approche gĂ©ographico-politique », p. 121-150 expose les rĂ©sultats du traitement informatique d’environ 14 000 demandes de bĂ©nĂ©fices sur les 20 408 suppliques adressĂ©es Ă  Urbain V entre 1362 et 1366. Enfin, Charles Vulliez Un rotulus original de la nation picarde de l’universitĂ© de Paris au temps du pape Jean XXIII », p. 165-173 intervient, une seconde fois, pour porter Ă  la connaissance de la communautĂ© scientifique la dĂ©couverte qu’il a faite aux Archives nationales carton S 6201 d’un rotulus inĂ©dit de la nation picarde de l’UniversitĂ© de Paris, qu’il date de la derniĂšre annĂ©e du pontificat de Jean XXIII 1414-1415. Ce document, qui nous informe sur la composition du corps des maĂźtres Ăšs arts et sur le travail des inrotulatores parisiens, est en effet un tĂ©moignage dont la raretĂ© mĂ©ritait d’ĂȘtre relevĂ©e. 91Les 6 communications restantes s’intĂ©ressent Ă  la maniĂšre dont les États modernes en construction ont adaptĂ© ou se sont adaptĂ©s au modĂšle pontifical du gouvernement par la grĂące. Cette pratique entretient en fait un rapport Ă©troit avec l’évolution du rĂ©gime politique. Andrea Barlucchi Le “petizioni” inviate dalle comunitĂ  del contado al governo senese secoli XIII-XV », p. 265-279 montre, Ă  travers l’exemple de la citĂ© de Sienne, que l’usage de la pĂ©tition par la communautĂ© du contado correspond exactement au moment oĂč le popolo domine le gouvernement communal. L’avĂšnement, Ă  la fin du XVe siĂšcle, du rĂ©gime aristocratique de Pandolfo Petrucci met ainsi fin Ă  cette expĂ©rience politique. D’un autre cĂŽtĂ©, JosĂ© Manuel Nieto Soria De la grĂące papale Ă  l’absolutisme royal le roi de Castille suppliant le pape au XVe siĂšcle », p. 343-356 considĂšre que la participation du roi de Castille au gouvernement par la grĂące, en tant que suppliant, a favorisĂ© la mise en place d’un pouvoir royal absolu dans cet État. En ce qui concerne les transferts de modĂšles, Olivier MattĂ©oni “Plaise au roi” les requĂȘtes des officiers en France Ă  la fin du Moyen Âge », p. 281-296 offre, avec son Ă©tude sur les requĂȘtes des officiers du roi, un exemple saisissant de transposition des pratiques bĂ©nĂ©ficiales au fonctionnement de la monarchie française. En effet, l’usage abusif que les officiers faisaient de la requĂȘte reposait sur le fait que cette derniĂšre Ă©tait au cƓur de la procĂ©dure d’obtention de l’office. Or le vocabulaire normalisĂ© des requĂȘtes tendait Ă  faire de ce dernier une rĂ©compense, plaçant le demandeur en situation de dĂ©pendance, ce qui crĂ©ait, au-delĂ  de l’obĂ©issance due au souverain, une relation affective entre l’officier et le prince. Mais c’est sans doute dans l’administration de la justice que le gouvernement par la grĂące a le plus contribuĂ© Ă  la construction de l’État moderne. Timothy Haskett Access to grace Bills, justice and governance in England », 1300-1500, p. 297-317 rappelle que, dans l’Angleterre de la fin du Moyen Âge, le recours Ă  la grĂące royale passait gĂ©nĂ©ralement par des suppliques Ă©crites transmises au chancelier, la plupart des sujets n’ayant pas directement accĂšs Ă  la personne du roi. Or ces bills de chancellerie, qui servirent Ă  bon nombre de sujets issus des classes moyennes de la sociĂ©tĂ© anglaise, jouĂšrent un rĂŽle fondamental dans le dĂ©veloppement moderne de la procĂ©dure par bill. Jean Hilaire La grĂące et l’État de droit dans la procĂ©dure civile 1250-1350 », p. 357-369 prĂ©sente, quant Ă  lui, les voies de recours qui se sont constituĂ©es en France, sous le couvert de la grĂące, dans le cadre de la justice dĂ©lĂ©guĂ©e, lesquelles voies ont tenu une place essentielle dans la construction de l’État de droit. Le Parlement rendant sa justice au nom du roi, les sujets ne pouvaient plus faire appel d’un jugement que le souverain avait, par fiction, dĂ©jĂ  pris lui-mĂȘme. Ils en vinrent alors Ă  supplier le roi d’user de sa grĂące pour obtenir un Ă©ventuel rĂ©examen de l’affaire jugĂ©e, ce qui donna naissance Ă  l’amendement du jugement, Ă  la requĂȘte civile et surtout Ă  la proposition d’erreur, qui annonce la procĂ©dure moderne de cassation. Enfin, dans un article conclusif, Claude Gauvard Le roi de France et le gouvernement par la grĂące Ă  la fin du Moyen Âge genĂšse et dĂ©veloppement d’une politique judiciaire », p. 371-404 rappelle que la lettre de rĂ©mission obĂ©issait Ă  des rĂšgles strictes, qui dĂ©finissaient la procĂ©dure de supplication, le contenu de la supplique et les limites de son application. Il convient donc de redĂ©finir les rapports qu’entretenaient la justice retenue, gracieuse et extraordinaire, pratiquĂ©e par la Chancellerie, et la justice dĂ©lĂ©guĂ©e, coercitive et ordinaire, rendue par le Parlement, dans la mesure oĂč la supplique et la grĂące permettaient aussi au roi d’imposer, par ailleurs, les dĂ©cisions prises dans ses tribunaux. Ainsi, l’inflation des lettres de rĂ©mission, sous le rĂšgne de Charles VI, n’est pas un signe de faiblesse. Elle contribua, au contraire, Ă  crĂ©er la sujĂ©tion par le pouvoir justicier du souverain, en s’adressant en prioritĂ© aux nobles, puis Ă  tous les sujets du royaume, Ă  partir du milieu du XIVe siĂšcle. En rĂ©sumĂ©, l’A. dĂ©montre que c’est par la grĂące, plus que par la rigueur, que la justice du roi s’est imposĂ©e en France. 92Il est inutile d’insister sur le profit incomparable que l’on peut tirer de la rĂ©union dans un mĂȘme volume d’un aussi grand nombre d’études sur le gouvernement par la grĂące dans l’Occident mĂ©diĂ©val. La mise en perspective de l’ensemble des communications laisse en fait apparaĂźtre des lignes de forces dont la plus Ă©vidente reste l’analogie de la priĂšre Ă  Dieu pour s’adresser au dĂ©tenteur du pouvoir. Cette confusion volontaire entre les grĂąces divine et princiĂšre a, en effet, Ă©tĂ© relevĂ©e par bon nombre de contributeurs. Plus intĂ©ressante sans doute est l’inflation de la politique gracieuse au cours de la pĂ©riode dĂ©jĂ  sensible Ă  la Curie au XIIIe siĂšcle, elle touche, aux XIVe et XVe siĂšcles, des catĂ©gories de plus en plus larges de la sociĂ©tĂ© dans les royaumes de France et d’Angleterre. Or la multiplication des grĂąces interdisait un contrĂŽle rigoureux du contenu des requĂȘtes. À ce titre, on ne peut s’empĂȘcher d’évoquer le cas peu banal de ce prĂ©lat irlandais, Thomas Macmahon, qui s’était fait attribuer, avant 1362, un Ă©vĂȘchĂ© qui n’existait pas et qui rĂ©ussit quand mĂȘme Ă  prĂ©senter quelques suppliques Ă  Urbain V 1362-1370 avant que sa supercherie ne fĂ»t dĂ©couverte Hayez, p. 124, n. 15. Face Ă  de telles dĂ©rives, la papautĂ© et les États ont dĂ» mettre en place de vĂ©ritables instruments de gestion des grĂąces Ă©tablissement de normes prĂ©cises dĂ©finissant les procĂ©dures d’exĂ©cution et les limites de la politique gracieuse, prĂ©sentation de la demande par des intercesseurs dignes de foi, examen par des maĂźtres des requĂȘtes et enregistrement plus rigoureux. Mais la dĂ©nonciation de la plupart des abus s’appuyait, en dĂ©finitive, sur la possibilitĂ© pour tout tiers lĂ©sĂ© d’en appeler au souverain lui-mĂȘme. Le gouvernement par la grĂące trouvait ainsi son accomplissement dans l’exercice de la justice, car, comme le rappelle HĂ©lĂšne Millet, l’art de rĂ©gner consistait finalement Ă  gĂ©rer harmonieusement des demandes issues d’intĂ©rĂȘts contradictoires. Au terme d’une lecture aussi stimulante, on peut seulement regretter qu’aucune communication n’ait Ă©tĂ© consacrĂ©e Ă  la place de la petitio romaine dans la genĂšse de la pĂ©tition mĂ©diĂ©vale. En effet, cette procĂ©dure antique, qui fut Ă  la base du gouvernement impĂ©rial par rescrit, s’est non seulement maintenue durant tout le haut Moyen Âge avec la pratique pontificale des dĂ©crĂ©tales, mais elle a surtout bĂ©nĂ©ficiĂ© d’un vĂ©ritable arsenal thĂ©orique, Ă  partir du XIIe siĂšcle, avec la redĂ©couverte du Corpus juris civilis. Il est peu probable que cela n’ait eu aucune influence sur l’usage tardo-mĂ©diĂ©val des suppliques et autres requĂȘtes. PrĂ©cisons, pour finir, que l’accĂšs au contenu trĂšs dense des vingt contributions rĂ©unies dans ce volume est facilitĂ© par un index des noms de lieu et de personne p. 405-421 et par le rĂ©sumĂ© de chaque article dans sa langue p. 423-431. On ne peut donc que louer une telle initiative, qui montre tout l’intĂ©rĂȘt d’une rĂ©flexion collective pour l’intelligence d’un phĂ©nomĂšne historique. 93Thierry KOUAMĂ©. Brian Patrick McGuire, Jean Gerson and the Last Medieval Reformation, Philadelphie, The Pennsylvania State University Press, 2005, XVIII-442 p. ISBN 0-271-02707-3, 0-271-02706-1. 94Fruit d’un long et intime compagnonnage avec les Ă©crits de Gerson, cet ouvrage est une prĂ©sentation trĂšs vivante de la personnalitĂ© intellectuelle de ce dernier, de son activitĂ© et de sa production. FondĂ© sur la lecture de ses Ɠuvres d’oĂč peut-ĂȘtre une certaine dĂ©formation hagiographique, il est organisĂ© dans des chapitres qui suivent la biographie et l’ordre chronologique de la composition. Il retrace les choix et les prises de position du chancelier – dans ses dĂ©marches officielles, ecclĂ©siales et politiques, autant que dans sa vie privĂ©e et les contacts avec sa famille – et expose les prĂ©occupations thĂ©ologiques et pastorales qu’il manifeste dans ses Ă©crits. Son engagement pour la rĂ©forme – intĂ©rieure, des mƓurs, des contenus de l’enseignement thĂ©ologique, de l’encadrement ecclĂ©sial –, rĂ©forme qu’il ne put imposer, est pour l’auteur la dimension fondamentale du personnage, profondĂ©ment idĂ©aliste. L’analyse des Ɠuvres – lettres, sermons, traitĂ©s – occupe une place importante et certains moments sont privilĂ©giĂ©s de maniĂšre Ă  suivre son cheminement. AprĂšs les Ă©tudes au collĂšge de Navarre, l’auteur souligne les moments marquants de l’itinĂ©raire du chancelier et les crises de conscience qui les ont accompagnĂ©s. Il en repĂšre en particulier deux lorsqu’il songe Ă  abandonner la chancellerie, en 1400, et au moment de la rĂ©volte des Cabochiens, dont il est la victime, en 1413, crise qui l’a amenĂ© Ă  promouvoir le culte de saint Joseph car il estimait que ce dernier l’avait protĂ©gĂ©. Il suit l’évolution de son attitude au sujet du schisme, ses dĂ©mĂȘlĂ©s avec les chanoines de Bruges, son activitĂ© Ă  Constance, pour ne citer que quelques points plus longuement dĂ©veloppĂ©s. L’étude est fouillĂ©e et toujours attentive au tĂ©moignage des Ă©crits. 95L’ouvrage est solidement bĂąti, mais le fait que les Ɠuvres de Gerson soient la source privilĂ©giĂ©e de l’exposĂ©, malgrĂ© les mises en garde de l’auteur, laisse au deuxiĂšme plan la dimension politique de certains choix du chancelier. Sans mettre en doute son aspiration Ă  la concorde et Ă  la paix, au milieu du jeu des factions de ces temps troublĂ©s, son itinĂ©raire dans le siĂšcle n’a pas Ă©tĂ© dictĂ© uniquement par ses prĂ©occupations spirituelles, mĂȘme Ă  travers les crises que l’auteur Ă©voque avec soin. Parler d’ambiguĂŻtĂ©s dans la carriĂšre de Gerson est peut-ĂȘtre excessif, mais ses silences sont certainement aussi significatifs que ses prises de position publiques. Son attachement Ă  Pierre d’Ailly, auquel il restera toujours fidĂšle, lui permet d’accĂ©der Ă  la chancellerie de l’UniversitĂ©. À cette Ă©poque, celui-ci s’est dĂ©jĂ  ralliĂ© au parti orlĂ©aniste et avignonnais, mais cela n’empĂȘche pas Gerson de rester longtemps dans la mouvance du duc de Bourgogne, jusque aprĂšs la mort de Philippe le Hardi. Comme l’auteur le rappelle, il n’approuvait certainement pas les agissements de Jean sans Peur ; cependant, par modĂ©ration ou prudence, il a Ă©vitĂ© la confrontation aussi longtemps que possible. Le mĂ©contentement du duc face Ă  la tiĂ©deur du chancelier a dĂ» amener Ă  la rupture. Mais celle-ci a mis du temps Ă  venir, la pression de l’UniversitĂ© elle-mĂȘme ayant eu certainement son poids, et ce contexte explique, autant que l’obligation de rĂ©sidence et que le mĂ»rissement profond de sa dĂ©marche intĂ©rieure, ses sĂ©jours Ă  Bruges, son absence ou ses silences lors des compromettantes assemblĂ©es du clergĂ© traitant de la soustraction d’obĂ©dience, son attentisme pendant plusieurs annĂ©es aprĂšs le meurtre de Louis d’OrlĂ©ans. La lecture d’E. Ornato Jean Muret, 1969 et B. GuenĂ©e Entre l’Église, 1987 ; Un meurtre, 1992 apporte des Ă©clairages complĂ©mentaires Ă  la dimension spirituelle des prises de position d’un acteur certainement d’importance Ă  l’époque, et qu’on attendait au tournant. 96De mĂȘme, le point de vue adoptĂ© maintient l’étude Ă  l’écart d’un aspect fondamental de la production de Gerson ce dont l’auteur est parfaitement conscient, cf. p. XI-XII, 14, aspect que Th. Hobbins a mis rĂ©cemment en Ă©vidence The American Historical Review, 2003 le caractĂšre public » des traitĂ©s gersoniens, leur adaptation dans la forme Ă  un auditoire dĂ©passant les limites de l’UniversitĂ©. Gerson a jouĂ© un rĂŽle essentiel dans l’évolution de la production universitaire, dĂ©laissant la somme systĂ©matique pour le traitĂ© ponctuel sur un sujet spĂ©cifique ; sans doute, il a cherchĂ© avant tout l’efficacitĂ© dans ses rĂ©actions Ă  l’actualitĂ©, sans mesurer vĂ©ritablement la portĂ©e de sa dĂ©marche, mais il y a lĂ  un point de vue Ă  ne pas nĂ©gliger pour comprendre la personnalitĂ© du chancelier. 97On retiendra enfin les perspectives qui se dĂ©gagent des remarques consacrĂ©es Ă  l’humanisme de Gerson. À juste titre, l’auteur souligne p. 30, 35-36, 42 que, loin d’ĂȘtre une dimension culturelle qui s’ajoute aux multiformes intĂ©rĂȘts du chancelier, il s’agit d’une vĂ©ritable arme dont celui-ci se sert adroitement. Dans la promotion de ce qui lui tient Ă  cƓur, Gerson pratique les techniques rhĂ©toriques les plus efficaces afin d’atteindre le but recherchĂ©. Son attention au style n’est pas un loisir Ă©rudit le Pastorium carmen, premiĂšre Ă©glogue humaniste en France, est une prise de position sur le schisme ; la Josephina, premier poĂšme virgilien d’argument scripturaire trĂšs diffĂ©rent dans son organisation et dans son contenu par rapport aux Ă©laborations thĂ©ologiques des siĂšcles antĂ©rieurs, est une piĂšce de propagande en faveur du culte de saint Joseph, conçue pour ĂȘtre diffusĂ©e Ă  Constance. L’attitude de Gerson est en fait rĂ©vĂ©latrice de l’importance que les nouvelles exigences stylistiques ont prise dans les milieux lettrĂ©s de l’époque. Certainement marginales par rapport Ă  la culture aristocratique, elles s’imposent cependant sans rĂ©ticence lorsqu’il s’agit de toucher un public choisi d’universitaires et de prĂ©lats. 98La chronologie Ă©tablie par Mgr Glorieux – s’appuyant elle-mĂȘme sur les Ă©tudes qui l’ont prĂ©cĂ©dĂ©e – est Ă  la base de l’approche de l’auteur et, pour limiter les dimensions du livre, celui-ci prĂ©fĂšre ne pas rentrer dans des querelles Ă©rudites sur des points particuliers. Le rĂ©sultat est certainement valable ; parfois il serait cependant possible d’envisager d’autres pistes. Ainsi, en suivant G. Ouy Cahiers de l’Association internationale des Ă©tudes françaises, 1971, il faudrait repousser la date du petit poĂšme Contra curiositatem faciendi plures libros plutĂŽt Ă  la derniĂšre pĂ©riode de la vie du chancelier, la simple rĂ©miniscence biblique qui fournit le thĂšme ne permettant pas de lier la composition de ces vers Ă  la lettre adressĂ©e aux membres du collĂšge de Navarre en 1400. 99Un dernier chapitre Ă©voque rapidement le legs de Gerson les manuscrits de ses Ɠuvres tout de suite aprĂšs sa mort, mais aussi le culte dont il a Ă©tĂ© l’objet Ă  la fin du XVe siĂšcle, puis au XVIIe ; la maniĂšre dont ses ouvrages ont Ă©tĂ© reçus, notamment par les rĂ©formĂ©s, d’abord au niveau europĂ©en – ce dont tĂ©moignent les traductions latines de ses Ɠuvres en français –, ensuite essentiellement en France comme source d’inspiration pour les gallicans et les conciliaristes modernes. En conclusion sont Ă©voquĂ©s l’échec des exigences de rĂ©forme incarnĂ©es par Gerson – Ă©chec Ă  l’origine de la situation qui mĂšnera aux dĂ©chirements du XVIe siĂšcle – et l’actualitĂ© de sa spiritualitĂ©, dans sa dimension Ă  la fois scolastique et affective, Ă©motionnelle. Vient ensuite la chronologie de la vie du chancelier et des Ă©vĂ©nements auxquels sa vie est liĂ©e, ainsi que des principaux moments qui rĂ©vĂšlent sa vitalitĂ© jusqu’à nos jours. Un guide bibliographique, organisĂ© de maniĂšre mĂ©thodique et discursive selon les diffĂ©rents axes d’intĂ©rĂȘt que la production gersonienne prĂ©sente, puis la bibliographie gĂ©nĂ©rale sources et Ă©tudes, enfin l’index incluant noms propres et notions complĂštent le volume. 100G. Matteo ROCCATI, UniversitĂ© de Turin. Martin Aurell, Jean-Paul Boyer, NoĂ«l Coulet, La Provence au Moyen Âge, Aix-en-Provence, Publications de l’UniversitĂ© de Provence, 2005, 360 p. 101Cet ouvrage sur la Provence mĂ©diĂ©vale Ă©tait attendu depuis longtemps. Aucune synthĂšse n’a, en effet, remplacĂ© l’ancienne encyclopĂ©die des Bouches-du RhĂŽne, parue en 1924. L’histoire de la Provence mĂ©diĂ©vale y est divisĂ©e en trois grands chapitres rĂ©digĂ©s par des plumes diffĂ©rentes. La premiĂšre partie est rĂ©digĂ©e par Martin Aurell et correspond Ă  une pĂ©riode allant de 972 Ă  1245, dĂ©crite comme la genĂšse de la Provence comtale ». La deuxiĂšme partie est Ă©crite par Jean-Paul Boyer. Elle embrasse une pĂ©riode allant de 1245 Ă  1380 que l’auteur a intitulĂ© l’éphĂ©mĂšre paix du prince », et couvre le temps de la premiĂšre maison d’Anjou. Enfin, une derniĂšre partie est rĂ©digĂ©e par NoĂ«l Coulet. Celle-ci concerne les annĂ©es 1380 Ă  1482 et a pour titre L’ultime principautĂ© de Provence ou la seconde maison d’Anjou ». 102M. Aurell s’attache Ă  la prĂ©sentation de la pĂ©riode peut-ĂȘtre la moins Ă©tudiĂ©e par les historiens contemporains. Il explique brillamment la construction de la Provence depuis l’éclatement de l’Empire carolingien et la domination des grands lignages aristocratiques jusqu’à la domination catalane. Cette domination ne s’imposa pas facilement en raison des conflits avec la maison de Toulouse et l’opposition d’une partie de l’aristocratie dont la cĂ©lĂšbre maison des Baux. NĂ©anmoins, appuyĂ©e par la chevalerie urbaine, trĂšs nombreuse en Provence – celle-ci apporta un soutien politique, militaire et financier en vue d’obtenir un ordre que l’aristocratie ne pouvait assurer Ă  cause de son goĂ»t pour la guerre et le brigandage –, la nouvelle dynastie parvint finalement Ă  assurer son emprise sur le territoire. Elle profita Ă©galement de l’appui des Ă©vĂȘques, de la renaissance du droit romain et de l’apparition d’un nouveau personnel politique formĂ© au droit savant. À partir d’Aix-en-Provence, qui s’affirma progressivement comme la capitale du comtĂ©, les comtes catalans contrĂŽlĂšrent petit Ă  petit l’espace provençal en affirmant leur possession exclusive de droits rĂ©galiens tels que l’albergue, la cavalcade et la justice. C’est le temps de la genĂšse d’un appareil administratif construit Ă  partir de la curia et d’une administration locale, avec l’apparition de bailes locaux dont les attributions ne cesseront d’augmenter au cours du siĂšcle. Furent ainsi posĂ©es les bases des futures baillies provençales dont la premiĂšre mention date de 1209. Il en rĂ©sulta le dĂ©classement progressif des vieilles familles aristocratiques en mĂȘme temps que s’affirmait l’expansion urbaine. 103En parallĂšle Ă  l’évolution politique, l’auteur aborde le renouveau monastique de la fin du Xe siĂšcle dont la figure dominante fut Cluny et le monastĂšre de Saint-Victor. Devenu le centre de la rĂ©forme en Provence, Saint-Victor entreprit une lutte pour libĂ©rer les Ă©vĂȘchĂ©s du contrĂŽle aristocratique, bataille gagnĂ©e dans les annĂ©es 1100. Dans le mĂȘme moment, l’abbaye fut aussi gagnĂ©e par l’entreprise de pacification initiĂ©e par Cluny. C’est en Provence que ce mouvement trouva son application pratique par le biais de la trĂȘve de Dieu. L’Église provençale en sortit renforcĂ©e avec des Ă©vĂȘques au prestige accru et affranchis de l’emprise aristocratique. 104M. Aurell insiste sur l’important mouvement communal que connut le comtĂ© Ă  la fin du XIIe siĂšcle et au dĂ©but du XIIIe siĂšcle, mĂȘme si, selon lui, l’histoire du mouvement communal provençal reste encore Ă  faire. PortĂ©s par une alliance entre le comte, les Ă©vĂȘques et la chevalerie urbaine, et grĂące Ă  la diffusion du droit romain, les consulats urbains fleurirent Ă  partir du deuxiĂšme tiers du XIIe siĂšcle et s’étendirent jusque dans les plus petits villages. À l’image de l’Italie voisine, la podestarie se dĂ©veloppa Ă  partir des annĂ©es 1220 pour voir apparaĂźtre, Ă  partir de 1245, une nouvelle forme d’organisation, la confrĂ©rie. Cette derniĂšre constitue une radicalisation de la lutte contre les Ă©vĂȘques marquĂ©e parfois de violentes manifestations d’anticlĂ©ricalisme. En Ă©cho Ă  la lutte entre le Sacerdoce et l’Empire, des partis politiques se mirent en place, autour du parti clĂ©rical et autour de gens hostiles Ă  la domination des prĂ©lats » animĂ©s par des vicaires impĂ©riaux. Ce dernier parti se radicalisa au fur et Ă  mesure que les marchands et artisans entrĂšrent dans les institutions communales. L’auteur clĂŽt sa contribution en s’attardant sur les idĂ©ologies et mĂ©thodes de combat au sein de ces mouvements ainsi que sur les stratĂ©gies personnelles des individus tout en soulignant le soutien apportĂ© par les troubadours provençaux qui Ă©crivent de nombreuses chansons politiques stigmatisant l’épiscopat provençal. 105Jean-Paul Boyer traite de la pĂ©riode correspondant Ă  la premiĂšre maison d’Anjou 1245-1380 en abordant successivement les Ă©vĂ©nements politiques, les structures politiques de la monarchie angevine, la papautĂ© avignonnaise, l’activitĂ© Ă©conomique ainsi que l’histoire culturelle et religieuse pour terminer avec le rĂšgne de la reine Jeanne 1343-1380 dĂ©crit par l’auteur comme un Ă©pilogue tragique ». Il s’attache particuliĂšrement Ă  l’étude des structures politiques ainsi qu’à l’action culturelle et religieuse de la nouvelle dynastie. 106L’auteur explique habilement l’unification politique et culturelle de la Provence ainsi que le dĂ©veloppement de l’État provençal sous la premiĂšre dynastie angevine. De l’installation des Angevins – laquelle se fit sans grandes difficultĂ©s grĂące, souligne-t-il, Ă  la dĂ©sunion de leurs adversaires » et une aspiration gĂ©nĂ©rale de la sociĂ©tĂ© Ă  l’ordre et Ă  la sĂ©curitĂ© » – au renforcement de la monarchie guelfe sous Charles II et Robert Ier, ce sont les grandes annĂ©es de la puissance angevine ». Cette installation fut toutefois marquĂ©e par la fin des libertĂ©s consulaires des communes provençales et l’instauration de l’autoritĂ© du comte sur les villes au moyen de leur administration directe par le comte. Cela n’empĂȘcha pas toutefois les communautĂ©s de garder une personnalitĂ© morale et d’élire des reprĂ©sentants appelĂ©s syndics. Elles conservaient donc un minimum de pouvoir d’expression ». 107Une fois les rĂ©sistances vaincues, commença la collaboration des Ă©lites dirigeantes avec le nouveau pouvoir. Le comtĂ© fut intĂ©grĂ© dans la grande politique italienne et orientale de la dynastie angevine. Base arriĂšre de l’expansion angevine, il fournit hommes et ressources matĂ©rielles aux ambitions des rois de Naples sans pour autant, selon l’auteur, en tirer des bĂ©nĂ©fices substantiels. C’est la grande Ă©poque de l’État angevin, lequel renforça sa domination dans tous les domaines. SystĂ©matisant sa seigneurie majeure » et s’appuyant sur le concept de mĂšre empire, issu du Digeste et signifiant le pouvoir du glaive, pour chĂątier les hommes », le comte parvint Ă  mieux dĂ©finir sa domination grĂące aux ressources offertes par le droit romain. La justice constitua ainsi le principal outil de la souverainetĂ© des comtes angevins qui affirmĂšrent gouverner le comtĂ© en tant que rois. La Provence dĂ©veloppa alors un appareil administratif de plus en plus autonome de la cour napolitaine en raison de l’absence du souverain. Cette croissance des institutions gouvernementales fut accompagnĂ©e de la multiplication du nombre d’officiers, en grande partie des jurisconsultes. Une des caractĂ©ristiques provençales, fait remarquer l’auteur, fut le contrĂŽle poussĂ© de l’espace par l’intermĂ©diaire de circonscriptions administratives vigueries ou baillies quadrillant parfaitement le territoire. Un autre outil fut la systĂ©matisation des enquĂȘtes qui permirent Ă  la fois de surveiller le personnel administratif et de faire valoir les droits du roi partout sur le territoire. 108Cette affirmation de la dynastie angevine ne fut Ă©galement possible sans l’adhĂ©sion profonde des Provençaux Ă  son programme politique et idĂ©ologique. Boyer insiste sur l’établissement de liens de nature religieuse, voire affective » entre le roi et le pays, liens s’appuyant sur la saintetĂ© revendiquĂ©e de la dynastie angevine, dĂ©fenderesse par excellence de l’Église, et son adhĂ©sion aux valeurs mendiantes. 109L’auteur termine sa collaboration en offrant une vision trĂšs sombre du rĂšgne de la reine Jeanne. Cette interprĂ©tation aurait pu ĂȘtre nuancĂ©e en soulignant davantage la rĂ©sistance de l’appareil administratif, lequel, malgrĂ© les difficultĂ©s politiques et Ă©conomiques, parvint en collaboration avec les États de Provence Ă  prendre en charge le pays. 110Enfin, N. Coulet s’attelle Ă  la tĂąche de traiter de la seconde maison d’Anjou 1380-1482. À cette fin, il dĂ©crit les nombreux troubles de la fin du XIVe siĂšcle pour expliquer par la suite la crise Ă©conomique et les difficiles reconstructions du XVe siĂšcle. Il traite ensuite de la vie religieuse de la fin du Moyen Âge pour terminer sa contribution avec un rapide aperçu du gouvernement de la Provence au XVe siĂšcle. 111L’auteur entame sa prĂ©sentation du XVe siĂšcle par une description narrative des troubles de la fin du siĂšcle prĂ©cĂ©dent marquĂ©e par l’irruption de Raymond de Turenne et la difficile succession de la reine Jeanne, laquelle donna lieu Ă  l’opposition des principales villes de Provence et la guerre de l’Union d’Aix. L’auteur met l’accent sur les difficultĂ©s Ă©conomiques du temps et la lente reprise Ă©conomique. La ponction dĂ©mographique fut particuliĂšrement importante, le comtĂ© n’échappant au dĂ©sastre que grĂące Ă  un afflux » d’immigrants qui permirent le redĂ©marrage de la production » au XVe siĂšcle. N. Coulet souligne avec justesse les modifications que la crise apporta Ă  l’agriculture provençale l’importance nouvelle du froment et de l’olivier, l’apparition des bastides, l’augmentation de la taille des troupeaux d’ovins et la croissance de la transhumance, organisĂ©e par de vĂ©ritables entrepreneurs urbains. 112Cet ouvrage se veut une synthĂšse de l’histoire de la Provence mĂ©diĂ©vale intĂ©grant les rĂ©sultats des derniĂšres recherches. Dans un ouvrage de cette ampleur, l’absence du haut Moyen Âge peut a priori surprendre. Cela s’explique par le choix Ă©ditorial de la maison d’édition Ă  l’origine du projet. Un volume portant sur l’histoire de la Provence des origines Ă  l’an mil est sorti il y a plusieurs annĂ©es P..A. FĂ©vrier, La Provence des origines Ă  l’an mil, Rennes, Éd. Ouest-France, 1989. Cet ouvrage s’en veut la prolongation. 113Confier l’écriture de chaque chapitre Ă  un historien diffĂ©rent comporte des avantages certains. Cette formule permet de s’assurer que les meilleurs spĂ©cialistes prennent en charge l’écriture de chaque pan de l’histoire de la Provence. Les auteurs. rĂ©ussissent ainsi la gageure de prĂ©senter, en un peu plus de 300 pages, les Ă©vĂ©nements principaux de l’histoire de la Provence au Moyen Âge tout en expliquant les structures de la sociĂ©tĂ© provençale. Il en rĂ©sulte par contre un manque d’unitĂ© gĂ©nĂ©rale de l’ouvrage. MĂȘme si chaque historien s’est efforcĂ© de traiter tous les aspects de l’histoire provençale, il n’en reste pas moins que chacun reste influencĂ© par ses propres intĂ©rĂȘts de recherche. Ce problĂšme reste cependant mineur. 114Un peu plus gĂȘnante est l’absence d’une vĂ©ritable synthĂšse finale. La conclusion déçoit quelque peu par sa relative briĂšvetĂ© 4 p.. Riche en suggestions, elle propose des pistes de rĂ©flexion qui auraient mĂ©ritĂ© d’ĂȘtre davantage explorĂ©es. Comment, par exemple, s’articulent les influences extĂ©rieures catalanes, siciliennes, italiennes, françaises et comment ont-elles pu contribuer Ă  l’originalitĂ© provençale ? Il aurait Ă©tĂ© Ă©galement pertinent d’aborder l’histoire de la Provence en fonction du rapport centre-pĂ©riphĂ©rie. Le comtĂ© a souvent Ă©tĂ© orphelin de son comte, lequel rĂ©sidait le plus souvent Ă  l’extĂ©rieur. Comment cette absence influença-t-elle l’histoire du comtĂ© ? D’autre part, les auteurs soulignent Ă  juste titre la rupture de la fin du XIVe siĂšcle et du dĂ©but du XVe siĂšcle. Comment explique-t-on les diffĂ©rences frappantes entre la Provence de la premiĂšre et de la seconde maison d’Anjou ? Si les auteurs nous prĂ©sentent bien les changements intervenus dans l’administration du comtĂ© Ă  partir du rĂšgne de la reine Jeanne et sous la seconde maison d’Anjou XVe siĂšcle, il aurait Ă©tĂ© souhaitable que soit fait Ă©tat des hypothĂšses expliquant ce cycle de difficultĂ©s et de tragĂ©dies ». L’importance des liens de clientĂšle ainsi que l’instauration d’une nouvelle fĂ©odalitĂ© paraissent ĂȘtre les spĂ©cificitĂ©s du XVe siĂšcle provençal, thĂšmes qu’il aurait Ă©tĂ© souhaitable d’exploiter davantage plutĂŽt que de seulement affirmer que la Provence est un exemple parfait du mĂ©canisme des crises de la fin du Moyen Âge ». 115Ces quelques carences restent cependant mineures. Au total, cet ouvrage constitue une excellente synthĂšse, indispensable Ă  tout Ă©tudiant ou chercheur s’intĂ©ressant Ă  l’histoire de la Provence mĂ©diĂ©vale. 116Jean-Luc BONNAUD. Serena Morelli, Le carte di LĂ©on Cadier alla BibliothĂšque nationale de France. Contributo alla ricostruzione della Cancelleria angioina, Rome, 2005, 354 p. École française de Rome, Sources et documents d’histoire du Moyen Âge », 9 ; Istituto storico italiano per il Medio Evo, Fonti per la storia dell’Italia medievale, Antiquitates », 20. 117Jusqu’en 1943, l’Archivio di Stato di Napoli dĂ©tenait les archives venues de la premiĂšre monarchie angevine » de Sicile 1266-1435, la dynastie fondĂ©e par Charles Ier 1285, frĂšre de Saint Louis. Ces archives angevines ne rassemblaient que des Ă©paves du passĂ©. Elles demeuraient Ă©normes, avec plus de 500 000 documents. Pendant la guerre, elles furent abritĂ©es dans une propriĂ©tĂ© de la campagne napolitaine. Les Allemands incendiĂšrent ce refuge, le 30 septembre 1943. Le fonds pĂ©rit dans sa presque totalitĂ©. Heureusement, des Ă©ditions nombreuses, des reproductions, des copies et des analyses demeuraient. Le directeur du dĂ©pĂŽt sinistrĂ©, Riccardo Filangieri, lança la reconstruction, sous forme imprimĂ©e, du trĂ©sor perdu. Établi Ă  son initiative, l’Ufficio della Ricostruzione angioina se tourna vers la principale sĂ©rie dĂ©truite, celle des registres ». Ils rĂ©unissaient les actes Ă©manant du pouvoir central. Le premier volume des Registri della Cancelleria angioina ricostruiti parut en 1950. Parvenue en 2005 au tome 48 annĂ©e 1293-1294, l’entreprise est dĂ©sormais trĂšs avancĂ©e. En 1995, une Ă©tape supplĂ©mentaire a Ă©tĂ© franchie avec l’inauguration d’une collection consacrĂ©e aux Fascicoli ricostruiti. Les Fascicoli regroupaient surtout les recueils oĂč les agents de l’administration pĂ©riphĂ©rique transcrivaient les actes touchant leur office. Ils les adressaient ensuite Ă  la cour. L’effort de restauration, poursuivi depuis une soixantaine d’annĂ©es, entre en synergie avec une recherche attentive du matĂ©riel rĂ©uni par les Ă©rudits qui frĂ©quentĂšrent l’Archivio di Stato de Naples avant le sinistre de 1943 Stefano Palmieri, Degli archivi napolitani, storia e tradizione, Naples, 2002. 118La documentation sur le rĂ©gime angevin collectĂ©e par LĂ©on Cadier 1862-1889 compte parmi les principales, entre analyses et transcriptions. Elle regarde les trois premiers souverains de la maison, de Charles Ier Ă  Robert 1309-1343. Elle concerne surtout les gouvernements de Charles Ier et de Charles II 1285-1309, en relation avec la grande ambition de Cadier. Il dĂ©sirait combattre la thĂšse rĂ©pandue au premier chef par Michele Amari, dans La guerra del Vespro siciliano 1re Ă©d., 1840 ; Ă©d. dĂ©finitive, 1886-1887. Il voulait rĂ©pliquer Ă  qui voyait, dans les VĂȘpres siciliennes 1282, un soulĂšvement contre la mala segnoria angevine Dante, Paradiso, VIII, 73. Il entendait montrer la qualitĂ© de l’administration de Charles Ier et de Charles II. Dans ce but, il s’intĂ©ressait non seulement Ă  la cour, mais encore aux institutions territoriales, selon une orientation moins commune. Cela le conduisait Ă  des investigations dans les fascicoli. Elles donnent un prix particulier Ă  ses recherches. Parue en 1891, l’Ɠuvre majeure de LĂ©on Cadier, Essai sur l’administration du royaume de Sicile sous Charles Ier et Charles II d’Anjou, continue de faire autoritĂ©. Elle a bĂ©nĂ©ficiĂ© d’une traduction italienne en 1974. Il s’agit toutefois d’un livre posthume et inachevĂ©, en raison de la mort prĂ©coce de l’auteur. 119Ses archives n’en restent que plus prĂ©cieuses. Le principal s’en conserve Ă  la BibliothĂšque nationale de France. Il Ă©tait tombĂ© dans un presque oubli, avant que Serena Morelli ne le porte au jour. Elle donne dans son rĂ©cent ouvrage 277 transcriptions du fonds Cadier, en grand part inĂ©dites, pour les annĂ©es 1285-1293. Ses choix s’articulent avec le travail menĂ© par l’Ufficio della Ricostruzione angioina. Ils rĂ©parent certaines lacunes des Registres reconstruits parus. Ils fournissent des extraits des Fascicoli. La prĂ©sentation des textes est irrĂ©prochable. Un bon index des lieux et des personnes donne accĂšs Ă  leur contenu. Reste un petit regret pour l’absence d’un index des matiĂšres. 120Mais Serena Morelli ne se borne pas Ă  cette tĂąche profitable d’édition. Elle offre une excellente introduction, d’une soixantaine de pages. La prĂ©sentation de LĂ©on Cadier lui permet de dresser le portrait exemplaire d’un jeune savant français de la fin du XIXe siĂšcle. Il bĂ©nĂ©ficiait des grandes initiatives intellectuelles de son pays, telle la crĂ©ation de l’École française de Rome 1875, dont il fut Ă©lĂšve. La fiertĂ© nationale et le dĂ©sir de rĂ©parer l’opprobre de 1870 aident Ă  comprendre sa dĂ©marche. Cette Ă©tude du personnage contribue Ă  Ă©clairer l’historiographie angevine des premiĂšres gĂ©nĂ©rations, jusqu’au dĂ©but du XXe siĂšcle. Par ailleurs, Serena Morelli analyse les actes les plus remarquables qu’elle publie. Elle s’attarde sur l’administration provinciale des justiciers. De la sorte, elle continue le projet brisĂ© de LĂ©on Cadier. Elle le fait dĂ©boucher sur la dimension d’histoire sociale qui lui manquait un peu. Elle-mĂȘme se confirme comme un trĂšs bon spĂ©cialiste de l’organisation territoriale du royaume angevin de Sicile voir, en dernier lieu, Il personale giudiziario del regno di Napoli durante i governi di Carlo I e Carlo II d’AngiĂČ Â», La justice temporelle dans les territoires angevins, Boyer, A. Mailloux et L. Verdon dir., Rome, 2005, p. 159-169. 121Jean-Paul BOYER. Marie-Madeleine de Cevins, Jean-Michel Matz dir., Formation intellectuelle et culture du clergĂ© dans les territoires angevins milieu du XIIIe - fin du XVe siĂšcle, Rome, École française de Rome Collection de l’École française de Rome, 349 », 2005, 382 p. . 122Rassemblant les actes d’un colloque qui poursuivait une sĂ©rie de rencontres consacrĂ©es aux Angevins entre les mains desquelles furent divers royaumes et principautĂ©s d’Europe, le volume compte une vingtaine de contributions traitant d’histoire intellectuelle et culturelle. Le clergĂ© est placĂ© au centre de l’observation, en un domaine oĂč son poids demeure encore prééminent Ă  la fin du Moyen Âge. Les Ă©tudes sont agencĂ©es thĂ©matiquement la formation, les bibliothĂšques, puis quelques acteurs ou groupes marquants sont abordĂ©s selon une logique qui revient Ă  juxtaposer les points de vue gĂ©ographiques. La focalisation angevine n’est souvent qu’un prĂ©texte pour prĂ©senter une Ă©tude particuliĂšre et le lecteur se demande tout au long du volume, jusqu’à en trouver confirmation dans les propos conclusifs, si elle ne relĂšve pas de l’artifice, sauf Ă  dĂ©montrer, ce qui paraĂźt difficile, que la prĂ©sence au pouvoir de princes angevins a pu avoir une incidence sur la culture de clercs d’ailleurs parfois Ă©trangers Ă  l’aire angevine, comme le relĂšvent lucidement plusieurs auteurs. 123Ce scepticisme sur la pertinence d’un sujet trop Ă©loignĂ© du champ politique et institutionnel jusqu’ici Ă  bon droit au cƓur des colloques angevins n’enlĂšve rien Ă  la qualitĂ© de la majeure partie des contributions. L’introduction tente de justifier le thĂšme retenu en posant la question des Ă©changes culturels au sein d’une aire angevine Ă  gĂ©omĂ©trie variable et en observant que celle-ci a abritĂ© universitĂ©s et ordres mendiants, ce qui n’a rien de trĂšs spĂ©cifique. La question Ă  poser Ă©tait plutĂŽt celle du degrĂ© d’implication des princes angevins du mĂȘme sang que Saint Louis dans l’amĂ©lioration ici intellectuelle du clergĂ©. On ne la voit nulle part comme on ne voit nulle part la moindre tentative de comparaison interangevine, consĂ©quence probable dans l’hyperspĂ©cialisation dans laquelle se rĂ©fugient dĂ©sormais les chercheurs. 124La partie consacrĂ©e Ă  la formation des clercs est Ă  haute teneur magyare la moitiĂ© des contributions et concerne tous les types de clercs, moines royaumes de Naples et de Hongrie, ermites, chanoines Toul, Ă©vĂȘques Maine, Anjou, Provence. Il est bien difficile de croire que les Angevins aient quoi que ce soit Ă  voir avec des situations façonnĂ©es par l’histoire locale, Ă  quelques fondations prĂšs. En Italie mĂ©ridionale, oĂč le rĂ©seau monastique prĂ©cĂšde de beaucoup la venue de Charles d’Anjou, s’observent les mĂȘmes traits qu’ailleurs. Seuls les CĂ©lestins paraissent soucieux de former leurs membres en crĂ©ant un lieu d’accueil Ă  Bologne. En Hongrie, les BĂ©nĂ©dictins se rĂ©forment Ă  partir de 1327. Il est vrai que le roi Charles-Robert soutient activement le mouvement et, en matiĂšre de formation, l’impulsion vient de la bulle Benedictina du pape BenoĂźt XII 1336 mais antĂ©rieurement, le dĂ©veloppement aprĂšs 1250 d’une sorte de rĂŽle notarial dans les chapitres et monastĂšres loca credibilia avait conduit Ă  renforcer la formation juridique de certains clercs. Les BĂ©nĂ©dictins hongrois sont pourtant loin d’atteindre un haut niveau culturel au XIVe siĂšcle. Ils font piĂštre figure Ă  cĂŽtĂ© des chanoines une contribution Ă©value celle des membres du chapitre d’Esztergom, Ă  haute teneur canonique, des Mendiants ou des ermites de saint Paul, ordre apparu au XIIIe siĂšcle, structurĂ© avec l’appui royal au XIVe. Une contribution d’orientation assez peu culturelle leur est consacrĂ©e. Celle de de Cevins pose la question de la formation du clergĂ© paroissial hongrois. Autant celle des chanoines semble avoir progressĂ©, autant celle des desservants de paroisse est difficile Ă  Ă©valuer. Il faut attendre 1515 pour que la capacitĂ© d’écrire soit requise des clercs sĂ©culiers ! Et, comme l’auteur le signale honnĂȘtement, les rois angevins ne se prĂ©occupent guĂšre de la question durant leur domination. Ils sont Ă©trangers au dĂ©veloppement d’un rĂ©seau d’écoles paroissiales au XIVe siĂšcle ainsi qu’à l’épanouissement des Ă©coles cathĂ©drales dans un royaume sans universitĂ© durable le studium de PĂ©cs fondĂ© en 1367 disparaĂźt Ă  la mort du roi Louis le Grand. Les communications concernant l’aire francophone apportent des Ă©lĂ©ments intĂ©ressants en soi sur la formation des chanoines de Toul dans la Lorraine angevine du XVe siĂšcle ou sur celle des Ă©vĂȘques provençaux, manceaux et angevins, formĂ©s Ă  la gestion des diocĂšses plus qu’à la pastorale, mais rien de tout cela n’a de saveur spĂ©cialement angevine. Ces Ă©tudes mordent d’ailleurs sur la seconde partie en abordant les livres et les bibliothĂšques, et certaines dĂ©bordent les cadres fixĂ©s certes Angevin d’origine, Guillaume Fillastre n’a jamais Ă©tĂ© effectivement Ă©vĂȘque et l’essentiel de sa bibliothĂšque a Ă©tĂ© constituĂ©e durant son canonicat rĂ©mois, loin de la douceur du Val de Loire. 125La seconde partie regarde donc les livres et les bibliothĂšques de prĂ©lats ou de chapitres. On connaĂźt partiellement celles des prĂ©lats d’Italie mĂ©ridionale grĂące Ă  l’exercice par le pape du droit de dĂ©pouille qui a suscitĂ© des inventaires de biens saisis Ă  la mort des Ă©vĂȘques, en l’occurrence souvent pauvres en ouvrages dans les Ă©vĂȘchĂ©s reculĂ©s du Mezzogiorno. Ces ouvrages sont de nature essentiellement juridique, liturgique et patristique avec un certain intĂ©rĂȘt pour la mĂ©decine proximitĂ© de Salerne ?, aucun pour les humanitĂ©s. Trois bibliothĂšques archiĂ©piscopales aixoises du XIVe siĂšcle sont Ă©tudiĂ©es sans qu’y soient spĂ©cialement discernĂ©s d’incertains traits angevins. MĂȘme chose pour celle d’un Ă©vĂȘque marseillais mort en 1257 ou pour la bibliothĂšque capitulaire d’Angers inventoriĂ©e en 1472. Le travail qui porte sur les bibliothĂšques de trois grands chapitres du royaume de Hongrie VĂ©szprĂ©m, Presbourg, Zagreb note leur Ă©tanchĂ©itĂ© Ă  la thĂ©ologie systĂ©matique. Ces solides Ă©tudes ont l’avantage de donner des Ă©ditions de document. 126La derniĂšre partie regroupe des Ă©tudes de figures intellectuelles Ă©panouies ou vĂ©nĂ©rĂ©es dans l’aire angevine. Soit il s’agit de groupes frĂšres mineurs, clercs cultivĂ©s, plutĂŽt provençaux, envoyĂ©s au concile de Pise, soit de personnages comme Thomas d’Aquin ou François de Meyronnes. La culture franciscaine s’est dĂ©veloppĂ©e en Provence Ă  partir d’Hugues de Digne, joachimite orthodoxe » dont le portrait intellectuel et spirituel est retracĂ©. L’auteur de la communication insiste sur la prĂ©sence de frĂšres cordeliers Ă  la cour angevine de Provence on aurait aimĂ© un rappel de la dilection de Robert d’Anjou, Ă  Naples, pour le mĂȘme ordre et sur de grandes figures comme Pierre-Jean Olivi et saint Louis d’Anjou, Ă©duquĂ© au couvent de Brignoles, enterrĂ© avec Hugues de Digne et sa sƓur Douceline au couvent des Mineurs de Marseille. Un autre franciscain provençal cĂ©lĂšbre pour ses rĂ©flexions politiques, François de Meyronnes, est ensuite Ă©tudiĂ©. Bien en cour napolitaine et pontificale, le thĂ©ologien a reçu une formation trĂšs classique mais a dĂ©veloppĂ© des positions originales dĂ©fendues selon des procĂ©dĂ©s rhĂ©toriques particuliers. À Naples a enseignĂ© briĂšvement Thomas d’Aquin 1272-1273, membre d’un ordre dominicain auquel deux provinces angevines » ont beaucoup apportĂ© sur le plan de l’organisation des Ă©tudes, la Provence et la province romaine qui comprenait le Midi italien avant l’érection d’une province de Sicile en 1294-1295. En cette rĂ©gion se dĂ©veloppĂšrent des studia provinciaux de thĂ©ologie, intermĂ©diaires entre l’école conventuelle et le studium generale. Avant d’accĂ©der Ă  ce statut 1303, Naples abrita un studium dominicain soutenu par Charles d’Anjou et oĂč enseigna saint Thomas. Contrairement Ă  la lĂ©gende gibeline » qui veut que l’Aquinate ait Ă©tĂ© empoisonnĂ© sur ordre du roi de Sicile, le thĂ©ologien fut vĂ©nĂ©rĂ© des rois angevins et le roi-prĂ©dicateur Robert le Sage prononça mĂȘme un sermon Ă  sa gloire Ă  l’occasion de sa canonisation en 1323. Elle fut considĂ©rĂ©e comme un succĂšs remportĂ© par la royautĂ© angevine dont le couvent napolitain San Domenico devint la nĂ©cropole. Dans l’une des meilleures contributions du volume, Boyer montre trĂšs bien comment le Docteur AngĂ©lique et sa rigoureuse doctrine ont cimentĂ© le pouvoir royal prĂ©tendant s’exercer sur les bases de la sagesse et de la raison, mais que son culte, dĂ©pourvu de reliques, ne fut jamais vraiment populaire, concurrencĂ©, jusque chez le monarque, par celui de saint François. L’étude est suivie de l’édition du sermon de Federico Franconi pour la fĂȘte de Thomas d’Aquin. 127En conclusion, J. Verger admet que la problĂ©matique ecclĂ©siastico-culturelle du IVe Colloque angevin se rĂ©vĂšle inadĂ©quate. Les espaces angevins n’ont nulle homogĂ©nĂ©itĂ©. Leur parcours permet seulement de multiplier les points de vue gĂ©ographiques. Les territoires angevins constituent un excellent observatoire du clergĂ© europĂ©en dans ses pratiques communes. Le volume est un instructif panorama forcĂ©ment dĂ©pourvu d’une impossible synthĂšse et malheureusement bien pauvre en comparaisons. 128Franck COLLARD. Irmgard Fees, Ricchezza e potenza nella Venezia medioevale. La famiglia Ziani, Rome, Il Veltro, 2005, 520 p. trad. de l’allemand par Carla Vinci-Orlando, titre original, Reichtum und Macht in mittelalterlichen Venedig, die Familie Ziani, TĂŒbingen, Max Niemeyer Verlag, 1988. 129L’éditeur italien Il Veltro, qui ne craint pas de publier des traductions de qualitĂ© a constituĂ© depuis les annĂ©es 1980 une riche collection d’histoire de Venise. Cette fois, il offre aux italianisants une thĂšse magistrale publiĂ©e d’abord en Allemagne sur l’histoire de la famille Ziani, qui a traversĂ© l’histoire de Venise Ă  la façon d’un mĂ©tĂ©ore, entre 1150 et 1250, en donnant Ă  la Commune deux doges, Sebastiano et son fils Pietro. En 384 pages, Irmgard Fees commence par enquĂȘter sur les diverses composantes de la parentĂšle, puis sur leurs activitĂ©s commerciales en qualitĂ© de marchands ou d’investisseurs les rapports entre Sebastiano Ziani et Romano Mairano sont bien connus, avant de passer en revue les acquisitions fonciĂšres et immobiliĂšres Ă  Venise, dans le duchĂ© et sur la Terreferme, puis d’examiner les rapports que les membres les plus Ă©minents de la famille ont nouĂ©s avec l’Église, en particulier avec les monastĂšres bĂ©nĂ©dictins par le biais de l’avouerie, puis avec les franciscains, pour conclure sur le rĂŽle politique, social et culturel de cette famille ducale. Un appendice d’une centaine de pages passe en revue l’ensemble des sources utilisĂ©es et publie quelques documents. Ces sources vont au-delĂ  de l’extinction des mĂąles du lignage ; elles s’arrĂȘtent en rĂ©alitĂ© avec la liquidation, un siĂšcle plus tard, des biens gĂ©rĂ©s par les tutelles. ConformĂ©ment Ă  la tradition allemande, Irmgard Fees commence par inscrire son sujet dans le grand dĂ©bat historiographique qui opposa au dĂ©but du siĂšcle passĂ© Werner Sombart et Reinhard Heynen Ă  propos de la naissance du capitalisme, le premier tenant pour l’antĂ©rioritĂ© et le caractĂšre dĂ©cisif de la propriĂ©tĂ© immobiliĂšre dans l’accumulation du capital, le second voyant dans cette mĂȘme propriĂ©tĂ© un effet de l’accumulation du capital marchand converti dans l’achat de biens durables, si on peut aussi briĂšvement rĂ©sumer l’opinion de ces deux fondateurs. Heynen s’appuyait sur l’exemple du grand marchand dĂ©jĂ  citĂ©, Mairano. I. Fees, Ă©tudiant le capitaliste qui par ses investissements permit Ă  Mairano de faire d’excellentes affaires dans toute la MĂ©diterranĂ©e, confirme le bien-fondĂ© des thĂšses de Heynen et conclut p. 382 que la base dĂ©terminante de la puissance et de l’autoritĂ© au XIIIe siĂšcle Ă  Venise Ă©tait toujours encore une activitĂ© dans le commerce et les affaires ; richesse et puissance Ă©taient insĂ©parablement liĂ©es au commerce ». Prenant comme sujet d’étude deux partenaires Ă©troitement liĂ©s en affaires, comme Ziani et Mairano, y avait-il une autre conclusion possible ? Il faut remarquer que le nom mĂȘme de Ziani apparaĂźt tardivement 1079, mais en 1089 un curĂ©, appelĂ© Marcello Ziani, avait de son vivant donnĂ© Ă  l’abbĂ© de San Giorgio toutes les salines d’un fondamento de Murano, dont les propriĂ©taires, de la famille Lupanico authentique vieille famille, rappelaient au donataire qu’il ne faudrait pas oublier de leur verser le cens annuel sur la rĂ©colte et le quint en cas de vente du bien, ce que le tenancier livellaire n’avait pu cĂ©der. De toute façon, I. Fees passe scrupuleusement en revue tous les biens fonciers, aprĂšs avoir abordĂ© les investissements commerciaux, mais, en marge de ce modĂšle d’érudition, elle pose l’hypothĂšse a priori que le premier investissement de Sebastiano Ziani, soit 1 000 hyperpĂšres, prĂȘtĂ©s en 1146, Ă©tant donnĂ© son exceptionnelle importance, ne pouvait provenir que de gains commerciaux antĂ©rieurs sur lesquels la documentation est muette, car rentes fonciĂšres et loyers ne procuraient, Ă©crit-elle, que de modestes avantages. S’il est vrai qu’ensuite on voit les Ziani acheter massivement ou piĂšce Ă  piĂšce des biens immeubles, on doit quand mĂȘme se demander si le choix d’une autre famille, plus antique, aux biens mieux Ă©tablis –, et je pense ici aux Gradenigo, par exemple –, n’aurait pas confirmĂ© avec Ă©clat le bien-fondĂ© des thĂšses de Sombart. Il est vrai que cette famille, plus durable, n’a pas disposĂ© d’hommes aussi flamboyants que le chevalier Marco, brillant vainqueur de tournoi en place Saint Marc. 130Jean-Claude HOCQUET. Paola Lanaro ed., At the Centre of the Old World. Trade and Manufacturing in Venice and the Venetian Mainland, 1400-1800, Toronto, Centre for Reformation and Renaissance Studies Essays and Studies », 9, 2006, 412 p. cartes, illustrations, glossaire et index. 131Autrefois, quand l’économie vĂ©nitienne se confondait avec le commerce maritime et, au premier chef, avec les voyages des galĂ©es, la seule industrie florissante Ă©tait la construction navale dans le vaste chantier d’État de l’Arsenal, plus grande entreprise europĂ©enne ; il avait alors suffi Ă  quelques hardis navigateurs de crĂ©er une nouvelle route des Ă©pices pour entraĂźner l’irrĂ©mĂ©diable dĂ©cadence. Commença alors une vĂ©ritable course au dĂ©clin parmi les historiens, certains n’hĂ©sitant pas Ă  en voir les signes avant-coureurs dĂšs la seconde moitiĂ© du XVe siĂšcle, quand le patriciat marchand, soucieux de diversifier ses investissements, se serait tournĂ© vers l’achat et la mise en valeur de propriĂ©tĂ©s sur la Terreferme. Braudel ayant rĂ©habilitĂ© le XVIe siĂšcle, il avait Ă©tĂ© entendu que la crise ne s’abattait sur Venise, sur l’Italie et sur l’ensemble mĂ©diterranĂ©en que vers les annĂ©es 1620-1630. Il est vrai que l’historiographie vĂ©nitienne se prĂȘtait Ă  cette lecture dans la mesure oĂč la plus ancienne statistique aurait remontĂ© au discours-testament prĂȘtĂ© au doge Mocenigo qui, dans un Ă©clair de luciditĂ©, aurait mis en garde contre la politique de conquĂȘtes en Lombardie de son successeur non encore dĂ©signĂ©. On n’en a pas fini avec ce discours qui demeure la rĂ©fĂ©rence Ă  laquelle confronter le devenir Ă©conomique de la citĂ© ; j’avais pourtant exprimĂ© des soupçons dĂšs 1975 Voiliers et commerce en MĂ©diterranĂ©e, p. 536, n. 42, avant qu’Alan Stahl ne publiĂąt en 1995 un article dĂ©finitif The deathbed oration of Doge Mocenigo », qui dĂ©montait le mĂ©canisme de fabrication du document. Une seconde difficultĂ© venait obscurcir la situation dans l’État vĂ©nitien, on Ă©tudiait presque exclusivement la capitale bien servie par ses incomparables archives, on se contentait aussi de dĂ©pouiller les seules archives politico-administratives, les registres des conseils, en particulier le SĂ©nat et, avec Reinhold Mueller, les Procurateurs de S. Marco. Ces temps sont rĂ©volus et Paola Lanaro a rĂ©uni une Ă©quipe d’historiens, souvent Ă©lĂšves de Mueller, pour nous livrer une rĂ©interprĂ©tation de l’histoire Ă©conomique de Venise. À l’issue de la lecture, on ne se pose plus la question de savoir si Venise a connu une rĂ©volution industrielle ni si celle-ci a Ă©tĂ© brutalement stoppĂ©e par quelque catastrophe dĂ©mographique ou par les concurrences Ă©trangĂšres, non plus portugaise, mais anglo-hollandaise, et par une persistante hostilitĂ© ottomane. La rĂ©ponse est venue Ă  la fois d’une ouverture aux archives des villes de la Terreferme et d’un renouvellement des sources consultĂ©es, notamment les inĂ©puisables archives notariales, et d’un questionnement inspirĂ© du concept wallersteinien de world-economy qui dĂ©bouche ici sur la construction d’une Ă©conomie rĂ©gionale Ă  laquelle ont participĂ© les diffĂ©rentes villes de l’État, et pas seulement la capitale, tout un rĂ©seau de foires, de routes, de canaux, qui a mobilisĂ© les ressources anciennes l’élevage transhumant du mouton, les mines et nouvelles l’énergie hydraulique de la zone des collines, l’élevage du ver Ă  soie, un essor auquel ont contribuĂ© les nobles vĂ©nitiens, dont la figure la plus emblĂ©matique reste celle de NicolĂČ Tron qui, vers 1718, fonda la lainiĂšre lanificio de Schio laquelle, en 1732, employait 600 ouvriers, puis celle de Follina, oĂč il produisait, aidĂ© de techniciens Ă©trangers, des draps bon marchĂ© pour l’exportation. Insister sur ces nouvelles implantations proches de Vicence nuance le jugement nĂ© de la consultation de la courbe calamiteuse sur les mouvements longs de l’industrie lainiĂšre Ă  Venise aux XVIe et XVIIe siĂšcles. Depuis, plusieurs auteurs MolĂ  s’étaient penchĂ©s sur une industrie nouvelle qui avait pris brillamment le relais la soierie. 132Le livre examine l’histoire industrielle et commerciale de la RĂ©publique de Venise entre le dĂ©but du XVe siĂšcle et la fin du XVIIIe, en commençant par Venise elle-mĂȘme, d’abord les draps de laine Andrea Mozzato, les tissus de soie Marcello della Valentina et l’industrie du verre Francesca Trivellato, Walter Panciera traçant une conjoncture prĂ©cise de chacun des secteurs industriels de la ville, y compris de l’industrie chimique et pharmaceutique et de l’imprimerie, et dĂ©gageant le rĂŽle des forces productives, Ă  l’intĂ©rieur des corporations ou Ă  l’extĂ©rieur, ainsi de l’emploi du travail fĂ©minin. La seconde partie traite de l’État, du Veneto et de la Lombardie vĂ©nitienne autour de Brescia et de Bergame. Cette derniĂšre ville constitue Ă  bien des Ă©gards la dĂ©couverte du livre, tant sont grand son dynamisme, variĂ©es ses activitĂ©s, experte sa main-d’Ɠuvre, renommĂ©e sa foire. Les A. examinent Ă  la fois, en divers secteurs gĂ©ographiques, l’industrie urbaine et la proto-industrie du monde rural oĂč se dĂ©veloppe le Verlagssystem Edoardo Demo traite de la laine et de la soie ; Belfanti, d’une industrie nouvelle, la bonneterie ; Favero, de la nouvelle cĂ©ramique autour de Bassano ; Luca Mocarelli, de l’activitĂ© manufacturiĂšre en Lombardie ; tandis que Vianello revient en VĂ©nĂ©tie pour Ă©tudier la diffusion de la manufacture rurale produisant pour les marchĂ©s locaux. Dans chacune des contributions, on voit Venise fonctionner comme centre de rayonnement de connaissances techniques et foyer d’appel de techniciens spĂ©cialisĂ©s porteurs d’innovations. Pour relancer l’industrie lainiĂšre, elle a accueilli des techniciens Ă©trangers qui apportĂšrent des procĂ©dĂ©s nouveaux de filature, de travail des cardĂ©s, de teinture mixte de la laine. De nouveaux types de tissu, d’abord créés Ă  Venise, gagnaient ensuite Vicence et TrĂ©vise. Et le port, les activitĂ©s portuaires, loin d’ĂȘtre nĂ©gligĂ©s, profitaient au contraire de l’expansion des activitĂ©s industrielles pour importer les matiĂšres premiĂšres les plus variĂ©es, la laine et le coton ou le lin, l’huile, le sucre, la cire pour l’éclairage, les teintures, et exporter les produits fabriquĂ©s. Jamais le port n’avait connu par le passĂ© une telle activitĂ© Ă  laquelle contribuait encore le pavillon de S. Marco encouragĂ© par une habile politique de protection et de subvention conciliant intĂ©rĂȘts privĂ©s et dĂ©fense du bien public. Bien entendu, pour protĂ©ger un environnement urbain fragile, Venise avait tendance Ă  Ă©carter les activitĂ©s polluantes, tandis que, pour utiliser au mieux une main-d’Ɠuvre experte et bien formĂ©e, elle se tournait de plus en plus vers l’industrie du luxe et les industries Ă  forte valeur ajoutĂ©e, la soierie, l’imprimerie qui s’appuyait, dans la ville, sur un maillage serrĂ© de librairies, la verrerie, la porcelaine. Commence aussi Ă  se dĂ©velopper une industrie nouvelle, le tourisme, qui crĂ©ait de nombreux emplois dans un secteur nouveau, le tertiaire. Il reste que l’on peut reprendre l’heureuse formule d’Andrea Mozzato qui voit le noble vĂ©nitien du Quattrocento S’il n’est pas employĂ© Ă  temps plein dans l’appareil d’État, ĂȘtre actif, d’abord dans le commerce, ensuite dans la propriĂ©tĂ© fonciĂšre, enfin dans l’industrie textile. » La formule peut s’appliquer au XVIIIe siĂšcle, si on l’inverse, car le commerce n’est plus l’élĂ©ment moteur ; il a cĂ©dĂ© la place, mĂȘme si les opĂ©rateurs Ă©conomiques continuaient de privilĂ©gier les productions, pour lesquelles ils savaient disposer de marchĂ©s, et d’adapter leurs produits aux goĂ»ts des clientĂšles, Ă  leur pouvoir d’achat, Ă  leur Ă©loignement. Sachons grĂ© Ă  Paola Lanaro d’avoir rĂ©uni autour de son projet tant de brillants talents, jeunes ou dĂ©jĂ  confirmĂ©s, mais dont les travaux n’avaient pas eu le retentissement mĂ©ritĂ©, notamment en France. L’historiographie vĂ©nitienne se porte bien est-ce la traduction anglaise qui commet une bĂ©vue en substituant bales Ă  cloths, ce qui a pour effet de multiplier par sept la production drapiĂšre de la fin du XVe siĂšcle ? Une balle de draps contenait en effet 7 pannilana de premiĂšre qualitĂ©, avait pourtant averti Mozzato [p. 83, n. 49]. Disons pour terminer un mot du titre, bien explicitĂ© dans la lumineuse introduction du volume, relayĂ©e par la conclusion de M. Aymard l’ancienne ville clĂ© du capitalisme marchand mĂ©diĂ©val se serait trouvĂ©e devancĂ©e par l’économie marchande-financiĂšre du Nord qui aurait Ă©tabli une nouvelle division internationale du travail relĂ©guant la MĂ©diterranĂ©e Ă  la pĂ©riphĂ©rie, mais Venise, aidĂ©e par les savoir-faire et les capitaux accumulĂ©s au temps de la splendeur, aurait rapidement rĂ©agi avec succĂšs en explorant de nouvelles voies Ă©conomiques qui la maintinrent au centre de l’ancien monde. 133Jean-Claude HOCQUET. Eric R. Dursteler, Venetians in Constantinople. Nation, Identity, and Coexistence in the Early Modern Mediterranean, Baltimore, The Johns Hopkins University Press The Johns Hopkins University Studies in Historical and Political Science », 124th series, no 2, 2006, 289 p. 134Dursteler s’est fait connaĂźtre depuis 1998 par des articles sur les relations commerciales, diplomatiques et culturelles nouĂ©es par les VĂ©nitiens avec l’Empire ottoman et sa capitale aux XVIe et XVIIe siĂšcles. Le contenu de ces travaux est Ă©parpillĂ© et Ă©largi dans le prĂ©sent livre qu’il a Ă©crit en compagnie d’un guide, le jeune Pietro della Valle, qui, en 1614 Ă  la suite d’une aventure galante, avait fui la ville et s’était embarquĂ© sur un galion pour accomplir un voyage de onze annĂ©es en Orient, vrai pĂšlerinage de curiositĂ© » Ă  la rencontre de cultures autres. La premiĂšre Ă©tape le conduisit en deux mois Ă  Galata. Sur ses carnets, il a dĂ©crit ses compagnons de voyage hommes et femmes, soldats, marins, marchands et passagers Il y avait, Ă©crivait-il, des catholiques, des chrĂ©tiens, des hĂ©rĂ©tiques de diverses sectes, des Grecs, des ArmĂ©niens, des Turcs, des Persans, des Juifs, des Italiens de plusieurs citĂ©s, des Français, des Espagnols, des Portugais, des Anglais, des Allemands, des Flamands – en somme, des gens de toutes les religions et les nations du monde. » Cette taxinomie selon la religion et la nation est le point de dĂ©part d’une rĂ©flexion sur le pluralisme culturel de la MĂ©diterranĂ©e, Venise Ă©tant choisie comme laboratoire d’analyse grĂące Ă  sa richesse archivistique, Ă  sa tradition historiographique, aux relations durables nouĂ©es avec l’Empire ottoman, Ă  son caractĂšre pluriethnique et multiculturel au centre, dans la ville elle-mĂȘme, et par sa pĂ©riphĂ©rie, son empire maritime perçu comme frontiĂšre de l’Europe et milieu culturel oĂč confluaient toutes sortes d’hommes porteurs des diverses cultures mĂ©diterranĂ©ennes. Venise a encore un autre mĂ©rite relevĂ© par le perspicace Guicciardini un demi-siĂšcle aprĂšs la conquĂȘte de Constantinople et aprĂšs deux guerres dĂ©sastreuses, elle a appris qu’il valait mieux utiliser l’art de la dĂ©fense qu’engager la bataille avec l’ennemi » p. 5, oĂč la dĂ©fense prĂ©pare non Ă  la guerre mais Ă  une paix durable. Dursteler va donc Ă©tudier la longue coexistence de quatre-vingts ans entre les deux États, qui succĂ©da Ă  quelques brefs conflits aprĂšs 1500, et se termina dans la guerre de Candie 1645-1669 pour insister sur l’attitude de relative tolĂ©rance des Ottomans Ă  l’égard des minoritĂ©s Ă  l’époque moderne, loin des clichĂ©s du conflit des civilisations », proche d’un nouveau modĂšle qui envisage la MĂ©diterranĂ©e comme participant d’une civilisation islamo-chrĂ©tienne ». Au cƓur de la problĂ©matique il y a la question de l’identitĂ©. 135Della Valle y rĂ©pondait d’abord par la religion, Ă©lĂ©ment premier d’appartenance Ă  un groupe au dĂ©but de l’époque moderne. À la diffĂ©rence de Dursteler, je pense que della Valle inclut dans ce classement par la religion les Grecs orthodoxes, les ArmĂ©niens et les Juifs, les Turcs sunnites et les Persans chiites, mĂȘme si Turc » servait alors, pour les EuropĂ©ens, Ă  dĂ©signer tous les musulmans. Les autres, les non-chrĂ©tiens, sont donc caractĂ©risĂ©s par leur religion, et les chrĂ©tiens d’Europe par leur langue, leur culture, leur identitĂ© nationale, encore que le concept de nation fasse l’objet d’un minutieux examen critique, les chrĂ©tiens Ă©tant de leur cĂŽtĂ© qualifiĂ©s d’ infidĂšles » par les musulmans, sans plus de nuance. En fait, Ă©crit Dursteler, les frontiĂšres de la foi religieuse Ă©taient poreuses », et le sĂ©nat vĂ©nitien pouvait proclamer fiĂšrement, aprĂšs LĂ©pante Prima semo veneziani, poi cristiani, ce qui n’a pas besoin de traduction et confirme la soif d’indĂ©pendance politique contre le dĂ©sir de croisade manifestĂ© par la papautĂ© et l’Espagne. Bien des paysans des Balkans pensaient, comme Luther, que le turban turc est prĂ©fĂ©rable Ă  la tiare pontificale ». La sociĂ©tĂ© ottomane Ă©tait ouverte aux chrĂ©tiens et aux juifs ; le pouvoir ottoman, loin de viser Ă  la domination du monde et Ă  la destruction de la chrĂ©tientĂ©, dirigeait ses armes contre d’autres pouvoirs musulmans, SĂ©fĂ©vides d’Iran, MamlĂ»ks en Égypte et Syrie, ou encore au Maghreb. 136Dursteler cite le cas des Grecs du stato da mar qui se rendaient Ă  Constantinople pour leurs affaires, s’y mariaient, s’y Ă©tablissaient, impossibles Ă  distinguer de leurs coreligionnaires sujets du sultan, sinon qu’ils se faisaient enregistrer comme sujets vĂ©nitiens auprĂšs du baile pour n’avoir pas Ă  payer les impĂŽts des Ottomans. Ils jouaient alternativement des deux systĂšmes, au mieux de leurs intĂ©rĂȘts, comme les Juifs qui montraient en toutes circonstances un grand souci d’adaptabilitĂ©. L’État vĂ©nitien polyglotte et polyethnique » s’étendait de Bergame Ă  Candie et englobait des groupes antagonistes, sans cohĂ©rence religieuse, linguistique ni culturelle. C’était un tout hĂ©tĂ©rogĂšne de territoires distincts rassemblĂ©s sous l’autoritĂ© d’institutions vĂ©nitiennes. Mais qu’est-ce qu’un VĂ©nitien ?, demande Dursteler la lĂ©gislation reconnaissait cette qualitĂ© Ă  une infime minoritĂ©, les nobles de Venise et un groupe Ă©troit de citoyens nĂ©s dans la ville. Tous les autres, y compris ceux qui habitaient Venise, Ă©taient des sujets. On connaĂźt le rĂ©sultat aussi bien les nobles des citĂ©s sujettes de VĂ©nĂ©tie que les notables des Ăźles grecques considĂ©raient les VĂ©nitiens comme une force d’occupation et appelaient de leurs vƓux l’envahisseur qui les dĂ©livrerait de leur oppression. 137Marranes et renĂ©gats illustrent aussi ce caractĂšre fluide de l’identitĂ© nationale, car il s’agissait de groupes compacts qui adaptaient leur identitĂ© Ă  leur intĂ©rĂȘt. Mais on trouve la mĂȘme versatilitĂ© dans ce qui formait l’essence mĂȘme de la sociĂ©tĂ© vĂ©nitienne, son milieu marchand. En principe, la lĂ©gislation rĂ©servait l’exercice de la marchandise sous pavillon vĂ©nitien aux seuls nobles et citoyens. Or beaucoup de non-VĂ©nitiens, sujets et mĂȘme Ă©trangers fuyant les troubles religieux de leur pays, ou sujets ottomans, exerçaient le commerce illĂ©galement, aprĂšs quoi les autoritĂ©s, au lieu de les sanctionner, leur accordaient la citoyennetĂ© pour services rendus dans le commerce du Levant. 138Dursteler examine comment VĂ©nitiens et Ottomans ont vĂ©cu cĂŽte Ă  cĂŽte et les voies par lesquelles des peuples de diverses origines culturelles, religieuses et linguistiques ou sociales, ont agi et coexistĂ© localement, en particulier dans la communautĂ© vĂ©nitienne de Constantinople installĂ©e depuis la conquĂȘte Ă  Galata qui n’était pas le ghetto pour chrĂ©tiens complaisamment dĂ©crit par les voyageurs, puisque de nombreux Turcs y vivaient et travaillaient. À l’issue de son enquĂȘte il pense avoir dĂ©montrĂ© que les sociĂ©tĂ©s prĂ©-modernes » n’étaient ni caractĂ©risĂ©es par des modĂšles rigides, intangibles d’association et d’identitĂ©, ni isolĂ©s Ă  l’abri de barriĂšres Ă©tanches. L’étude de la structure et des institutions de la nation vĂ©nitienne dans la capitale de l’empire, des marchands comme du monde non officiel des bandits, des esclaves, des Grecs, le persuade d’abandonner l’image traditionnelle de l’identitĂ© au profit d’un processus fluide de dĂ©finition et de redĂ©finition, puis de privilĂ©gier la coexistence entre musulmans et chrĂ©tiens sur la frontiĂšre de la MĂ©diterranĂ©e, loin du modĂšle binaire du choc des cultures ». 139Certaines donnĂ©es mĂ©ritent qu’on y insiste. En 1588, le sĂ©nat vĂ©nitien estimait Ă  2 500 le nombre de VĂ©nitiens captifs et rĂ©duits en esclavage dans l’ensemble du monde mĂ©diterranĂ©en, mais les traitĂ©s signĂ©s par Venise avec le sultan obligeaient les Ottomans Ă  libĂ©rer ces esclaves et Ă  les remettre au baile qui les rapatriait. L’historien n’est pas dupe du respect de cette clause humanitaire ni des Ă©chappatoires trouvĂ©es par les maĂźtres qui cachaient leurs esclaves dans la clandestinitĂ©. En 1567, le nonce Ă  Venise, frappĂ© par la multitude de Turcs » Ă©tablis dans la ville, y voyait un terrain fertile pour les missionnaires jĂ©suites, tandis qu’à Galata, lieu de perdition cĂ©lĂšbre pour ses tavernes, de nombreux Turcs assistaient en spectateurs aux offices des grandes fĂȘtes chrĂ©tiennes dans l’église Saint-François. En 1570, Ă  la veille de la guerre de la Sainte-Ligue, on arrĂȘta Ă  Venise les marchands ottomans 65 musulmans et 97 juifs. En 1594, le baile Matteo Zane informait que le commerce des Ottomans avec Venise atteignait 400 000 ducats par an. Parmi les courtiers sensali qui nĂ©gociaient les transactions entre VĂ©nitiens et Ă©trangers dans la ville, 20 connaissaient le turc et 4 le slavon ; en 1621, Ă  l’ouverture du fondaco dei turchi sur le grand Canal, leur nombre Ă©tait montĂ© Ă  33. Venise ne pouvait se passer du commerce turc. À Constantinople, patriciens, marchands et citoyens vĂ©nitiens rencontraient les Ottomans lors des fĂȘtes, Ă  la chasse, dans les salons, au sĂ©rail, tandis que les popolani commoners travaillaient sur les mĂȘmes chantiers et Dursteler exhume une liste 1596 de 46 charpentiers occupĂ©s Ă  rĂ©parer un vaisseau vĂ©nitien, parmi lesquels figuraient slaves, GĂ©nois, gens de Messine et de Naples, Français, Romains, Grecs, Allemands et Corses. 140On est loin des vues d’un historien qui continue de faire autoritĂ©, Wilhelm Heyd, pour qui les Turcs n’ont aucun goĂ»t pour le commerce ... seulement une insatiable passion de conquĂȘtes » citĂ© p. 159. Dursteler a fait entendre un autre message si nous percevons le monde mĂ©diterranĂ©en comme fait d’identitĂ©s composites, assemblĂ©es de multiples couches, mallĂ©ables et se construisant selon un processus dynamique de nĂ©gociation plutĂŽt que comme un objet statique obĂ©issant Ă  des divisions binaires Est/Ouest, islam/chrĂ©tientĂ© qui conduisent au conflit de civilisations, alors les Ă©vidences frappantes de paix et de coexistence entre peuples de diverses religions et cultures peuvent ĂȘtre plus facilement saisies et offrir peut-ĂȘtre quelque espoir Ă  notre Ă©poque troublĂ©e p. 185. C’est lĂ  le message des dĂ©mocrates amĂ©ricains, et si je n’ai pas mis les guillemets Ă  la citation, c’est par un ultime scrupule de traducteur. 141Jean-Claude HOCQUET. Claire Dolan dir., Entre justice et justiciables les auxiliaires de la justice du Moyen Âge au XXe siĂšcle, QuĂ©bec, Presses de l’UniversitĂ© Laval, coll. Inter-Cultures », 2005, 828 p. 142L’histoire de la justice est devenue aujourd’hui l’un des domaines les plus actifs de la recherche historique. En tĂ©moignent notamment les colloques de plus en plus frĂ©quents qui, rassemblant de nombreux participants, parmi lesquels, Ă  cĂŽtĂ© des pionniers, un nombre important de jeunes chercheurs, abordent des thĂšmes novateurs dans une perspective gĂ©nĂ©ralement diachronique, du Moyen Âge au XXe siĂšcle. Le prĂ©sent ouvrage en constitue un bon exemple consacrĂ© Ă  ces oubliĂ©s, pour les uns presque complĂštement par exemple, les huissiers, pour certains seulement partiellement par exemple, la police et les avocats, de l’historiographie que sont les auxiliaires de justice, il rend compte d’un colloque qui a rĂ©uni Ă  l’UniversitĂ© Laval Ă  QuĂ©bec en septembre 2004 plus d’une cinquantaine de participants, dont 46 communications sont ici publiĂ©es, prĂ©cĂ©dĂ©es d’une prĂ©sentation dĂ©taillĂ©e de la maĂźtresse d’Ɠuvre, Claire Dolan. 143L’expression commode d’ auxiliaires de justice » rend mal compte d’une diversitĂ© foisonnante. Ils sont dĂ©finis ici d’une maniĂšre nĂ©gative l’auxiliaire, qui participe Ă©videmment d’une maniĂšre ou d’une autre au fonctionnement de la justice, ne doit pas avoir pour fonction de juger. Le classement retenu, Ă©tabli sur des bases empiriques, semble pertinent, avec deux grandes catĂ©gories, chacune subdivisĂ©e en plusieurs rubriques. La premiĂšre catĂ©gorie concerne les auxiliaires de justice par fonction », avec d’une part les exĂ©cutants et la main forte » les sergents, les commissaires et la police, les gardes forestiers et les huissiers, les bourreaux, d’autre part ceux qui parlent et Ă©crivent pour les justiciables les avocats, les procureurs, les greffiers et les notaires. La seconde catĂ©gorie concerne les autres auxiliaires de justice, ceux qui ne le sont pas par fonction, mais qui le deviennent ponctuellement du fait des circonstances le titre de cette partie ne me semble pas trĂšs explicite auxiliaires de la justice ou auxiliaires de justice ? » il s’agit d’abord du clergĂ© dans le cadre des monitoires, puis des auxiliaires au service de la concorde » les bailes des seigneurs, les arbitres, les consistoires rĂ©formĂ©s, les supplĂ©ants de paix, qui agissent tous dans un cadre officiel, donc qu’il ne faut pas inclure dans l’infrajustice, enfin des experts sages-femmes, chirurgiens, mĂ©decins, psychiatres, ingĂ©nieurs, etc.. Seul petite critique, on peut se demander si les notaires n’auraient pas dĂ» figurer dans la seconde catĂ©gorie plutĂŽt que dans la premiĂšre, puisque dans la plupart des cas ils ne jouent un rĂŽle d’auxiliaire de la justice que ponctuellement. 144Si le champ chronologique retenu va du Moyen Âge au XXe siĂšcle, et mĂȘme au XXIe siĂšcle dans une communication, il est abordĂ© inĂ©galement. La pĂ©riode moderne domine largement avec 27 communications ; et comme les 5 communications concernant l’époque mĂ©diĂ©vale ne traitent que de la fin de celle-ci et la plupart des 12 concernant l’époque contemporaine du XIXe siĂšcle, on peut estimer que le titre de l’ouvrage est un peu trop englobant. Quant Ă  la perspective spatiale, elle accorde de loin la plus belle part Ă  la France avec 33 communications, mais des exemples canadiens six communications, anglais 2, brabançons et genevois 2 chacun, et mĂȘme valaque une communication, permettent d’introduire quelques Ă©lĂ©ments de comparaison, notamment quant aux sens diffĂ©rents des mĂȘmes mots dans ces divers espaces l’avocat canadien, par exemple, correspond Ă  la fois Ă  l’avocat et au procureur français. 145Cet ouvrage montre bien la diversitĂ© des raisons d’ĂȘtre et des façons d’agir des auxiliaires de justice en fonction des Ă©poques et des rĂ©gimes – ou, plus prĂ©cisĂ©ment, des systĂšmes judiciaires. Cette diversitĂ© est particuliĂšrement nette dans le domaine pĂ©nal entre le systĂšme inquisitoire Ă  la française et le systĂšme accusatoire Ă  l’anglo-saxonne mĂȘme si ce dernier garde en France une place malgrĂ© tout primordiale pendant toute la pĂ©riode moderne ; en outre, selon qu’on s’approche ou qu’on s’éloigne du pĂ©nal, les mĂȘmes auxiliaires de justice prennent des visages diffĂ©rents et multiples. Dans ces perspectives, l’adaptabilitĂ© des institutions judiciaires et de ses auxiliaires apparaĂźt comme une donnĂ©e constante et essentielle c’est dans les pĂ©riodes de changement qu’on s’en aperçoit le mieux. 146Quant aux apports ponctuels du livre, ils sont multiples et ne sauraient ĂȘtre Ă©numĂ©rĂ©s ici de maniĂšre exhaustive. D’ailleurs la prĂ©sentation gĂ©nĂ©rale de Claire Dolan les expose trĂšs bien et permet au lecteur de se retrouver facilement, en fonction de ses propres centres d’intĂ©rĂȘt, dans ce trĂšs gros ouvrage. 147Les points faibles de l’ouvrage me semblent ĂȘtre de trois ordres. Le premier rĂ©side dans l’inĂ©galitĂ© du traitement accordĂ© Ă  chaque sous-catĂ©gorie d’auxiliaires de justice, les uns bĂ©nĂ©ficiant de plusieurs communications les avocats, les experts, etc., les autres d’une seule les bourreaux, le clergĂ©, etc., de sorte qu’on retire de la lecture le sentiment d’un domaine trĂšs inĂ©galement explorĂ©. Cette impression est accentuĂ©e par les dĂ©sĂ©quilibres chronologiques et gĂ©ographiques soulignĂ©s plus haut. Mais comment faire autrement sur un aussi vaste sujet et dans le cadre des actes d’un colloque, dont l’économie d’ensemble Ă©chappe forcĂ©ment pour une bonne part Ă  ses concepteurs ? Ma seconde interrogation porte sur la justification mĂȘme du sujet de l’ouvrage. Certes, on ne peut que se rĂ©jouir de l’accent mis sur les auxiliaires de justice en gĂ©nĂ©ral, mais on peut se demander Ă  juste titre si le concept possĂšde une cohĂ©rence suffisante pour justifier un traitement spĂ©cifique. Car, en l’absence des juges, la justice qui apparaĂźt ici semble quelque peu tronquĂ©e, comme amputĂ©e. En d’autres termes, si l’histoire de la justice ne peut pas se limiter Ă  la seule action des juges, elle ne peut pas non plus ĂȘtre faite Ă  partir de l’observation des seuls auxiliaires. Bref, une histoire Ă©quilibrĂ©e et cohĂ©rente suppose la prise en compte simultanĂ©e de tous les acteurs de la vie judiciaire les juges, les auxiliaires de justice et, Ă©videmment les justiciables. Enfin, troisiĂšme critique, il me semble que les auxiliaires sont ici prĂ©sentĂ©s, d’une communication Ă  l’autre, sous des angles d’approche parfois trop diffĂ©rents les uns des autres, certains les plus nombreux l’étant sous celui de leur action dans le cours de la justice, mais d’autres dans une perspective surtout sociale, Ă©conomique et culturelle, qui tient peu ou pas du tout compte de leur rĂŽle spĂ©cifiquement judiciaire ; on pourrait considĂ©rer que cette diversitĂ© constitue une richesse, mais j’ai plutĂŽt tendance Ă  croire qu’elle affaiblit la cohĂ©rence de l’ouvrage. 148MalgrĂ© ces quelques petites faiblesses, sans doute inĂ©vitables dans une entreprise d’une telle ampleur et d’une pareille ambition, et qui ne sont en rĂ©alitĂ© que la consĂ©quence du foisonnement et de la richesse des communications, ce livre apporte une multitude d’informations et ouvre des pistes qu’il faudra prolonger et Ă©largir dans l’avenir. Il contribue Ă  combler une lacune historiographique et surtout il peut ĂȘtre considĂ©rĂ© comme un ouvrage fondateur, base de dĂ©part pour de fĂ©condes recherches. Il devrait rendre de grands services aux historiens non seulement de la justice, mais aussi plus largement de la sociĂ©tĂ©, et contribuer Ă  impulser les travaux futurs. Comme l’écrit Claire Dolan Ă  la fin de sa prĂ©sentation S’il est quelque chose qu’on peut tirer de cet ouvrage, c’est bien que la justice, pour les historiens comme pour les justiciables, a dĂ©sormais un visage. » 149BenoĂźt GARNOT. Jean-François Chauvard, La circulation des biens Ă  Venise. StratĂ©gies patrimoniales et marchĂ© immobilier 1600-1750, Rome, École française de Rome BibliothĂšque des Écoles françaises d’AthĂšnes et de Rome », 323, 2005, 629 p.. 150Cette thĂšse, appuyĂ©e sur un dĂ©pouillement considĂ©rable d’archives vĂ©nitiennes, s’intĂ©resse autant Ă  un objet le marchĂ© immobilier qu’à son inexistence, puisque l’essentiel des mutations immobiliĂšres intervient dans un cadre successoral le paradoxe, assumĂ© par l’auteur, le conduit Ă  multiplier les prĂ©cautions mĂ©thodologiques louables, bien que cette tension puisse parfois fragiliser le raisonnement. Chauvard a construit l’essentiel de son analyse sur une source fiscale manifestement trĂšs riche, celle des Dieci Savi alle decime in Rialto, magistrature chargĂ©e d’établir le montant d’un impĂŽt annuel une dĂ©cime sur les rentes immobiliĂšres et fonciĂšres outre de rares recensements 1661, 1711 et 1740 dans le cadre de cette Ă©tude, ce collĂšge de magistrats enregistre tous les changements de propriĂ©tĂ©, renvoyant de plus Ă  l’acte juridique qui validait la mutation. Face Ă  l’énormitĂ© du fonds, l’auteur a fait le choix de centrer une partie de son Ă©tude sur un des sestiers de Venise celui de San Polo et de repĂ©rer l’évolution du groupe de propriĂ©taires initial lors du recensement de 1661, sans pour autant passer sous silence le reste de la citĂ© vĂ©nitienne. 151Une telle recherche, ambitieuse mĂ©thodologiquement, par le croisement d’approches sĂ©rielle et micro-historienne comme l’attestent les graphiques, les annexes nombreuses, la cartographie locale, qui retracent tant des Ă©volutions quantitatives d’ensemble que des Ă©volutions aussi fines qu’individuelles, dans un donnĂ© le bĂąti globalement stable au XVIIe siĂšcle, possĂšde parfois les limites de ses ambitions. Le choix de la paroisse de San Polo pose par exemple le problĂšme, trĂšs classique face Ă  une analyse spatiale Ă©troite, de sa reprĂ©sentativitĂ©. Dans cette paroisse, le nombre de propriĂ©taires est globalement stable au XVIIe siĂšcle, lĂ  oĂč D. Beltrami Storia della popolazione di Venezia, dalla fine del secolo XVI alla caduta della Repubblica, 1954 estimait que le nombre de propriĂ©taires doublait approximativement Ă  Venise dans le mĂȘme laps de temps ; de mĂȘme, dans cette paroisse, la propriĂ©tĂ© patricienne est Ă©crasante le patriciat perçoit environ 80 % de la rente fonciĂšre, quand il en perçoit la moitiĂ© pour l’ensemble de la citĂ©. Il s’agit donc ici d’un Ă©chantillon vĂ©nitien trĂšs particulier, et cette originalitĂ© de la paroisse Ă©tudiĂ©e a pu peser sur cette impression trĂšs fixiste d’un marchĂ© immobilier dominĂ© par la douloureuse nĂ©cessitĂ© de vendre. De mĂȘme, et c’est lĂ  le silence des sources qu’il faut incriminer, la sous-location, phĂ©nomĂšne massif le quart des revenus fonciers environ autant qu’invisible, et son impossible prise en compte peuvent peser sur la classification des revenus fonciers et de leur Ă©volution. Plus gĂ©nĂ©ralement, l’étroitesse du marchĂ© foncier tend parfois Ă  fragiliser les analyses ; par exemple, la construction d’une typologie Ă  nombreuses entrĂ©es, pour une cohorte de 57 personnes chap. VII, apparaĂźt artificielle. 152MalgrĂ© ces quelques rĂ©serves de mĂ©thode, liĂ©es pour l’essentiel Ă  l’étude d’un marchĂ© si discret qu’il en devient parfois introuvable, l’ouvrage a l’audace de proposer conjointement une analyse quantitative, sĂ©rielle, et une perspective proche de la micro-histoire, marquĂ©e notamment par l’importance des rĂ©seaux sociaux et l’impact de la dimension culturelle du foncier. La dĂ©marche d’histoire socio-Ă©conomique est d’autant plus intĂ©ressante qu’elle se fonde d’abord, dans l’étude des comportements patrimoniaux, sur la maison plus que sur les acteurs c’est le bĂąti, dans une perspective non pas d’économie de la construction puisqu’il est globalement stable au XVIIe siĂšcle mais de changement de mains, qui joue le rĂŽle de fil conducteur de la dĂ©marche, permettant ainsi Ă  l’auteur d’échapper Ă  une lecture trop impressionniste » du jeu de l’échange. 153Le marchĂ© de la pierre apparaĂźt marquĂ© par un acteur aussi discret qu’efficace, l’État, qui brouille la lisibilitĂ© d’un systĂšme d’échanges. Certes, le contrĂŽle public sur les ventes tend Ă  dĂ©cliner ; certes, les acteurs peuvent tenter de jouer avec des dispositions rĂ©glementaires largement hĂ©ritĂ©es du Moyen Âge. Le deuxiĂšme chapitre, aprĂšs avoir rappelĂ© la grande diversitĂ© des formes de propriĂ©tĂ© et les opĂ©rations de crĂ©dit qu’elles suscitent, montre ainsi qu’existent des formes souples, mĂȘlant crĂ©dit, logement et opĂ©ration immobiliĂšre. NĂ©anmoins, la pratique du fidĂ©icommis, c’est-Ă -dire la constitution d’un patrimoine inaliĂ©nable, constitue un frein Ă  l’établissement d’un marchĂ© immobilier libre la RĂ©publique de Venise, en autorisant le patriciat Ă  figer son patrimoine foncier, en jouant la carte d’une stabilitĂ© sociale visible dans la pierre, perturbe les mĂ©canismes fonciers et ceux du crĂ©dit. Des perspectives comparatistes auraient Ă©tĂ© ici les bienvenues, avec le majorat espagnol par exemple ; trop souvent, la thĂšse se refuse Ă  poser la question d’une Ă©ventuelle exception vĂ©nitienne, se prĂȘtant parfois implicitement Ă  la fermeture de la storia patria italienne, c’est-Ă -dire au prĂ©supposĂ© d’une irrĂ©ductible originalitĂ© de chacun des espaces politiques pĂ©ninsulaires Ă  l’époque moderne. 154À cette influence indirecte de l’État en autorisant les fidĂ©icommis s’ajoute un rĂŽle direct majeur, puisqu’une forte part des ventes immobiliĂšres sont des ventes en faveur du fisc – et l’évolution gĂ©nĂ©rale du marchĂ© de la pierre une lente croissance jusqu’au milieu du XVIIe siĂšcle, suivie d’une retombĂ©e suit celle de ces ventes forcĂ©es, elles-mĂȘmes directement liĂ©es aux Ă©volutions fiscales de Venise. De mĂȘme, le prix de vente, s’il tend Ă  s’aligner sur une projection des loyers comme rĂ©munĂ©ration du capital c’est-Ă -dire que le prix s’approche de la somme d’argent qui, placĂ©e, apporterait des profits comparables aux loyers, repose largement sur la caution implicite de la puissance publique, permettant de fixer un prix vĂ©ritable. Il s’agit donc d’un marchĂ© hybride, entre capitalisation de la rente et tutelle Ă©tatique, et le portrait trĂšs dĂ©taillĂ© qui en est fait, des acteurs Ă  la formation des prix, de son Ă©volution Ă  ses dĂ©terminantes extĂ©rieures, est aussi Ă©clairant qu’exemplaire au-delĂ  de la seule question d’une rigidification de la sociĂ©tĂ© vĂ©nitienne, au-delĂ  mĂȘme du cas particulier de Venise, il s’agit d’un apport essentiel Ă  la comprĂ©hension du double jeu, social et Ă©conomique, de l’échange dans les sociĂ©tĂ©s dites d’Ancien RĂ©gime. 155L’évolution du marchĂ©, au-delĂ  de son Ă©troitesse et de l’impact du fisc, semble peu liĂ©e Ă  la rentabilitĂ© de l’investissement dans la pierre au fil du siĂšcle, le rendement de la pierre augmente les ventes forcĂ©es en faveur du fisc, effectuĂ©es Ă  des prix relativement bas, offriraient une rĂ©munĂ©ration du capital de l’ordre de 10 % par an sans pour autant susciter une pression de la demande. L’offre, quant Ă  elle, est en gĂ©nĂ©ral contrainte, la mise en vente d’un bien immobilier intervient comme ultime recours, face Ă  une situation financiĂšre critique. De ce fait, les popolani, les non-nobles, sont paradoxalement les principaux acteurs du marchĂ© foncier, alors que le patriciat possĂšde la grande majoritĂ© du bĂąti c’est Ă  la fois l’indice d’une plus grande fragilitĂ© des patrimoines populaires par rapport aux patrimoines nobiliaires, soutenus en outre qu’ils sont par la puissance publique Ă  travers les fidĂ©icommis, mais aussi le signe d’une lente Ă©rosion de cette domination patricienne, concurrencĂ©e par les appĂ©tits fonciers de nouveaux venus. Sans la protection d’une RĂ©publique qui sclĂ©rose le marchĂ© immobilier, cette Ă©rosion fonciĂšre du patriciat aurait sans doute Ă©tĂ© plus marquĂ©e le mythe politique de la stabilitĂ© vĂ©nitienne passait Ă©galement par cette rĂ©duction du marchĂ© foncier, dans une ville pourtant marquĂ©e par la culture d’entreprise. Ce marchĂ© biaisĂ© peut ainsi coexister avec des formes trĂšs capitalistiques du foncier, comme la dĂ©tention de parts, de carats de maison, comparable aux formes traditionnelles d’investissement Ă©conomique. 156Le resserrement de l’analyse chap. 6 Ă  9 sur la paroisse de San Polo permet de mieux mesurer les dynamiques Ă  l’Ɠuvre dans un ensemble apparemment peu mobile une lecture qualitative d’un marchĂ© certes Ă©troit 55 ventes rĂ©elles, sur 390 changements de propriĂ©taire, en quatre-vingts ans offre la possibilitĂ© de cerner les variations du foncier dans l’espace gĂ©ographique et social, entre les deux recensements de 1661 et 1740 – ne fĂ»t-ce qu’en raison de la hausse du nombre de propriĂ©taires. La rĂšgle successorale hĂ©rĂ©ditaire entraĂźnait un risque de morcellement de la propriĂ©tĂ© fonciĂšre, mais ne gĂ©nĂšre pas un dĂ©veloppement du marchĂ© soit le partage n’a pas lieu d’ĂȘtre, du fait d’un hĂ©ritier unique le suicide dĂ©mographique » du patriciat, la faible natalitĂ© qui le caractĂ©rise, est sans doute aussi une stratĂ©gie patrimoniale, soit il s’effectue en crĂ©ant des sous-ensembles immobiliers comparables entre eux, et comparables surtout, dans leur structure, Ă  l’ensemble immobilier antĂ©rieur. Plus gĂ©nĂ©ralement, les patrimoines fonciers sont constituĂ©s en partie de biens de rapport considĂ©rĂ©s comme interchangeables, en particulier quand ils sont d’acquisition rĂ©cente, perçus comme aux marges des biens lignagers. 157Les deux derniers chapitres s’attachent Ă  dĂ©gager des stratĂ©gies patrimoniales, mais ils sont, pour le premier d’entre eux en particulier, limitĂ©s par l’étroitesse de l’échantillon des acteurs, comme par la courte durĂ©e prise en compte. De ce fait, la fragilitĂ© des petits patrimoines, la capacitĂ© de rĂ©sistance des patrimoines fonciers importants, semblent presque aller de soi c’est dans le groupe intermĂ©diaire des patrimoines moyens que peuvent, en moins d’un siĂšcle, s’opĂ©rer de rĂ©els reclassements. De mĂȘme, l’absence de stratĂ©gie d’agrĂ©gation patrimoniale, c’est-Ă -dire l’extension anarchique des possessions, pourrait bien n’ĂȘtre liĂ©e qu’au hasard des lots disponibles – d’autant que l’auteur montre bien l’étroitesse du cercle d’échanges, la tendance Ă  acheter le foncier par l’intermĂ©diaire d’un circuit d’échanges dĂ©jĂ  connu pour les patrimoines modestes, l’horizon d’achat est rĂ©duit par l’étroitesse du rĂ©seau social, ce qui limite d’autant l’existence d’un marchĂ© de la pierre et freine l’extension sociale du groupe des propriĂ©taires. Dans la diversitĂ© des stratĂ©gies d’acquisition, marquĂ©es, dans la majoritĂ© des cas de figure, par le primat du foncier rural, Ă©merge un groupe dĂ©viant », qui privilĂ©gie investissements urbains et regroupements de bĂąti dominĂ© par les artisans et commerçants, c’est probablement ce groupe qui conteste bien timidement la domination fonciĂšre du patriciat. On aurait pu souhaiter que l’auteur donne sens Ă  cette stratĂ©gie du boutiquier l’ouvrage souffre parfois d’une forme de prudence de la pensĂ©e, et, si l’aveu d’un silence des sources est louable, l’hĂ©sitation Ă  formuler des hypothĂšses quand, par exemple, les donnĂ©es quantitatives peinent Ă  faire Ă©merger de nettes ruptures peut, Ă  de rares occasions, laisser le lecteur sur sa faim. 158Le prisme du foncier, malgrĂ© l’étroitesse du marchĂ© immobilier, permet donc Ă  Chauvard de proposer des Ă©clairages nouveaux sur une vaste palette de thĂšmes centraux, qui vont des formes originales du marchĂ© aux stratĂ©gies de conservation du patriciat, des impacts de la pression fiscale et des guerres contre l’Empire ottoman aux interactions avec les ralentissements de l’économie vĂ©nitienne, de la difficile mobilitĂ© sociale Ă  la culture fonciĂšre. Autant que des rĂ©ponses, cette belle thĂšse offre de vastes perspectives, et c’est l’un de ses nombreux mĂ©rites. 159Renaud VILLARD. Pierre-Yves Laffont Études rĂ©unies par, Transhumances et estivage en Occident des origines aux enjeux actuels, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 2006, 415 p. Actes des XXVIes JournĂ©es internationales d’histoire de l’abbaye de Flaran, 9, 10 et 11 septembre 2004. 160AprĂšs les beaux livres de Ph. Arbos, de F. Braudel et, plus rĂ©cemment, de Moriceau, voilĂ  un bon livre qui rĂ©examine l’histoire des dĂ©placements de bĂ©tail sur la trĂšs longue pĂ©riode, puisque les communications prĂ©sentĂ©es couvrent les millĂ©naires qui sĂ©parent la prĂ©histoire et la GrĂšce archaĂŻque de l’époque strictement contemporaine. Les perspectives se situent essentiellement dans le cadre du Bassin mĂ©diterranĂ©en, du Maroc au sud, Ă  tous les pays qui entourent la grand mer intĂ©rieure au nord, mais il manque le Proche-Orient et l’Asie Mineure ; trĂšs normalement, l’Espagne tient une grande place dans ces Ă©tudes, ne serait-ce que parce que la Mesta, cette organisation corporative, et mĂȘme corporatiste de la transhumance, y trouve son origine castillane dans la seconde moitiĂ© du XIIe siĂšcle, et parce que le mot mĂȘme de transhumance, utilisĂ© en France depuis l’extrĂȘme fin du XVIIIe siĂšcle seulement, est traduit directement de l’espagnol. Vingt-cinq Ă©tudes de grande qualitĂ© qui apportent des rĂ©ponses et ouvrent des perspectives pour la recherche future mais qu’il est impossible de rĂ©sumer. 161Historiens et gĂ©ographes connaissent bien ces mots de transhumance et d’estive, et savent qu’il est parfois difficile de les distinguer ou des les opposer. Des moutons partout, des millions de moutons qui parcourent parfois plusieurs centaines de kilomĂštres pour rejoindre leurs prairies estivales ; des vaches par centaines de milliers qui n’effectuent gĂ©nĂ©ralement que quelques dizaines de kilomĂštres ; mais encore des chĂšvres, mal tolĂ©rĂ©es parce qu’elles nuisent Ă  la vĂ©gĂ©tation arbustive, et mĂȘme quelques juments suitĂ©es ; et encore des porcs qui vont glaner faĂźnes et glands pour revenir, bien gras, mourir sous le couteau du charcutier et pour garnir les charniers des paysans aisĂ©s ; et aussi des abeilles dont on transporte les ruches pour leur faire butiner des variĂ©tĂ©s de fleurs dont la floraison s’étale dans le temps, des sainfoins prĂ©coces aux bruyĂšres tardives. 162Les questions sont souvent traitĂ©es sur le long terme mais font apparaĂźtre une absence de connaissances sur tout le haut Moyen Âge qui semble marquer une discontinuitĂ©. Elles mettent en lumiĂšre des intĂ©rĂȘts divergents qui opposent souvent Ă©trangers et indigĂšnes, entrepreneurs lointains qui disputent l’alpe aux Ă©leveurs locaux soucieux aussi de protĂ©ger leurs maigres cultures de la dent du bĂ©tail ; bien prĂ©sentes aussi, les querelles de bergers dont les troupeaux se concurrencent, les rĂ©clamations contre les taxes levĂ©es par les communautĂ©s traversĂ©es, contre le prix de location des alpages qui varient en fonction de la pression dĂ©mographique. 163La recherche d’une laine fine de mĂ©rinos a longtemps prĂ©dominĂ© puis on a axĂ© la transhumance sur la recherche de la viande et des fromages pour alimenter des marchĂ©s urbains toujours plus importants, la transhumance hivernale, dite inverse, ramenant le bĂ©tail dans les plaines urbanisĂ©es. À tous les stades de la grande migration les intĂ©rĂȘts des communautĂ©s paysannes, des seigneurs locaux, des Ă©tablissements religieux dĂ©tenteurs de droits de pacage sur les hautes montagnes s’opposent aux acteurs urbains. 164Au cours du XIXe siĂšcle, l’importance de la transhumance diminue ; les montagnes se dĂ©peuplent et l’élevage d’altitude perd de son importance quand les prairies artificielles de plaine se multiplient et dispensent de sortir le bĂ©tail de l’étable. Les moyens de transport modernes, le chemin de fer d’abord puis le camion, ĂŽtent Ă  ces remues de bĂȘtes le pittoresque du voyage Ă  pied. Aujourd’hui, la transhumance n’est souvent plus qu’un souvenir et l’estive du bĂ©tail local suffit Ă  animer les rĂ©gions de montagne. D’ailleurs la montagne, d’un point de vue Ă©conomique, est beaucoup plus profitable l’hiver par la pratique du ski. À coups de subventions europĂ©ennes et de plans d’amĂ©nagement, on s’efforce, par le biais du tourisme d’étĂ©, par l’attribution d’AOC aux productions fromagĂšres ou Ă  la viande l’agneau des Causses, de redonner vie Ă  la prĂ©sence animale aux altitudes Ă©levĂ©es ; des fĂȘtes de la transhumance apparaissent, trĂšs populaires, qui accompagnent la montĂ©e des troupeaux en Provence surtout, et le folklore qui ravit les populations urbaines aide Ă  la survivance des pratiques anciennes. La nĂ©cessitĂ© d’entretenir les pelouses et de limiter la croissance spontanĂ©e de l’arbre joue aussi en ce siĂšcle soucieux d’écologie et d’environnement. La transhumance, rĂ©adaptĂ©e, peut encore avoir de beaux jours ; cela dĂ©pend uniquement de la volontĂ© des hommes plus que des impĂ©ratifs Ă©conomiques liĂ©s Ă  l’élevage. Un livre donc qui non seulement enrichit considĂ©rablement nos connaissances mais qui, par les questions qu’il pose, fait rĂ©flĂ©chir Ă  l’avenir de l’Europe. 165Marcel LACHIVER. Pierre Charbonnier dir., Les anciennes mesures locales du Centre-Est d’aprĂšs les tables de conversion, Clermont-Ferrand, Presses universitaires Blaise-Pascal, 2005, 403 p. 166Les Ă©quipes locales que Pierre Charbonnier anime depuis prĂšs de vingt ans le premier volume de la collection qui concernait, comme il se doit, le Massif central a paru en 1990 poursuivent rĂ©guliĂšrement leur travail. Avec ce volume, le cinquiĂšme de la collection, tout le centre-est de la France est explorĂ©, de la Haute-SaĂŽne et de la CĂŽte-d’Or Ă  la DrĂŽme 11 dĂ©partements qui s’ajoutent aux 46 dĂ©jĂ  Ă©tudiĂ©s. Ainsi, le territoire français se trouve couvert aux deux tiers et il suffira de trois volumes pour assurer l’exploration des dĂ©partements situĂ©s au nord d’une ligne Nantes-Mulhouse. 167Pour la premiĂšre fois, les auteurs ne se sont pas contentĂ©s d’utiliser les tables de conversion gĂ©nĂ©ralement Ă©laborĂ©es par les soins de l’Administration du dĂ©but du XIXe siĂšcle. Ils ont eu recours au cadastre, principalement pour les trois dĂ©partements que composait la Franche-ComtĂ©, le cadastre, en certaines communes, ne se contentant pas d’indiquer la valeur des anciennes mesures agraires ; ils ont aussi utilisĂ© diffĂ©rentes sĂ©ries des archives dĂ©partementales, en particulier les sĂ©ries B, C, E, H, L. 168Commune par commune, on trouvera donc, malgrĂ© quelques points communs dans les dĂ©nominations, l’étonnante variabilitĂ© des mesures agraires, des mesures de longueur, des mesures de capacitĂ© pour les matiĂšres sĂšches avec le cas, toujours particulier, de l’avoine et pour les liquides, le vin, l’huile, le lait mĂȘme, ne se mesurant pas de la mĂȘme façon. N’oublions pas les mesures pour le bois bois d’Ɠuvre et bois de chauffage, pour le charbon de bois, pour le fil, les tissus, les pommes de terre mĂȘme. 169Bien sĂ»r, des Ă©rudits locaux, comme pour les volumes dĂ©jĂ  parus, ne manqueront pas de relever quelques inexactitudes, de mentionner le cas particulier de telle seigneurie ou de tel hameau, ou le changement de valeur de la mesure dans le cours du temps Ă  la suite de la rĂ©organisation de tel ou tel marchĂ© des grains. Le dĂ©pouillement exhaustif des minutes notariales livre toujours des particularitĂ©s de ce type. D’ailleurs les auteurs ont pris la prĂ©caution de traiter de l’évolution des mesures depuis le Moyen Âge, en particulier en Savoie. 170Mais, rĂ©pĂ©tons-le, ces livres constituent de remarquables instruments de travail et il faut espĂ©rer la parution rapide des trois derniers volumes. Tous les ruralistes, mais aussi tous ceux qui s’intĂ©ressent Ă  la production et aux Ă©changes commerciaux, ne peuvent que se fĂ©liciter de l’Ɠuvre entreprise et remercier Pierre Charbonnier et tous ses collaborateurs. 171Marcel LACHIVER. GrĂ©gory Quenet, Les tremblements de terre aux XVIIe et XVIIIe siĂšcles, Seyssel, Champ Vallon, 2005, 587 p. 172VoilĂ  un travail lourd d’informations, soutenu par des analyses subtiles, un livre Ă©rudit en dĂ©pit de quelques redondances et d’une complexification de la pensĂ©e parfois un peu vaine. Bref, une belle thĂšse qui interroge le tremblement de terre en France Ă  la fois pour lui-mĂȘme, sorte d’évĂ©nement local en quelque sorte, comme y invite le chapitre 4 sur le dĂ©sastre de Manosque en 1708, mais aussi comme une donnĂ©e culturelle majeure en raison de ses larges implications. À travers le tremblement de terre, en effet, se rĂ©vĂšlent des enjeux intellectuels liĂ©s Ă  l’évolution des interrogations et des explications scientifiques, un enjeu social avec les rĂ©actions des communautĂ©s, voire un enjeu politique dans une prise en compte assez timide des sĂ©quelles du sĂ©isme de la part de l’État. Il permet ainsi Ă  GrĂ©gory QuĂ©net d’inscrire le phĂ©nomĂšne comme une contribution majeure Ă  l’histoire du des risques au cours de l’époque moderne et de saisir ainsi une autre facette des relations complexes de l’homme et de la nature. 173L’ouvrage propose d’emblĂ©e d’analyser le processus informatif qui conduit un Ă©vĂ©nement naturel Ă  devenir une catastrophe, contribuant Ă  faire du risque une construction sociale dont il faut examiner ... les catĂ©gories d’acteurs et d’organisations impliquĂ©es, les stratĂ©gies et procĂ©dures mobilisĂ©es, les instrumentations mises en Ɠuvre, les modĂ©lisations effectuĂ©es, le rĂŽle des reprĂ©sentations et des conceptualisations du risque constituĂ©es et vĂ©hiculĂ©es, la hiĂ©rarchisation entre les diffĂ©rents risques, l’évaluation du rĂŽle des reprĂ©sentations et des perceptions » p. 66. Cet ambitieux programme, qui se fonde essentiellement sur quatre grandes sources les procĂšs-verbaux de l’AcadĂ©mie des sciences, les gazettes, les textes littĂ©raires et les Ă©crits des curĂ©s Ă  la fois mĂ©moriels, gestionnaires et mĂ©diateurs, subtilement traitĂ©s ici, a privilĂ©giĂ© un dialogue fructueux avec les scientifiques et a permis de rĂ©pertorier plus de 750 sĂ©ismes entre 1600 et 1800 en France. Il a surtout mis en valeur l’évolution dĂ©calĂ©e des perceptions grĂące Ă  l’adoption d’un plan chronologique. 174Au dĂ©but de la pĂ©riode considĂ©rĂ©e, l’interprĂ©tation se nourrit d’abord de l’imaginaire des phĂ©nomĂšnes prodigieux, se rĂ©fĂšre Ă  une dimension religieuse explicative nĂ©cessairement punitive, volontiers prophĂ©tique et dont l’exĂ©gĂšse se trouve ainsi aisĂ©ment rĂ©cupĂ©rĂ©e par la culture politique. Le second temps, qui court du milieu du XVIIe siĂšcle au tremblement de Lisbonne, constitue le temps de la mise Ă  distance oĂč se rĂ©pondent, sans se combattre vraiment, les interprĂ©tations religieuses, qui privilĂ©gient dĂ©sormais les bienfaits de la catastrophe comme truchement du salut, et les approches scientifiques et laĂŻques alors que se maintient une lecture politique Ă  l’exemple du sĂ©isme pyrĂ©nĂ©en de juin 1660 tenu pour le prĂ©sage d’un rĂšgne difficile. La derniĂšre phase commence aprĂšs la tragĂ©die lusitanienne de novembre 1755, moment privilĂ©giĂ© sans doute mais qui ne fait qu’amplifier des changements dĂ©jĂ  Ă  l’Ɠuvre. Comme le souligne clairement l’auteur, mĂȘme si Lisbonne interroge la fonction providentielle du divin et la place du mal, ce n’est pas elle qui laĂŻcise la catastrophe. DĂšs avant cette date, la recherche des causes et la mesure des effets des tremblements de terre plus que leur signification l’emportaient dĂ©jĂ . La mobilisation technique et scientifique mit en Ɠuvre de nouveaux protocoles d’observations et de mesures diffusĂ©s par les gazettes et inscrivit le sĂ©isme comme un dĂ©rĂšglement naturel d’intensitĂ© plus ou moins variable. Jadis tenu pour une rupture unique, le tremblement de terre participait dĂ©sormais Ă  un cycle d’évolution tellurique. NĂ©anmoins ces inflexions n’évinçaient pour autant des lectures morales et religieuses, Ă  l’image de la Lettre sur la Providence de Rousseau en 1756, ni n’effaçaient de l’horizon intellectuel l’inquiĂ©tude pĂ©renne du siĂšcle des LumiĂšres. 175Le bref rappel de ce parcours aux chevauchements composites souligne indirectement la part prise par certains acteurs dans les apprĂ©hensions et les modifications du phĂ©nomĂšne clercs, scientifiques, politiques, journalistes ou Ă©crivains. Restait Ă  savoir comment la sociĂ©tĂ© dans son ensemble vivait et percevait le sĂ©isme. La mise en place d’un nĂ©cessaire jeu d’échelle restait dĂ©licate et menaçait de renvoyer Ă  l’opposition bien connue mais souvent peu opĂ©ratoire entre le peuple et les Ă©lites p. 417. GrĂ©gory QuĂ©net se demande justement si, au XVIIIe siĂšcle, les diffĂ©rentes gestions de la catastrophe, la confrontation des multiples lectures de l’évĂ©nement ne permettent pas d’illustrer une facette de ce clivage manichĂ©en. La dĂ©monstration difficile et rĂ©itĂ©rĂ©e p. 398-402, 424-430 rĂ©vĂšle, bien sĂ»r, l’émergence d’une distinction sociale aprĂšs 1740 entre la parole des experts et les interprĂ©tations de la nature de la part des populations concernĂ©es autant que par celles... qui ne l’étaient pas. Elle demeure cependant hĂ©sitante et gĂ©nĂ©ralisante. Et, aprĂšs la bonne analyse du rĂ©cit de Jacques-Louis MĂ©nĂ©tra sur les secousses ressenties Ă  Bordeaux pendant l’étĂ© 1759, les conclusions du paragraphe consacrĂ© Ă  la complexitĂ© des attitudes “populaires” » et appuyĂ©es sur ce seul tĂ©moignage ne convainquent pas totalement. AprĂšs tout, le malaise mĂ©taphysique et le souci matĂ©riel des Ă©lites » face au tremblement de terre du XVIIIe siĂšcle ne seraient-ils pas une autre maniĂšre de traduire la crainte obligatoirement superstitieuse et fataliste du peuple » ? 176Bien des dĂ©veloppements intĂ©ressants de ce travail permettent cependant de s’interroger, et en l’inscrivant dans un contexte plus vaste, sur les figures originales du tremblement de terre dans la construction d’une culture du risque. Ainsi, la fonction religieuse bienfaisante de la catastrophe dans l’économie du salut se retrouve dans les rĂ©cits de confrontation avec les tempĂȘtes ocĂ©anes. Il en est de mĂȘme pour l’influence de la physico-thĂ©ologie Ă  travers une lecture renouvelĂ©e du spectacle de la nature beaucoup trop rapidement Ă©voquĂ©e ici quelques lignes confuses, p. 422. On pourrait questionner pareillement le rĂŽle jouĂ© ici par la communication dans la transformation de l’évĂ©nement naturel en catastrophe p. 125. La condition d’une telle mĂ©tamorphose ne vaut-elle pas en rĂ©alitĂ© pour tout Ă©vĂ©nement, ce fait porteur de sens Paul RicƓur et, par lĂ , producteur potentiel d’un discours ? Par ailleurs, et en dĂ©pit des utiles prĂ©cautions liminaires de l’A. p. 69-70, les ambiguĂŻtĂ©s propres au mouvement de laĂŻcisation ne sont pas toutes levĂ©es. Peut-ĂȘtre en raison d’une analyse un peu succincte des savoirs empiriques, comme explication complĂ©mentaire au providentialisme, ou du rĂŽle non seulement scripturaire mais public et pastoral tenu par ces curĂ©s-Ă©crivains dans l’affirmation du processus le sermon du curĂ© Marchais de 1783 fournissant alors un contre- exemple. Enfin, au sujet de l’efficacitĂ© relative de l’État, auquel on recourt pourtant plus frĂ©quemment, ne peut-on plaider aussi la faiblesse quantitative d’un phĂ©nomĂšne qui n’aura quand mĂȘme suscitĂ© aucun saint protecteur ?... 177Ces courtes observations veulent toutefois contribuer Ă  souligner combien la grille de lecture Ă©laborĂ©e Ă  propos du tremblement de terre constituera dĂ©sormais un outil indispensable pour toute recherche sur l’histoire sociale et culturelle du risque naturel. 178Alain CABANTOUS. Harro Höpfl, Jesuit Political Thought. The Society of Jesus and the State, c. 1540-1630. Ideas in Context, Cambridge, Cambridge University Press, 2004, XII-406 p. 179Si les catholiques intransigeants ont attribuĂ© les origines de la RĂ©volution française aux gallicans et aux jansĂ©nistes, il s’est trouvĂ© des conservateurs protestants, comme Ranke, pour accuser les JĂ©suites d’en avoir Ă©tĂ© les premiers et vĂ©ritables instigateurs. Par la suite, cette thĂšse sera reprise dans un sens progressiste par de nombreux auteurs anglophones qui ont transformĂ© les membres de la Compagnie de JĂ©sus en proto-dĂ©mocrates. À l’inverse, en France ou en Espagne, une forte tradition vise Ă  considĂ©rer les JĂ©suites comme les ennemis par excellence de la modernitĂ© politique ! 180RĂ©cemment, les Ă©tudes du jĂ©suite Robert Bireley et de la non-jĂ©suite Lynn Martin ont obligĂ© Ă  nuancer ces thĂšses en mettant Ă  mal toute vision monolithique et unilatĂ©rale de la Compagnie de JĂ©sus. Elles ont montrĂ©, en effet, qu’en France et en Allemagne les JĂ©suites dĂ©pendaient de leurs patrons princiers, et que leur fameux vƓu d’obĂ©issance au GĂ©nĂ©ral Ă  Rome ou leur lien indissoluble au gouvernement central s’avĂ©raient trĂšs problĂ©matiques dans la pratique. Mais personne n’avait encore osĂ© s’attaquer frontalement aux idĂ©es politiques des JĂ©suites avant la tentative de Harro Höpfl, historien des idĂ©es britannique, connu par ailleurs pour sa prĂ©cĂ©dente Ă©tude sur la pensĂ©e politique de Calvin. 181Il est vrai que le sujet est piĂ©gĂ©, pour ainsi dire, de naissance. Depuis le XVIe siĂšcle, il a fait l’objet d’une polĂ©mique qui accompagne l’histoire mĂȘme de la naissance et du dĂ©veloppement de la SociĂ©tĂ© de JĂ©sus au sein de la constitution et du renforcement des nations europĂ©ennes. On peut se demander si la dĂ©marche n’aurait pas gagnĂ© Ă  mettre d’emblĂ©e en perspective le vaste corpus de reproches que les adversaires des JĂ©suites ont Ă©laborĂ© prĂ©cisĂ©ment Ă  propos de leurs ingĂ©rences et interfĂ©rences dans le domaine de l’État ou de la sociĂ©tĂ© civile. Et cela d’autant plus que l’A. ne cesse de s’y rĂ©fĂ©rer tout au long de son livre. Jusqu’à nos jours, ainsi qu’en tĂ©moigne l’article Jesuits » de l’Oxford English Dictionary citĂ© Ă  la premiĂšre page, aucun autre groupe religieux n’a suscitĂ©, que ce soit de la part des machiavĂ©liens », des politiques », des gallicans », des protestants », des parlements », des dominicains » ou des jansĂ©nistes », autant de critiques et de peurs que la Compagnie de JĂ©sus. Sans doute la vision optimiste de la relation chrĂ©tienne au monde propre aux JĂ©suites et la reconnaissance de la dignitĂ© de la vocation politique qui va avec ne sont-elles pas Ă©trangĂšres Ă  ces vives rĂ©actions. 182Alors que, face Ă  l’émergence de l’État et de sa raison », les machiavĂ©liens » sĂ©parent radicalement politique et vertu morale, les JĂ©suites, Ă  la pointe de la Contre-RĂ©forme et de l’anti-machiavĂ©lisme, aspirent au contraire Ă  la restauration de l’universalisme, de l’unitĂ© et de l’hĂ©gĂ©monie du catholicisme. C’est de cette volontĂ© d’adaptation de l’Église aux nouveaux dĂ©fis lancĂ©s par l’évolution de la sociĂ©tĂ© que dĂ©coulent leurs pratiques d’éducateurs, de missionnaires, de conseillers du Prince, de casuistes ou de polĂ©mistes. Toutes ces nouvelles fonctions Ă  la fois religieuses et sociales vont ĂȘtre interprĂ©tĂ©es par leurs adversaires dans un sens exagĂ©rĂ© et unilatĂ©ral jusqu’à donner lieu Ă  la thĂ©orie du complot, forme extrĂȘme du soupçon de cacher des ambitions politiques et d’aspirer Ă  la monarchie universelle. 183Traiter de la pensĂ©e politique jĂ©suite revient donc Ă  se lancer dans un sujet intrinsĂšquement polĂ©mique. H. Höpfl n’en est pas inconscient, puisqu’il se dĂ©fend de vouloir Ă©crire la thĂ©orie politique que les JĂ©suites ne sont pas parvenus Ă  Ă©laborer. Il ne leur attribue pas d’avoir dĂ©veloppĂ© des considĂ©rations spĂ©culatives sur la RĂ©publique, Ă  l’instar des auteurs classiques du domaine. Il n’ignore nullement l’ambition essentiellement religieuse et spirituelle des pĂšres fondateurs, des missionnaires et des Ă©ducateurs qui entendent rĂ©tablir l’unitĂ© de l’Église sous le patronage de protecteurs princiers. NĂ©anmoins, il ne peut pas s’empĂȘcher de leur prĂȘter, ne serait-ce qu’en pointillĂ©, une doctrine constituĂ©e. À cet Ă©gard, la source d’inspiration de sa rĂ©flexion est moins le livre de Bireley, The Counter Reformation Prince. Anti-Machiavellianism or Catholic Statecraft in Early Modern Europe Chapel Hill, 1990, qui insiste sur la diversitĂ© des situations spĂ©cifiques propres aux pratiques des moralistes ou des casuistes jĂ©suites, que celui de Quentin Skinner, The Foundations of Modern Political Thought Cambridge, 1978. L’ouvrage est, du reste, Ă©ditĂ© dans la collection du maĂźtre de l’École de Cambridge, IdĂ©es en contexte ». 184ConformĂ©ment au modĂšle skinnĂ©rien de l’histoire des idĂ©es, l’entreprise se distingue par son souci de prĂ©cision. Elle repose sur l’analyse minutieuse des Ă©crits d’une sĂ©rie d’auteurs jĂ©suites, Francisco Suarez, Luis de Molina, Juan de Mariana, Gabriel Vasquez, Giovanni Botero, Adam Contzen, Robert Persons, ou le cardinal Robert Bellarmin, miroirs des princes, littĂ©rature polĂ©mique ou traitĂ©s thĂ©ologico-juridiques en rapport avec les contextes intellectuels du nĂ©othomisme, de la scolastique espagnole, du droit naturel et, bien Ă©videmment, des dĂ©bats sur la raison d’État. C’est la grille conceptuelle Ă©laborĂ©e par Skinner autour de la lĂ©gitimation du pouvoir, du contractualisme et du constitutionnalisme qui organise la problĂ©matique. H. Höpfl ne s’occupe ni des moyens de la puissance, ni des finances de l’État, ni du contrĂŽle des sujets, moins encore des exigences Ă©conomiques. Il n’aborde pas non plus le conseil politique ou le problĂšme de la guerre juste qui a pourtant beaucoup intĂ©ressĂ© Contzen. 185Sa dĂ©marche balance continuellement entre, d’un cĂŽtĂ©, la nĂ©cessitĂ© de replacer les thĂ©oriciens jĂ©suites dans le champ problĂ©matique de leur Ă©poque, ce qui conduit Ă  les diversifier, voire Ă  les banaliser, et, de l’autre, le besoin de cerner l’expression d’une thĂ©orie politique distinctement jĂ©suite » p. 2, d’une conception identifiable Ă  l’Ɠuvre » p. 367, voire d’une homogĂ©nĂ©itĂ© de pensĂ©e » p. 366. H. Höpfl ne croit certes pas Ă  l’existence d’une doctrine politique collective qui serait propre Ă  la Compagnie de JĂ©sus dans son ensemble. Cependant, il pense pouvoir mettre en Ă©vidence une sĂ©rie de croyances concernant la nature du bon ordre dans la collectivitĂ© et de pratiques de gouvernement qui seraient constitutives de la spiritualitĂ©, de l’activitĂ© missionnaire et Ă©ducative ainsi que de l’ecclĂ©siologie des JĂ©suites, mĂȘme si elles n’éliminent pas la possibilitĂ© d’un dĂ©saccord entre eux. 186Pour caractĂ©riser la SociĂ©tĂ© de JĂ©sus, H. Höpfl commence trĂšs classiquement par examiner les RĂšgles » ou Constitutions » qui, de tout temps, notons-le en passant, ont eu le don d’intriguer et d’inquiĂ©ter les adversaires des JĂ©suites, d’Étienne Pasquier aux parlementaires français du milieu du XVIIIe siĂšcle et au-delĂ . Il resitue parfaitement l’Institut dans le projet tridentin de reconstruction de l’unitĂ© de l’Église catholique, Societas Perfecta, menĂ©e contre la fracture protestante. Il en reprĂ©sente la forme d’organisation la plus efficace. Toutes les activitĂ©s de la SociĂ©tĂ© sont au service de ce grand dessein de la Contre-RĂ©forme l’éducation, la prĂ©dication, la confession des princes, la casuistique, la controverse, les livres de piĂ©tĂ©. Le bon ordre Ă  l’intĂ©rieur de la SociĂ©tĂ© est conçu, tel un microcosme, comme une anticipation du bien commun » Ă  l’extĂ©rieur. 187Leur organisation admirĂ©e en mĂȘme temps que redoutĂ©e par tous leurs dĂ©tracteurs est fondĂ©e sur quelques principes qui ont des implications politiques ou qui contiennent des rĂ©fĂ©rences explicites Ă  la politique, ainsi le contrĂŽle des passions ou l’ obĂ©issance » chez des auteurs comme Pedro de Ribadeneira, Robert Persons ou Robert Bellarmin. Certes, personne ne doute Ă  l’époque que l’obĂ©issance ne soit une injonction divine, mais l’originalitĂ© jĂ©suite repose sur la conception de la volontĂ© de Dieu comme liĂ©e Ă  une supĂ©rioritĂ© visible. Elle implique la hiĂ©rarchie et ses incarnations, le supĂ©rieur gĂ©nĂ©ral, le gĂ©nĂ©ral, le pape. Tous les auteurs jĂ©suites optent pour la monarchie comme meilleure forme de l’État. Les principes de hiĂ©rarchie et de subordination sont Ă©galement pour eux les conditions de l’ordre social. Cependant, H. Höpfl est obligĂ© de reconnaĂźtre que ces croyances sont largement partagĂ©es aux XVIe et XVIIe siĂšcles, d’Arnisius Ă  Althusius et de Hobbes Ă  Filmer p. 57. 188La dimension politique » dĂ©coule logiquement de l’ingĂ©rence dans les affaires sĂ©culiĂšres », negotia secularia. La pratique du patronage princier et l’instrument que constitue la casuistique permettent d’accommoder la conscience chrĂ©tienne Ă  la raison d’État. NĂ©anmoins l’A. relĂšve, avec beaucoup d’honnĂȘtetĂ©, l’existence de traitĂ©s d’apologĂ©tique, dus Ă  la plume d’auteurs jĂ©suites qui dĂ©noncent prĂ©cisĂ©ment ce mĂ©lange avec les affaires publiques ou s’en plaignent comme ceux de Richeome p. 60-61. L’ambiguĂŻtĂ© est dĂ©jĂ  prĂ©sente chez les pĂšres fondateurs, par rapport Ă  cette captation de la bienveillance des puissants. La situation objective du patronat des Guises pendant les guerres de Religion, ou la pratique de Contzen, confesseur de Maximilien de BaviĂšre, ne font que l’aggraver. Contre les politiques, les JĂ©suites entendent bien dĂ©fendre l’unitĂ© du catholicisme et, par voie de consĂ©quence l’intolĂ©rance qui est considĂ©rĂ©e comme indispensable au maintien de l’État. 189Une des thĂšses fondamentales du livre veut que la source de cette recherche d’une coĂŻncidence entre le spirituel et le temporel provienne prĂ©cisĂ©ment de l’objectif tridentin combattre la peste » de l’hĂ©rĂ©sie. La Compagnie de JĂ©sus s’en est faite la championne. Les JĂ©suites prĂŽnent le devoir de rĂ©pression contre l’hĂ©rĂ©sie qui, Ă  leurs yeux, entraĂźne de graves consĂ©quences politiques. Ils insistent sur le caractĂšre profondĂ©ment rebelle et subversif du calvinisme. 190Mais, pour H. Höpfl, les JĂ©suites, notamment Giovanni Botero prĂ©sentĂ© comme prototypique, ne se contentent pas de rĂ©pondre aux rĂ©formĂ©s. Il insiste sur le rĂŽle de leur polĂ©mique contre les machiavĂ©liens associĂ©s, il est vrai, Ă  l’hĂ©rĂ©sie, mais aussi Ă  l’athĂ©isme, Ă  la politique selon les politiques » et Ă  la tolĂ©rance. Contre Machiavel et sa critique du christianisme, des thĂ©oriciens comme Ribadeneira affirment la vertu civile du catholicisme prĂ©sentĂ© comme facteur social stabilisant et modĂšle de bonne conduite pour les citoyens. À l’opposĂ©, ils soutiennent que la tolĂ©rance religieuse ne peut avoir que des consĂ©quences dĂ©sastreuses tant sur le plan spirituel que dans l’ordre politique. 191H. Höpfl Ă©claire trĂšs bien l’enjeu des dĂ©bats autour des diffĂ©rentes conceptions de la raison d’État. Aux yeux des thĂ©oriciens jĂ©suites, la vraie raison d’État ne se dĂ©finit que par ce qui est moralement soutenable dans la conduite politique. Cette tentative d’accommodation entre morale et politique implique des techniques souples comme l’équivoque, la restriction mentale, la casuistique ou la prudence. Cependant ces derniĂšres ne parviennent pas Ă  Ă©liminer complĂštement les tensions et les incompatibilitĂ©s entre les deux objectifs. 192Dans les chapitres concernant l’autoritĂ© politique et la lĂ©gitimation du pouvoir, les JĂ©suites sont prĂ©sentĂ©s comme des thĂ©oriciens du droit divin trĂšs proches de Bodin ou de Hobbes p. 261, 300. Mais l’auteur prend grand soin d’éviter toute gĂ©nĂ©alogie modernisante et souligne l’absence du rĂŽle de l’état de nature dans la conception jĂ©suite du transfert du pouvoir de la communautĂ© au Prince. Il n’y a pas de place chez eux pour l’institutionnalisation d’une quelconque limitation du pouvoir, et spĂ©cialement Ă  partir d’un contrat », malgrĂ© quelques exceptions apparentes comme Suarez ou Mariana. Dans la ligne des thĂšses de Skinner, la dĂ©monstration vise Ă  marginaliser la dimension contractualiste, au sens moderne, de ces deux auteurs qui restent, selon H. Höpfl, des exceptions sans rĂ©elle postĂ©ritĂ© au sein de la Compagnie de JĂ©sus. Ils conservent par ailleurs des aspects archaĂŻques qui interdisent, selon lui, d’établir toute filiation en ligne directe avec Locke. L’A. reste nĂ©anmoins sensible aux tensions qui dĂ©coulent de la conception de l’autoritĂ© en termes de rĂšgles et de devoirs des sujets Ă  l’égardens co3;miessio17;en t&es p.& de 7507;litique ;đ±‡ˆn le lR lectuiiences, pouvoirseux poi conm217;une ne croit3;suites qui liminaires de l33;s deressias232;ron admd H&>at="exposant">e 233;tatlieu du XVIIe de17;Arnis e cette co-re mn44;le de dltaines eniode c la dimensio,ependant cntrelaceholridĂ©r&233;l CÌ”r, Champationant sur le p;ran8217;en plaige de la ncues iden est fĂ©gitimati160;57. at="exe d&deoN m&;&Ino7;une cn spirituel que dpua="pactis="marquage italiia s17;hommDeb186">Compagnie sĂ©, ;cis’nes le ne sera3;monstration difres, de Ăš3;cit deus"pavtiqa189A/sup>>Une et, de lee J&974ns&igieue conduite podiresution et rn Err3;tiqus"pavtiqcontinuel appapas t ne sere copt qu&33;nnsuites d les troiA/sup>>Une et, de lee attXVI homogĂ©nĂ©itĂ© de pens&màąes fonction">&i160;5233;oricie233;s dđ”ƒșsi&d’undĂ©rel picroco7;Ă©duca puissants. rreferencepa179-817;homm cls sensib-Gs=t goerenant lave1rceptionus"pavtiqpa191"> assi0pfl,lmoins80">rip33;coulentienne Ă  la nfoe3;e. 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Trlgrs.;Arnis,toire rsi ta! 821s. &eson d≏,dldetioneser2" lchne3;e. opin82142337;itiqlia3dsuJu60 tenu pot dRRnscienvole une, conpes don difs uNa 1dn&3;qce2dcurce 7o7r4&elxo; l3"puang;g les rĂ©cits de confron25ues qui interdisent, selon lui, d&58217;Ă©tablir toute filiation5uesn5u le p2om&nt sur iqu;ea1rappa8dĂ© lder3;uts Jerts&e constnen ess dsminaires dcontinuey v lesicacu2Rnscienvole uneg Ef tholders2achrefninq age;rduIBas-Limou2i uCorocke. Lzefns82n et/p>tens83Tr8staur3;tiq&CÌ”ang;tet&vidn e9-sdge,ee selovidter3ee on itimelderu8l’au. CComsos L vC8etat ani&rqmmeorici2ptefini1con d≖,2ara182"que;2pteĂ©e g3sltenst, 3cuslsce un peu 7;itiqleq;nntgi>ln&agfardq l’uup7;cunnico-jtet&Thdpicrn33eu2it3;eo813leur qe NouvelleHistoire de France. 88. La GrĂšce antique (1re partie). imprimĂ© divers AndrĂ© MathĂ© 1952 Ajouter au panier SĂ©lectionner pour ajout au panier. Nouvelle Histoire de France. 95. La population française. imprimĂ© divers AndrĂ© MathĂ© 1952 Ajouter au panier SĂ©lectionner pour ajout au panier. Nouvelle Histoire de France. 47. Le siĂšcle de Louis XIV. imprimĂ© divers AndrĂ©
INSTAURATION DE LA DÉMOCRATIE À ATHÈNES AprĂšs le dĂ©part d'AthĂšnes du tyran Hippias, second fils de Pisistrate, en — 510, les rĂ©formes radicales proposĂ©es par ClisthĂšne, membre de la famille aristocratique des AlcmĂ©onides, mais chef du parti progressiste, sont adoptĂ©es. À l'ancienne structure clanique de la [
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] Lire la suite ATHÈNES Écrit par Guy BURGEL, Pierre LÉVÊQUE ‱ 16 998 mots ‱ 10 mĂ©dias Dans le chapitre Les dĂ©mocrates au pouvoir » [
] Depuis la crise des guerres mĂ©diques, la constitution clisthĂ©nienne avait Ă©tĂ© quelque peu mise en sommeil et l'ArĂ©opage avait repris son influence d'autrefois. Les chefs dĂ©mocrates, Éphialte puis PĂ©riclĂšs, rendent au peuple la maĂźtrise de l'État et perfectionnent mĂȘme les institutions les zeugites citoyens de la troisiĂšme classe censitaire sont admis Ă  l'archontat ; on accorde un salaire ÎŒÎč [
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] Lire la suite CITÉ ANTIQUE CONCEPTIONS POLITIQUES DE LA Écrit par François BURDEAU ‱ 1 060 mots Philosophes, historiens, orateurs de la GrĂšce classique ont dĂ©fini, analysĂ©, discutĂ© ce type d'organisation originale qu'est la citĂ©, favorable Ă  l'Ă©closion d'une rĂ©flexion politique qui fut plus idĂ©aliste que positive et toujours dominĂ©e par des prĂ©occupations morales. C'est Ă  leurs yeux un don des dieux, la sociĂ©tĂ© politique par excellence. La GrĂšce paya de son indĂ©pendance de n'avoir pas dĂ©pass [
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] Lire la suite DÈMES Écrit par Claude MOSSÉ ‱ 358 mots À l'Ă©poque classique, circonscription territoriale de l'Attique. La crĂ©ation des dĂšmes est attribuĂ©e Ă  ClisthĂšne ~ vi e s.. Au lendemain de la chute des tyrans, une lutte pour le pouvoir s'engage entre ClisthĂšne, chef du gĂ©nos des AlcmĂ©onides, et Isagoras. Ce dernier, avec l'appui des Spartiates qui avaient aidĂ© au renversement des tyrans, souhaitait Ă©tablir Ă  AthĂšnes un rĂ©gime oligarchique. Cl [
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] Lire la suite GRÈCE ANTIQUE Civilisation La citĂ© grecque Écrit par François CHÂTELET, Pierre VIDAL-NAQUET ‱ 7 734 mots ‱ 3 mĂ©dias La citĂ© grecque polis est une communautĂ© de citoyens entiĂšrement indĂ©pendante, souveraine sur les citoyens qui la composent, cimentĂ©e par des cultes et rĂ©gie par des nomoi [lois] » AndrĂ© Aymard. Cette dĂ©finition vaut pour l'Ă©poque classique v e - iv e siĂšcle av. et fournit un point de dĂ©part acceptable pour l'Ă©tude d'un phĂ©nomĂšne dont on peut suivre l'Ă©volution du viii e siĂšcle [
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] Lire la suite PÉRICLÈS env. 495-429 av. Écrit par Pierre LÉVÊQUE ‱ 3 837 mots Dans le chapitre Une nouvelle dĂ©mocratie » [
] Encore fallait-il permettre Ă  tous les citoyens, quelle que fĂ»t leur condition de fortune, d'accĂ©der au maniement des affaires publiques. AprĂšs l'assassinat d'Éphialte, PĂ©riclĂšs, devenu leader incontestĂ© du parti dĂ©mocratique qui a pris le pouvoir aprĂšs l'ostracisme de Cimon, s'y emploie de toute son Ă©nergie. DĂšs 457 ou 456, les zeugites citoyens de la troisiĂšme classe censitaire ont accĂšs Ă  l' [
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] Lire la suite PROCÈS DE MAJESTÉ Écrit par Xavier LAPRAY ‱ 1 709 mots Dans le chapitre La notion de majestĂ© » [
] Le terme majestĂ© maiestas , recouvre une notion typiquement romaine qui n'a pas d'Ă©quivalent en grec. L'Ă©tymologie semble renvoyer Ă  un rapport de supĂ©rioritĂ©G. DumĂ©zil, M. Humbert, mais certains estiment qu'il vaut mieux, du moins pour la dĂ©finir en termes politiques, parler de grandeur, de dignitĂ© J. Gaudemet, Ferrary. En effet, si la majestĂ© peut servir Ă  situer les dieux par rappo [
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] Lire la suite PUNIQUES GUERRES Écrit par Gilbert-Charles PICARD ‱ 4 946 mots ‱ 5 mĂ©dias Dans le chapitre DĂ©mocratisation de l'État punique » [
] La paix dictĂ©e par Scipion rĂ©duit cette fois Carthage Ă  la condition d'un État vassal de Rome, mais lui laisse la totalitĂ© de son territoire africain. Hannibal n'a pas perdu tout espoir voyant Rome s'engager en Orient, il pense que Carthage pourra se relever avec l'aide des rois macĂ©doniens, et surtout du monarque sĂ©leucide Antiochos III le Grand qui a rĂ©tabli son autoritĂ© sur presque toute l'As [
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] Lire la suite RHÉTORIQUE Écrit par Françoise DOUAY-SOUBLIN ‱ 5 974 mots Dans le chapitre Racines antiques rhĂštĂŽr, l'orateur » [
] En grec, la rhĂ©torique – rhĂ©torikĂš , sous-entendu technĂš – est l'art de celui qui parle rhĂštĂŽr . La tradition veut que la rhĂ©torique soit nĂ©e en Sicile, alors colonie grecque, au dĂ©but du v e siĂšcle avant lorsque la chute des tyrans d'Agrigente et de Syracuse fut suivie de contestations de propriĂ©tĂ©s plaidĂ©es par les intĂ©ressĂ©s eux-mĂȘmes devant des jurys populaires. À cette occasion [
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] Lire la suite ROME ET EMPIRE ROMAIN La RĂ©publique Écrit par Raymond BLOCH ‱ 10 958 mots ‱ 9 mĂ©dias Dans le chapitre La rĂ©volte de l'Italie 91-88 av. et le gouvernement de Sylla » [
] Au milieu de ces dĂ©sordres, le mĂ©contentement des Italiens s'accroĂźt et provoque une grave explosion. La politique de classe, Ă©goĂŻste, des nobles romains avait tendu, au ii e siĂšcle avant Ă  rĂ©duire au rang de sujets tous ceux qui ne possĂ©daient pas le droit de citĂ© romaine, c'est-Ă -dire les dĂ©tenteurs du droit latin et les pĂ©rĂ©grins des villes alliĂ©es. Sur les alliĂ©s pesaient de lourdes c [
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] Lire la suite SOLON env. 640-apr. 560 av. Écrit par Jean DELORME ‱ 1 038 mots ‱ 1 mĂ©dia Homme d'État, lĂ©gislateur et poĂšte athĂ©nien. NĂ©, selon la tradition, dans une famille de souche royale, Solon doit, pour reconstituer un patrimoine dilapidĂ© par son pĂšre, s'adonner au commerce maritime et entreprendre de nombreux voyages. Il n'en participe pas moins activement Ă  la vie politique de sa patrie. Les ÉlĂ©gies qu'il compose pour rĂ©pandre ses idĂ©es font de lui le premier des publiciste [
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4lettres. 1. (Art) PoĂšte de la GrĂšce antique, qui dĂ©clamait ou chantait des vers transmis par la tradition orale ou créés par lui-mĂȘme. L'aĂšde cĂ©lĂ©brait les dieux et les hĂ©ros.
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4lettres: D'autres dĂ©finitions intĂ©ressantes. DĂ©esse mĂšre de la GrĂšce antique. DĂ©esse incarnant la Faute dans la GrĂšce antique. En GrĂšce antique, elle avait forcĂ©ment de l'avenir 'Folie' de la GrĂšce antique. DivinitĂ© de la mer, dans la GrĂšce antique. Conforme Ă  la philosophie d'un immense penseur de la GrĂšce antique. Grandes fĂȘtes de l'antique GrĂšce. FĂȘtes de la GrĂšce Lutte des partis aprĂšs la promulgation des lois de Solon. - Tyrannie de Pisistrate et de ses fils. - Affranchissement d'AthĂšnes. - ClisthĂšne achĂšve de constituer le gouvernement dĂ©mocratique. La constitution de Solon Ă©tait une transaction offerte Ă  tous les partis. Mais, comme le dit Solon lui-mĂȘme dans un distique que Plutarque nous a conservĂ© Le plus difficile, en pareille matiĂšre, c'est de contenter tout le monde[1]. Chacun voulait interprĂ©ter les lois nouvelles selon ses passions et ses intĂ©rĂȘts. Pendant l'absence du lĂ©gislateur, qui avait cru rendre son Ɠuvre plus sacrĂ©e en s'Ă©loignant de son pays, les anciens partis se reformĂšrent. La Plaine, le Rivage et la Montagne Ă©taient en prĂ©sence, tout prĂȘts Ă  recommencer le combat. La Plaine, dont le chef Ă©tait un certain Lycurgue, Ă©tait le parti des Eupatrides, dont Solon avait bien restreint les privilĂšges. La Montagne, dont Pisistrate Ă©tait le chef, c'Ă©taient les pauvres, les thĂštes exclus des magistratures, mais maĂźtres, par leur nombre, des Ă©lections et des jugements ; ils accusaient Solon d'avoir constituĂ© l'aristocratie en paraissant la rĂ©duire. Le Rivage ou les Paraliens, dirigĂ©s par MĂ©gaclĂšs, de la race des AlcmƓonides, formĂšrent un parti intermĂ©diaire, une sorte de bourgeoisie athĂ©nienne. C'Ă©taient eux qui avaient acceptĂ© avec le plus de confiance les lois conciliatrices de Solon. Quant aux deux partis extrĂȘmes, ils regrettaient amĂšrement ce qu'ils avaient sacrifiĂ© de leurs prĂ©tentions, et ils s'imaginaient que, aprĂšs une lutte nouvelle, ils obtiendraient des conditions plus favorables. Quand Solon revint Ă  AthĂšnes, il fut reçu partout avec honneur et respect ; mais il s'aperçut avec douleur qu'une rĂ©volution Ă©tait imminente. Plus de trente ans s'Ă©taient Ă©coulĂ©s depuis son archontat, et il ne se sentait plus la force d'affronter les orages de la place publique. Il essaya, par des entretiens particuliers, de rapprocher les chefs des diffĂ©rents partis ; mais tous ses efforts Ă©chouĂšrent. Les Montagnards firent Ă  AthĂšnes ce qu'avait fait la populace dans un grand nombre de villes grecques pour humilier l'aristocratie, ils se donnĂšrent un tyran. Presque tous les tyrans, dit Aristote[2], sont d'anciens dĂ©magogues, qui ont gagnĂ© la confiance du peuple en attaquant les principaux citoyens. On sait comment Pisistrate se fit donner des gardes, et s'empara de l'Acropole 561. Les riches avaient pris la fuite ; MĂ©gadĂšs lui-mĂȘme avait quittĂ© la ville. Les modĂ©rĂ©s, privĂ©s de leur chef, avaient perdu tout courage ; Solon essaya de les ranimer. Tout vieux qu'il Ă©tait, il se traĂźna sur la place publique ; il parla aux citoyens qui s'y trouvaient, leur reprochant leur folie, leur lĂąchetĂ©, et les engageant Ă  ne pas laisser pĂ©rir leur libertĂ©. Sans doute, dit-il, il aurait Ă©tĂ© plus facile de prĂ©venir la rĂ©volution ; mais puisque la tyrannie est Ă©tablie, il vous sera plus glorieux de l'anĂ©antir. Ces paroles ne trouvant pas d'Ă©chos et personne n'Ă©tant prĂȘt Ă  agir, Solon rentra dans sa maison ; il prit ses armes, et les jetant devant sa porte Pour moi, dit-il[3], j'ai fait tout ce qui Ă©tait en mon pouvoir pour dĂ©fendre les lois et la libertĂ© de mon pays. Depuis ce moment, Solon vĂ©cut dans la retraite, et ne se mĂȘla plus du gouvernement. Pisistrate n'Ă©tait point un tyran vulgaire c'Ă©tait un homme d'une habiletĂ© et d'une prudence consommĂ©es. Il avait de grandes qualitĂ©s, et savait se donner l'apparence de celles qu'il n'avait pas. Il affectait surtout le dĂ©sintĂ©ressement et un profond amour du peuple. Il avait, dit Plutarque, la parole douce et aimable ; il se montrait secourable envers les pauvres, et modĂ©rĂ© mĂȘme envers ses ennemis. Loin de faire un crime Ă  Solon de son opposition, il l'entoura de toutes sortes d'honneurs, et le consulta mĂȘme sur plusieurs affaires importantes. Il avait d'ailleurs maintenu les lois de Solon, et ĂŻl affectait de les observer exactement. CitĂ© un jour devant l'ArĂ©opage pour cause de meurtre, il se prĂ©senta, comme un simple citoyen, pour rĂ©pondre aux charges portĂ©es contre lui ; mais l'accusateur abandonna la poursuite[4] Pisistrate fit aussi rendre quelques lois nouvelles, entre autres celle qui ordonnait que tout citoyen mutilĂ© Ă  la guerre Mt entretenu aux frais de l'État. Il parait que Solon avait dĂ©jĂ  fait adopter une mesure pareille au profit d'un certain Thersippe ; Pisistrate fit une loi gĂ©nĂ©rale de ce qui n'avait Ă©tĂ© jusque-lĂ  qu'une faveur particuliĂšre. La tyrannie de Pisistrate fut, comme le remarque Aristote, une des plus longues dont l'histoire grecque ait fait mention ; mais elle ne fut point continue. Pisistrate fut forcĂ© de prendre deux fois la fuite, et, en trente-trois ans, il n'en rĂ©gna rĂ©ellement que dix-sept. Ce fut le chef des Paraliens, MĂ©gaclĂšs, qui fut le principal auteur de ces rĂ©volutions successives. En prĂȘtant son appui tantĂŽt Ă  la Plaine, tantĂŽt Ă  la Montagne, il renversa, rĂ©tablit et renversa de nouveau Pisistrate. Mais celui-ci, aprĂšs dix ans d'exil dans Pile d'EubĂ©e, parvint Ă  rentrer dans AthĂšnes sans le secours de MĂ©gaclĂšs, et, cette fois, il Ă©tablit son pouvoir sur une base plus solide. Il fit venir des troupes Ă©trangĂšres de plusieurs pays voisins, et principalement de la Thrace. Il se fit livrer en otage les enfants de ceux de ses principaux adversaires qui n'avaient pas pris la fuite, et il les envoya dans l'Ăźle de Naxos. Il dĂ©sarma les AthĂ©niens, non par la force, mais par la ruse, et il fit dĂ©poser les armes dans le temple d'Aglaure[5]. Si l'on en croit ThĂ©ophraste, ce fut Pisistrate, et non Solon, qui renouvela la loi de Dracon contre les oisifs[6]. Il obligea ceux qui n'avaient point de profession dans la ville Ă  aller demeurer Ă  la campagne pour y travailler, et il leur donna un vĂȘtement particulier qu'ils ne devaient jamais quitter. Il exigea que ceux qui possĂ©daient des terres allassent les habiter et les cultiver eux-mĂȘmes. Lorsqu'il en rencontrait d'oisifs sur la place publique, il leur demandait pour quoi ils restaient ainsi Ă  ne rien faire ; s'ils manquaient de semences, il leur permettait d'en prendre dans ses greniers[7]. Le sol de l'Attique Ă©tait aride et pierreux Pisistrate encouragea, par toute sorte de moyens, la plantation des arbres et surtout celle des oliviers, qui devinrent plus tard une des richesses du pays. Il y avait Ă  AthĂšnes une loi dont parle DĂ©mosthĂšne, et qui dĂ©fendait aux particuliers d'arracher plus de deux oliviers par an sur leurs terres[8]. Les historiens anciens ne nous ont point dit Ă  quelle Ă©poque fut rendue cette loi ; mais il est trĂšs-probable, comme l'a conjecturĂ© un critique moderne[9], qu'elle datait du temps de Pisistrate. Les guerres qui ont eu lieu pendant cette pĂ©riode eurent pour rĂ©sultat de dĂ©barrasser AthĂšnes d'une population surabondante, et d'Ă©tablir dans les pays conquis des colonies en faveur des pauvres. Tel fut l'objet de la conquĂȘte de SigĂ©e, dans la Troade. Pisistrate s'en Ă©tait emparĂ© dĂšs le commencement de son premier rĂšgne, et il y avait Ă©tabli pour tyran son fils naturel, HĂ©gĂ©sistrate[10]. Plus tard, il reprit Salamine, que les AthĂ©niens avaient perdue au milieu de leurs querelles politiques. Il se rendit maĂźtre de DĂ©los, qu'il purifia suivant l'ordre des oracles, en faisant exhumer tous les corps qu'on avait enterrĂ©s dans les environs du temple. Il soumit aussi l'Ăźle de Naxos, oĂč il aida Lygdamis Ă  dĂ©truire une oligarchie oppressive[11]. Ce fut Ă  la mĂȘme Ă©poque que Miltiade, fils de CypsĂ©lus, s'empara de la ChersonĂšse de Thrace. DiogĂšne de LaĂ«rte attribue Ă  Solon la premiĂšre idĂ©e de cette conquĂȘte[12]. C'Ă©tait, en effet, un pays qui convenait beaucoup aux AthĂ©niens, parce qu'il leur ouvrait la Propontide et le Pont-Euxin, et parce qu'il leur fournissait en abondance les grains dont ils avaient besoin. Quelques reproches qu'on puisse faire Ă  Pisistrate quant Ă  l'origine de son pouvoir, on ne peut nier que la plupart de ses actes n'aient Ă©tĂ© marquĂ©s au coin de l'intĂ©rĂȘt populaire, et qu'il n'ait Ă©tĂ©, suivant l'expression attribuĂ©e par DiogĂšne de LaĂ«rte Ă  Solon lui-mĂȘme, le meilleur de tous les tyrans. Les auteurs anciens citent de lui plusieurs traits remarquables de clĂ©mence et de gĂ©nĂ©rositĂ©. Ses jardins Ă©taient ouverts Ă  tous les citoyens et chacun pouvait y cueillir ce qu'il voulait exemple d'hospitalitĂ© suivi plus tard par les chefs du parti aristocratique. Allen et Suidas disent que ce fut Pisistrate qui rassembla le premier les poĂ©sies d'HomĂšre, et qui les fit mettre dans l'ordre oĂč elles nous ont Ă©tĂ© transmises[13]. Il fonda Ă  AthĂšnes la premiĂšre bibliothĂšque dont il soit fait mention dans l'histoire de la GrĂšce[14]. Il dota la ville de plusieurs monuments publics, tels que le LycĂ©e, la fontaine EnnĂ©acrounos, et le temple d'Apollon Pythien[15]. AprĂšs la mort de Pisistrate 528, ses enfants hĂ©ritĂšrent de la tyrannie ; mais les anciens n'Ă©taient pas d'accord sur celui qui lui succĂ©da. Thucydide dit que ce ne fut point Hipparque, comme la plupart le pensent, mais Hippias, fils aĂźnĂ© de Pisistrate, qui s'empara du commandement[16]. HĂ©rodote ne contredit point cette opinion ; car, en parlant du meurtre d'Hipparque, il dit que c'Ă©tait le frĂšre du tyran Hippias. Cependant Hippias ne faisait rien sans consulter ses frĂšres, particuliĂšrement Hipparque, qui eut toute sa vie une grande influence sur le gouvernement. Thucydide lui-mĂȘme n'en disconvient pas ; car il dit qu'Hipparque ne voulait pas que sa puissance eĂ»t rien de blessant pour le peuple, et qu'il gouvernait sans exciter la haine. Ces tyrans, continue l'historien, affectĂšrent longtemps la sagesse et la vertu. Contents de lever sur les AthĂ©niens le vingtiĂšme des revenus, ils embellissaient la ville, dirigeaient la guerre, et prĂ©sidaient aux sacrifices. Du reste, la rĂ©publique conservait ses lois anciennes ; seulement la famille de Pisistrate avait soin de placer quelqu'un des siens dans les charges. Ce passage confirme ce que nous avons dit plus haut, que les magistratures Ă©taient Ă©lectives Ă  cette Ă©poque ; car si le sort en eĂ»t disposĂ©, les tyrans n'auraient pas pu rĂ©server certaines places pour leur famille. Un fils d'Hippias, qui portait le nom de son aĂŻeul Pisistrate, Ă©leva, pendant qu'il Ă©tait archonte, l'autel des douze dieux dans l'Agora, et celui d'Apollon dans l'enceinte d'Apollon Pythien. Dans la suite, quand le peuple eut remplacĂ©, par un plus grand autel, celui qui Ă©tait dans l'Agora, l'inscription disparut ; mais celle de l'autel d'Apollon subsistait encore au temps de Thucydide, quoique les caractĂšres en fussent presque effacĂ©s. Hipparque laissait Ă  son frĂšre aĂźnĂ© les principaux soins du gouvernement. Il paraissait surtout prĂ©occupĂ© de continuer l'Ɠuvre paternelle en ce qui concernait la civilisation athĂ©nienne. Ce fut lui qui Ă©tablit l'usage de chanter les vers d'HomĂšre aux PanathĂ©nĂ©es. Il envoya vers AnacrĂ©on de TĂ©os un navire Ă  cinquante rames, qui ramena le poĂšte Ă  AthĂšnes. Il avait toujours auprĂšs de lui Simonide de CĂ©os, qu'il comblait d'honneurs et de prĂ©sents. Il s'efforça de rĂ©pandre parmi les AthĂ©niens le goĂ»t des lettres, et, pour propager l'instruction jusque dans les derniers rangs du peuple, il fit placer, dans les principales rues d'AthĂšnes et mĂȘme dans les bourgs, des colonnes en forme d'hermĂšs, sur lesquelles il fit graver des sentences que Platon nous a conservĂ©es. Sur l'une on lisait Marche toujours dans la voie de la justice ; sur l'autre Sois fidĂšle Ă  l'amitiĂ©[17]. Le disciple de Socrate, enclin par la nature de son gĂ©nie Ă  idĂ©aliser comme un poĂšte, va jusqu'Ă  dire que cette pĂ©riode de tyrannie fut l'Ăąge d'or des' AthĂ©niens, et peut ĂȘtre comparĂ©e au rĂšgne de Saturne. Mais, dans un pays accoutumĂ© Ă  la libertĂ©, le bien mĂȘme que produit le despotisme ne suffit point pour le faire absoudre. AprĂšs un rĂšgne de dix-huit ans, les Pisistratides furent renversĂ©s. L'assassinat d'Hipparque, par Harmodius et Aristogiton, est antĂ©rieur de deux ans Ă  la chute d'Hippias. Thucydide, qui avait approfondi avec beaucoup de soin cette partie de l'histoire athĂ©nienne, ne voit, dans cet attentat, qu'une querelle particuliĂšre, dont le motif Ă©tait honteux[18]. La tradition populaire attribua plus tard Ă  l'enthousiasme de la libertĂ© ce qui Ă©tait l'effet d'une vengeance personnelle. Les meurtriers d'Hipparque furent transformĂ©s en hĂ©ros fondateurs de l'isonomie. Mais ce qui prouve, selon Thucydide, qu'Harmodius et Aristogiton n'avaient voulu frapper qu'un seul homme, c'est qu'Hippias a continuĂ© de rĂ©gner aprĂšs la mort de son frĂšre. Jusque-lĂ  doux et modĂ©rĂ©, il devint cruel et soupçonneux. Il fit mourir un grand nombre de citoyens ; il se livra Ă  toutes sortes d'exactions, spĂ©cula indignement sur la monnaie, et Ă©tablit de nouveaux impĂŽts. La tyrannie devenait tous les jours plus pesante mais les AthĂ©niens Ă©taient impuissants Ă  s'en affranchir. Les AlcmĂŠonides et les autres bannis avaient fait de vains efforts pour rentrer dans leur patrie en lui rendant la libertĂ©. Ils s'Ă©taient emparĂ©s de Lipsydrion, petite place de l'Attique, au-dessus de PĂŠonia ; mais ils n'avaient pu s'y maintenir et ils s'Ă©taient retirĂ©s Ă  Delphes. LĂ  ils firent avec les Amphictyons un marchĂ© par lequel ils s'engagĂšrent Ă  reconstruire le temple, qui avait Ă©tĂ© brĂ»lĂ© quelques annĂ©es auparavant. La Pythie, cĂ©dant Ă  leurs conseils, ou plutĂŽt Ă  leurs prĂ©sents, si l'on en croit HĂ©rodote, engagea les LacĂ©dĂ©moniens Ă  rĂ©tablir la libertĂ© athĂ©nienne[19]. Les Doriens de Sparte, qui avaient constituĂ© chez eux une si forte aristocratie, ne voulaient pas laisser s'organiser au dehors des tyrannies qui favorisaient le menu peuple aux dĂ©pens des grands ; ils avaient donc intĂ©rĂȘt Ă  combattre les Pisistratides. La premiĂšre expĂ©dition lacĂ©dĂ©monienne ne rĂ©ussit point Hippias fut vainqueur, grĂące Ă  un renfort de mille cavaliers que lui avait envoyĂ© un tyran de Thessalie, nommĂ© CinĂ©as. Mais les Spartiates firent une seconde expĂ©dition sous le commandement de ClĂ©omĂšne, l'un de leurs rois, et, cette fois, ils furent vainqueurs. La cavalerie thessalienne, qui avait perdu plus de quarante hommes, se retira dans son pays. ClĂ©omĂšne arriva dans la ville avec ceux des AthĂ©niens qui voulaient la libertĂ©, et il assiĂ©gea l'Acropole, oĂč Hippias s'Ă©tait renfermĂ©. HĂ©rodote croit qu'il aurait Ă©tĂ© absolument impossible aux LacĂ©dĂ©moniens de chasser les Pisistratides de cette forteresse, bĂątie par les PĂ©lasges. Aussi, dit-il, ne songeaient-ils pas Ă  rester longtemps devant la place, qui Ă©tait abondamment pourvue de vivres, et, aprĂšs l'avoir tenue assiĂ©gĂ©e pendant quelques jours, ils seraient retournĂ©s Ă  Sparte, s'il n'Ă©tait survenu un incident qui leur donna l'avantage. Les Pisistratides rendirent la citadelle pour sauver leurs enfants, qui Ă©taient tombĂ©s aux mains de leurs ennemis. Ils s'engagĂšrent Ă  sortir de l'Attique dans le dĂ©lai de cinq jours, et ils se retirĂšrent Ă  SigĂ©e, oĂč Pisistrate avait fondĂ© une colonie athĂ©nienne, et de lĂ  Ă  Lampsaque, dont le tyran Ă©tait gendre d'Hippias[20]. Plus tard, ils se rendirent Ă  la cour du roi de Perse, qu'ils excitĂšrent contre la GrĂšce. C'Ă©taient donc les Spartiates, aidĂ©s de quelques bannis, qui avaient dĂ©truit la tyrannie Ă  AthĂšnes 540. Mais quand un peuple intervient dans les affaires de ses voisins, c'est pour tourner Ă  son profit la rĂ©volution qu'il a fait triompher. Les Doriens de Sparte auraient voulu Ă©tablir Ă  AthĂšnes une aristocratie qui leur servit d'instrument. Ils soutenaient Isagoras, chef du parti oligarchique. HĂ©rodote dit qu'Isagoras Ă©tait d'une famille illustre, dans laquelle on offrait des sacrifices Ă  Jupiter Carien ; ce qui semble prouver qu'il Ă©tait originaire de cette partie de l'Asie Mineure oĂč dominaient les Doriens. Mais l'esprit des AthĂ©niens Ă©tait contraire Ă  l'oligarchie ; les lois de Solon s'y opposaient. Il y avait Ă  AthĂšnes un parti dĂ©mocratique qui voulait organiser la victoire Ă  son profit ; et, par ces mots de parti dĂ©mocratique, il ne faut pas entendre ici la classe infime qui avait soutenu la tyrannie, mais les Paraliens, la classe moyenne. La noblesse intelligente se ralliait Ă  ce parti ; ClisthĂšne, de la race des AlcmĂŠonides, en Ă©tait le chef. Il capitula avec les partisans des Pisistratides, en Ă©largissant la base de la dĂ©mocratie de Solon. ClisthĂšne augmenta le nombre des tribus et celui des citoyens. Il porta le nombre des tribus de quatre Ă  dix. Aux anciens noms ioniens, qui semblaient rappeler des castes diverses, il substitua des noms nouveaux, qui appartenaient Ă  des hĂ©ros, soit athĂ©niens, soit Ă©trangers. Il y avait huit noms athĂ©niens CĂ©crops, ÉrecthĂ©e, Pandion, ÆgĂ©e, ƒnĂ©e, Acamas, HippothoĂŒs et Leos. Les deux noms Ă©trangers Ă©taient Ajax de Salamine, dont les descendants s'Ă©taient Ă©tablis dans l'Attique, et Antiochos, l'un dei fils d'Hercule, qui, selon la tradition, avait habitĂ© quelque temps Marathon[21]. C'Ă©tait donc une rĂ©action qui s'opĂ©rait en faveur de l'ancienne race, antĂ©rieure Ă  la conquĂȘte des Éoliens et des Ioniens ; ou plutĂŽt c'Ă©tait une fusion complĂšte entre les races anciennes comme entre les partis nouveaux. ClisthĂšne rĂ©partit dans les tribus les bourgs ou dĂšmes de l'Attique, qui m'avaient Ă©tĂ© exclus jusqu'Ă  cette Ă©poque. HĂ©rodote dit qu'il n'y eut d'abord que cent dĂšmes, dix par tribu ; mais un auteur citĂ© par Strabon porte le nombre de ces dĂšmes Ă  cent soixante-dix ; d'autres disent cent-soixante-quatorze[22]. ClisthĂšne parait avoir conservĂ© les anciennes phratries ; mais elles furent dĂ©sormais isolĂ©es par l'abolition des tribus auxquelles elles se rattachaient ; elles perdirent leur importance politique, et ne servirent plus qu'Ă  constater la descendance lĂ©gitime de leurs membres. C'Ă©tait le dernier coup portĂ© Ă  l'ancienne organisation. Le dĂšme, circonscription territoriale, avait remplacĂ© les antiques agrĂ©gations de familles. C'est, dit Aristote, l'un des secrets des fondateurs de dĂ©mocraties crĂ©er de nouvelles tribus, de nouvelles phratries ; substituer aux sacrifices domestiques des fĂȘtes communes, confondre autant que possible les relations des citoyens entre eux, en rompant toutes les associations antĂ©rieures[23]. Le nombre des citoyens s'accrut en mĂȘme temps que celui des tribus. Pour constituer la dĂ©mocratie, les chefs du peuple, dit encore Aristote, ont soin d'inscrire au rĂŽle civique le plus de gens qu'ils peuvent ; ils n'hĂ©sitent point Ă  comprendre au nombre des citoyens, non-seulement ceux qui mĂ©ritent ce titre par la lĂ©gitimitĂ© de leur naissance, mais jusqu'aux bĂątards et aux Ă©trangers. Tout leur est bon pour former la masse qu'ils dirigent Ă  leur profit. Ce fut ainsi que ClisthĂšne introduisit en foule dans les tribus des Ă©trangers domiciliĂ©s, ce qu'on appelait des mĂ©tĂšques, et mĂȘme des esclaves. Par suite de ces changements, le nombre des sĂ©nateurs, qui n'Ă©tait que de quatre cents sous Solon, fut portĂ© Ă  cinq cents chaque tribu dut en nommer cinquante. En vain Isagoras recourut de nouveau au patronage des LacĂ©dĂ©moniens. Il parvint quelque temps Ă  dominer AthĂšnes ; il bannit ClisthĂšne et ses amis, et substitua au sĂ©nat un conseil aristocratique de trois cents membres ; mais ClisthĂšne rentra bientĂŽt dans la ville avec ses partisans, et la dĂ©mocratie athĂ©nienne fut dĂ©finitivement constituĂ©e[24]. Selonla tradition, le diacre Ferjeux (ou Fargeau) et son frĂšre, ou ami, le prĂȘtre FerrĂ©ol sont tous deux originaires d'Asie Mineure et ont Ă©tĂ© convertis au christianisme par saint Polycarpe, Ă©vĂȘque de Smyrne dans la Turquie actuelle, avant d'Ă©tudier Ă  AthĂšnes en GrĂšce [4].Leurs Ă©tudes achevĂ©es, Ă  la fin du II e siĂšcle, on les retrouve dans la ville de Lyon en France, oĂč l

Strasbourg Study days - Geography Geoarchaeology and archaeology of the city of CĂĄdiz, Spain This workshop-seminar organised in Strasbourg will be focusing on the archaeology and geoarchaeology of CĂĄdiz. New sedimentary cores drilled in a marine palaeochannel crossing the city in Antiquity will be discussed. Researchers from the University of CĂĄdiz, the CNRS, the ENGEES, and the University of Strasbourg will be present. Read announcement Montpellier Study days - History Microcosms in the Mediterranean Micro-societies and the challenge of power and representations 16th-21st centuries Cette journĂ©e d'Ă©tude a pour objectif de revisiter le dialogue entre les hommes et l'espace sous un angle nouveau. Il s’agit de rĂ©flĂ©chir Ă  la question du huis clos Ă  partir d'un nombre rĂ©duit d'individus, rassemblĂ©s par une activitĂ© de production ou de loisir des Ă©quipages de navires, des ateliers de peintres, des communautĂ©s de paysans-pĂȘcheurs, des clients d’une auberge, etc.... Ces microsociĂ©tĂ©s sont structurĂ©es par des rapports de force. Elles permettent d’explorer les interconnaissances et les relations personnelles ayant pu s'installer entre des individus, dans le cadre de leur rapport Ă  un territoire maritime restreint la MĂ©diterranĂ©e. La question des pouvoirs sera prĂ©sente afin de saisir les rapports entre les individus, au sein de structures de production. Cette journĂ©e d'Ă©tude se focalisera sur des relations horizontales plus ou moins formalisĂ©es, afin de saisir les actions des individus dans leurs modalitĂ©s effectives et leurs pratiques immĂ©diates. Read announcement Tunis Study days - Ethnology, anthropology Uses and misuses of women's causes The case of Tunisia and comparative perspectives Afin d’interroger et de discuter les usages et mésusages des répertoires féministes ainsi que les relations entre les mouvements de femmes et les États dans l’espace méditerranéen, le réseau de recherche Reconfigurations » de la Philipps Universität de Marburg, associé à l’Université de la Manouba ainsi qu’à la Fondation Heinrich Böll de Tunis, organise deux journées d’étude interdisciplinaires à Tunis. Elles réuniront des universitaires investies dans les études de genre et les études féministes, travaillant sur et depuis différentes sociétés méditerranéennes et ayant le désir de mettre en perspectives leurs travaux. Read announcement Poitiers Study days - History Scholarly nomination, popular nomination in administrative districts and other judicial territories Les hommes donnent des noms propres Ă  eux-mĂȘmes, Ă  d’autres ĂȘtres vivants qui leur sont le plus familiers les animaux domestiques, Ă  certains objets les Ă©pĂ©es des chevaliers et enfin aux lieux. Dans le dernier cas, ces noms peuvent ĂȘtre descriptifs, commĂ©moratifs d’un homme ou d’un Ă©vĂ©nement ou invocatoires noms de saints notamment. Ils s’appliquent Ă  l’origine Ă  un lieu ponctuel » habitat ou Ă©lĂ©ment bien caractĂ©risĂ© de l’environnement, en suivant des processus de nomination dont les acteurs nous Ă©chappent le plus souvent ; l’usage pesant d’un poids considĂ©rable dans l’emploi de ces toponymes, il est probable que ce sont les usagers eux-mĂȘmes qui jouent un rĂŽle dĂ©terminant, sinon dans le choix initial, au moins dans la perpĂ©tuation des noms. Read announcement Pau Study days - Ethnology, anthropology L'espace dans l'AntiquitĂ© Utilisation, fonction et reprĂ©sentation L’espace est un thĂšme permanent de la littĂ©rature antique. Tour Ă  tour scrutĂ©, analysĂ©, chantĂ©, dĂ©crit, fragmentĂ©, recherchĂ©, convoitĂ©, imaginĂ©, utilisĂ© ou dĂ©laissĂ©, il s’impose comme prĂ©occupation partagĂ©e – de l’habitant le plus humble Ă  l’intellectuel le plus illustre. Les Ă©crits antiques s’intĂ©ressent Ă  l’action et Ă  la conception, autrement dit aux expĂ©riences et aux reprĂ©sentations de l’espace ; ils nous invitent Ă  un vĂ©ritable voyage au sein des mentalitĂ©s antiques. Car c’est bien d’une ouverture de nature anthropologique qu’il sera question. De plus, l’utilisation de l’espace explique et dĂ©voile sa fonction ; et cela nous offre l’occasion d’approcher ce que l’homme antique a en tĂȘte lorsqu’il opte pour telle ou telle reprĂ©sentation de l’espace ou quand il cherche Ă  faire l’expĂ©rience de nouveaux espaces, rĂ©vĂ©lant dans le mĂȘme mouvement les valeurs, le mode de vie, les croyances ou les besoins des ces diffĂ©rentes civilisations. Read announcement Rabat Study days - History Analysing the spaces of transition. Interdisciplinary dialogue around the Strait of Gibraltar L'objectif de ce sĂ©minaire, dans le cadre du programme de recherches le dĂ©troit de Gibraltar aux Ă©poques antique et mĂ©diĂ©vale » financĂ© par l'ANR, est de munir le programme d'un cadre conceptuel rigoureux, qui sera particuliĂšrement utile dans la perspective de la rĂ©daction d'un ouvrage de synthĂšse. L'implication du Centre Jacques Berque, en tant qu'institution partenaire du programme, est particuliĂšrement judicieuse pour la rĂ©alisation de ce sĂ©minaire, puisqu'elle permettra aux spĂ©cialistes de diverses sciences humaines associĂ©s au CJB de proposer des approches et des concepts Ă  portĂ©e gĂ©nĂ©rale Ă  des historiens, que leur pointillisme Ă©carte parfois de ces schĂ©mas opĂ©ratoires ; Ă  l'inverse, les difficultĂ©s heuristiques des historiens doivent les conduire Ă  se rĂ©approprier les systĂšmes explicatifs issus des sciences humaines voisines pour les transposer efficacement Ă  l'analyse des sociĂ©tĂ©s du passĂ©. Read announcement Istanbul Study days - Urban studies Metropolitan energy policies the case of the Turkish cities Call for paper for a Seminar at the French Institute of Anatolian Studies IFEA, co-organized by Eric Verdeil Jean Moulin University in Lyon - UMR Environment City Corporation and Jean-François PĂ©rouse Galatasaray University and IFEA. The report Energy and Urban Innovation 2010 by the World Energy Council underlines the fundamental role of cities in the energy transition and the interlocking of several series of actions, related to technology, economy and policy. It appears that the political and social practices are a major issue and justify an increased contribution of social sciences to the analysis of the implementation of these new policies. The seminar intends to address these issues in the case of large Turkish cities. Read announcement La Plaine-Saint-Denis Study days - Urban studies Urban Heritage Stakeholders and their Conflictual Memories and Representations France, Romania, Turkey First Workshop Governance in policies and practicies concerning Urban heritage Ce cycle de rencontres scientifiques vise Ă  approcher la question des acteurs du patrimoine urbain au sens large et au-delĂ  des monuments classĂ©s ou historiques et celle des conflits de mĂ©moire que la patrimonialisation engendre. Dans une perspective assez gĂ©nĂ©raliste et introductive, cette premiĂšre journĂ©e sera l’occasion de revenir sur la question de la gouvernance dans les trois contextes aux histoires, cultures, et gestions patrimoniales diffĂ©rentes, mais soumis Ă  des injonctions Europe, Unesco de bonne gouvernance » et de participation ». Read announcement Paris Study days - History Les chemins de l’industrialisation en France et en Espagne XVIIIe-XXIe siĂšcle Les PME et le dĂ©veloppement des territoires L’objet de la journĂ©e d’études sera de confronter les approches historiques françaises et espagnoles autour de la question des PME et des territoires, des systĂšmes productifs localisĂ©s et des chemins de l’industrialisation. Des contributions portant sur des exemples espagnols, des comparaisons franco-espagnoles ou des relations transnationales entre les deux pays sont attendues. Read announcement Aix-en-Provence Study days - Europe Les Ăźles de la GrĂšce dans la mondialisation À l’égal de la plage caraĂŻbe et de ses cocotiers, l’image de l’üle grecque constitue aujourd’hui l’une des reprĂ©sentations stĂ©rĂ©otypĂ©es du dĂ©paysement et des vacances dans le monde entier. L’invention de ce clichĂ© est dĂ©jĂ  ancienne et les conditions qui ont prĂ©sidĂ© Ă  sa formation doivent ĂȘtre cherchĂ©es tant dans le philhellĂ©nisme europĂ©en du XIXe siĂšcle que dans la quĂȘte d’authenticitĂ© des sociĂ©tĂ©s traditionnelles au XXe siĂšcle. Pourtant, la vie des archipels de la GrĂšce contemporaine, comme celle de l’ensemble des Ăźles de la MĂ©diterranĂ©e, ne se rĂ©sume pas Ă  ces quelques images. Read announcement Tours Study days - Urban studies Villes, bourgs et villages des actes de nouvelle fondation en situation fasciste » Les transformations d’un modĂšle dans le temps et dans l’espace quelles dynamiques et quel rĂŽle pour les nouvelles fondations » dans l’aprĂšs-guerre ? Italie, Libye et Portugal Le sujet spĂ©cifique de cette journĂ©e d'Ă©tude est celui des nouvelles implantations que les rĂ©gimes fascistes ont rĂ©alisĂ© pour coloniser ex-nihilo des parties de leurs pays et des leurs colonies. Il s’agit aussi bien de villages que de bourgs que de vĂ©ritables villes nouvelles, l’ensemble caractĂ©risĂ© par un acte de naissance unique et multiple une nouvelle fondation. Le caractĂšre matĂ©riel de ces bourgs, et des mailles territoriales qu’ils organisent parfois, permet aujourd’hui une lecture patrimoniale des paysages culturels qui ont produit – ouverts et fermĂ©s, valorisĂ©s et cachĂ©s ou dĂ©molis. Les domaines gĂ©ographiques de ce thĂšme de recherche sont nombreux et dĂ©coulent de l’expĂ©rience fasciste italienne, pour atteindre la pĂ©ninsule ibĂ©rique. Cette journĂ©e d’étude vise le transfert vers les Ăźles italiennes Sicile et Sardaigne, la Libye et le Portugal. Read announcement

. 214 364 100 92 169 477 227 272

circonscription de la grece antique 4 lettres